De la programmation du Rossini Opera Festival, dont les concerts se sont exceptionnellement tenus sur la Piazza del Popolo cette année, en plein air et sous les étoiles, nous n’avons pas seulement entendu le récital du baryton italien Nicola Alaimo, mais aussi celui de la soprano russe Olga Peretyatko. Sa présence était d’autant plus légitime qu’elle a fait ses débuts in loco en 2006, dans le cadre du Voyage à Reims exécuté chaque année par les jeunes chanteurs issus de la fameuse Accademia rossiniana, puis est revenue l’année d’après pour le rôle de Desdemona dans l’Otello rossinien. Elle a ensuite fait la carrière que l’on connaît, s’imposant comme une des plus grandes chanteuses belcantistes de sa génération, et nous avons pu l’entendre dans des lieux aussi divers et prestigieux que l'Opéra de Lausanne dans La Sonnambula, l’Opéra de Monte-Carlo pour une Lucia, ou encore dernièrement à Liège dans Anna Bolena.
C’est avec un ouvrage rare du cygne de Pesaro qu’elle initie la soirée : Mathilde di Shabran. Comme le veut la tradition, c’est cependant son Ouverture que l’on entend d’abord, exécutée avec soin par la Filarmonica Gioacchino Rossini, placée sous la baguette du jeune chef allemand Nikolas Nägele. Deux autres airs extraits d’œuvres de Rossini suivront, la magnifique romance de Mathilde dans Guillaume Tell et le vibrionnant « Bel raggio lusinghier » tiré de Semiramide. Bref, trois airs redoutables dont elle sort largement victorieuse (et pour qui tant d’autres auraient constitué une épreuve…), grâce à son émission franche et une agilité pyrotechnique qui a fait sa renommée. Le « Bel raggio » notamment demeure une vraie leçon de belcanto, par la maîtrise des nuances et des couleurs, et par le phrasé et modelé de ces immenses dessins tracés par sa voix.
Mozart tient également une place de choix dans son programme, avec l’exécution d’abord de l’air de La Comtesse (des Nozze) « Dove sono i bei momenti ? », puis celui de Donna Anna « Non mi dir ». Aucun des deux ne laisse rien à désirer, tant sur le plan sonore qu’expressif, et l’intelligence de l’interprète est connue pour se couler sans effort dans les personnages – souvent aux frontières du tragique – qu’elle a l’habitude d’interpréter. C’est cependant avec un air d'une couleur plus locale qu’elle nous impressionnera le plus, en l’occurrence la cavatine de Ludmilla « Grustno mne, roditel dorogoy ! » extrait du Rousslan et Ludmilla de Mikhaïl Glinka… « Il Rossini russo » dira-t-elle en italien... De fait, l’air s’apparente à du belcanto, et c'est avec précision et fraîcheur qu'elle assume la virtuosité de cette page étourdissante. En bis, c’est la plus convenue Valse de Juliette de Charles Gounod qu’elle entonnera pour la plus grande joie d’un public visiblement aussi acquis que conquis !
Crédit photographique © Studio Amati Bacciardi
21 août 2020 | Imprimer
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