Macbeth à l'Opéra de Toulon

Xl_a64i4249 © Fréderic Stephan

Comme point de départ - pour cette production de Macbeth déjà présentée à Bordeaux et Nancy -, Jean Louis Martinoty et son décorateur Benoît Arnould ont semblé prendre leur inspiration dans une des dernières répliques de Macbeth : « La vie est une histoire racontée par un idiot qui ne signifie rien », telle qu'elle apparaît sur l'une des toiles expressionnistes peintes par Ronan Barrot, qui ouvrent chaque acte. Partant de là, le mettteur en scène français s'en donne à cœur joie pour proposer aux spectateurs tout un fatras grand-guignolesque qui est devenu comme sa marque de fabrique. Renouant avec ses « tics » habituels, l'ancien directeur de l'Opéra de Paris verse une nouvelle fois dans la surcharge, la redondance et la laideur, accentuant gratuitement le côté gore de la pièce tel, entre autres scènes, le meurtre des enfants de Macduff, trucidés de manière très « ostentatoire ». Relevons par ailleurs que la plus grande partie du spectacle se passant dans une complète pénombre, le spectateur éprouve beaucoup de peine à discerner l'amphigouri qu'on lui propose, ce qui n'est finalement pas plus mal...

La distribution offre – sans être exceptionnelle non plus – de meilleures satisfactions. Giovanni Meoni n'est pas un Macbeth qui se coule dans le moule habituel ; chez le chanteur italien, pas de démonstration de virilité extravertie, ni de panache vocal expansif. Son personnage est conçu comme un être plutôt renfermé, torturé par le doute en ses capacités de chef : sa femme est son unique refuge, et sa passion soumise et aveugle le rend incapable de prévoir où elle le mène. La voix ne manque ni d'aplomb, ni d'ampleur sonore - même si on la préfererait plus mordante -, tandis que son legato séduit à chaque instant.

En lady Macbeth, Ingela Brimberg poursuit sans doute l'idéal rêvé par Verdi : elle ne cherche pas la séduction vocale mais la violence convulsive, quitte parfois à friser l'inexactitude tonale. Ses aigus dominateurs ont l'éclat de la foudre et, si le médium semble parfois moins sûr, elle n'hésite pas à prendre des risques fous pour rendre compte de ce personnage shakespearien hors norme. Très habitée, la soprano suédoise fait de son air de somnanbulisme un des moments forts de la représentation, mais l'on déplore que le Contre- qui le couronne - censément bémol - soit délivré forte.

La basse géorgienne Mikhaïl Kolelishvili offre à Banquo son timbre superbe et sa voix puissante, mais l'émission - bien trop slave - reste encore à affiner. On fera les mêmes compliments et les mêmes reproches au ténor russe Roman Shulackoff, dont la ligne de chant s'est montrée bien aléatoire dans le magnifique air « Ah, la paterna mano ».

Nous passerons vite sur la performance vocale d'un chœur peu soucieux d'homogénéité et de justesse ce soir, privant ainsi d'émotion le célèbrissime « Patria oppressa ». Quant à Giuliano Carella, il dirige avec un réel sens du drame verdien ; l'esprit y est, et l'Orchestre de l'Opéra de Toulon s'avère un instrument parfaitement aux ordres, excellant dans les nuances les plus délicates comme dans les passages les plus spectaculaires.

Emmanuel Andrieu

Macbeth à l'Opéra de Toulon

Crédit Photographique © Frédéric Stephan

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