Six ans après avoir été étrennée in loco, la production de Macbeth signé par Frédéric Bélier-Garcia reprend du service pour l’ouverture la saison 22/23 de l'Opéra de Marseille. La mise en scène nous avait paru bien terne à l’époque, dépourvue de vrais enjeux dramatiques, et à nouveau rien ne vient ni accrocher notre regard ni interpeller notre esprit – a contrario de la récente et inoubliable production de Barrie Kosky à Zurich (à titre comparatif).
Par bonheur, la distribution réunie par Maurice Xiberras s’avère (comme quasi toujours) particulièrement enthousiasmante, à commencer par la Lady Macbeth de la soprano italienne Anastasia Bartoli, une révélation pour nous. Après avoir abordé le rôle à Tokyo l’an passé, la cantatrice coche toutes les cases d’une Lady d’exception. En plus d’être dotée d’un instrument à la fois sur-puissant et superbement timbré, elle parvient à gérer aussi élégamment la virtuosité du brindisi que la ligne heurtée de son air d’entrée. Elle l'assume avec éclat et sans aucun écart de justesse. Quant à la fameuse scène de somnambulisme, entonnée sur le fil d’une voix qui ne défaille jamais, et que la soprano conclut par le contre-Ré bémol (émis piano) tel que requis par la partition, elle marque le couronnement d’une interprétation de très haut niveau, bruyamment plébiscitée par le public marseillais au moment des saluts. Face à ce tempérament de feu, le baryton slovaque Dalibor Jenis paraît plus en retrait, scéniquement parlant, collant à cette tradition de Macbeth veule et soumis à sa tyrannique épouse. Mais vocalement, il possède d’authentiques et généreux moyens de baryton verdien, soignant la ligne, notamment dans son grand air final « Pietà, rispetto, amore » où la tendresse qui sommeillait chez la brute sanguinaire des premiers actes se fait entendre. Chanteur-chouchou de la maison, Nicolas Courjal ne fait qu’une bouchée du personnage de Banco, dont il possède assurément tant les graves que la présence, tandis que le jeune Jérémy Duffau confirme avec son Macduff, à la ligne juvénile et pleine d'ardeur, les espoirs placés en l’un des fers de lance d’une génération bénie de chanteurs français. Une mention, également, pour le saisissant Malcom du ténor espagnol Nestor Galvan, qui devrait lui aussi faire parler de lui à l’avenir. Enfin, le chœur maison, au meilleure de sa forme - sous la férule d’Emmanuel Trenque qui partira bientôt exercer son talent au Théâtre Royal de La Monnaie -, rend justice à l’importance que Giuseppe Verdi attachait à ses interventions.
Grand habitué de la fosse marseillaise, le chef italien Paolo Arrivabeni, dirigeant la version révisée de 1865, cherche à tempérer le bruit et la fureur des « années de galère », pour sertir les foisonnantes beautés d’une partition revue et amendée par un compositeur en plein maturité créatrice. Sous sa baguette animée par le sens des équilibres et de gradation des couleurs, l’ouvrage de Verdi ne sonne plus tel un drame expérimental (la première mouture date de 1846), mais bien comme le contemporain de Don Carlos.
Macbeth de Giuseppe Verdi à l’Opéra de Marseille, jusqu’au 9 octobre 2022
Crédit photographique © Christian Dresse
Macbeth - Opéra de Marseille (2022)
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