Informations générales
- Compositeur:Bernard Foccroulle
- Librettiste:Matthew Jocelyn
- Date de création:10/09/2023
- Lieu de création:Belgique
- Nombre d'acte:14
- Langue originale:Anglais
- Maison d'opéra de la production originale:Théâtre Royal de La Monnaie - De Munt.
Description de l'Œuvre
Premier opéra du compositeur Bernard Foccroulle (qui signe déjà des œuvres vocales comme Am Rande der Nacht ou Zauberland) sur un livret de Matthew Jocelyn, Cassandra est le fruit d’une commande du Théâtre Royal de la Monnaie où l’ouvrage fait l’objet d’une création en ouverture de la saison 2023-2024, le 10 septembre 2023.
Avec Cassandra, Bernard Foccroulle interroge sur la place des enjeux climatiques dans le débat public et signe « un opéra sur l’inaction collective, face à une catastrophe pourtant annoncée ». En mettant en scène le mythe de Cassandre et son alter-ego contemporain, la jeune activiste Sandra, le compositeur place « le passé et le présent en miroirs l’un de l’autre, confrontant l’espoir du changement au désespoir provoqué par l’inertie de la société, malgré la mise en garde de la jeunesse ».
Création de Cassandra
Pour la création de l’ouvrage, la production est confiée à la metteuse en scène Marie-Eve Signeyrole et au chef d’orchestre Kazushi Ono.
Le double rôle-titre de l’opéra est créé par Katarina Bradić (Cassandra) et Jessica Niles (Sandra). À leurs côtés, la distribution réunit Susan Bickley (Hecuba / Victoria), Sarah Defrise (Naomi), Paul Appleby (Blake), Joshua Hopkins (Apollo), Gidon Saks (Priam / Alexander).
Résumé de l’opéra Cassandra
Dans le livret du Canadien Matthew Jocelyn, « des personnages d’aujourd’hui dialoguent avec des voix venues de la mythologie antique qui nous mettent en garde contre l’effondrement de la civilisation ».
Le personnage de Cassandre, tel qu’il existe dans l’Iliade d’Homère et l’Orestie d’Eschyle, est la fille du roi de Troie, Priam, et de son épouse Hécube. La beauté de Cassandre attire l’attention du dieu Apollon qui, pour la séduire, lui accorde le don de prédire l’avenir. Quand la jeune fille se refuse à lui, il la punit néanmoins : elle continuera à voir l’avenir, mais personne ne croira ses prophéties. Ainsi, quand elle annonce la destruction inévitable de Troie aux mains des envahisseurs grecs, ses avertissements ne sont pas pris au sérieux et elle assiste, impuissante, à la réalisation de sa prédiction.
La notion de catastrophe climatique imminente est au cœur du travail de Sandra, la protagoniste de l’opéra. Doctorante en climatologie, elle étudie la préoccupante fonte des calottes glaciaires. Quand elle prend conscience que ses recherches scientifiques n’ont pas un pouvoir de persuasion suffisant, elle décide de partager ses connaissances d’une façon surprenante : transformée en comédienne de stand-up, elle invite son public à réfléchir à la crise climatique et à la nécessité de changer les mentalités. Mais pouvons-nous rire de la fin du monde, tel que le fait « Sandra the climate fool » ? Est-elle la Cassandre d’aujourd’hui ? Les jeunes activistes peuvent-ils se reconnaître en elle ?
Prologue
Des esprits humains de tous les temps font entendre leurs voix depuis le néant. Ils s’adressent à Cassandre, évoquant sa frénésie, ses prophéties, la malédiction qui l’a frappée. Ils voient Troie en feu, comme elle l’avait prédit. C’était alors. C’est maintenant.
Scène 1
Impuissante, Cassandre assiste à la destruction de Troie par les flammes. Voyant se produire ce qu’elle avait annoncé sans être entendue, elle hurle sa détresse. S’agit-il seulement du passé, ne s’agit-il pas aussi de notre futur ? « Ce qui fut, ce qui est, ce qui doit être. »
Scène 2
De nos jours. Sandra Seymour, doctorante en climatologie, clôture un colloque sur le climat par un spectacle de stand-up dans lequel elle transmet le résultat de ses recherches avec une solide dose d’humour. Elle espère de cette manière pousser ses auditeurs à agir, ce que les scientifiques ne parviennent pas à faire au moyen de leurs données arides. Le public l’acclame, mais à l’issue de sa prestation, un activiste la prend à partie dans les coulisses : comment peut-elle rire d’un sujet tel que le réchauffement climatique ? Il s’agit de Blake, un étudiant en lettres classiques. Malgré cette vive entrée en matière, le courant passe tout de suite entre les deux jeunes gens.
Scène 3
Apollon a octroyé à Cassandre le don de voir l’avenir, mais comme elle n’a pas répondu à ses avances, il lui a craché dans la bouche : personne ne croira ses prophéties. Le dieu tente une nouvelle fois de séduire la jeune femme. Cassandre lui tient tête et évoque d’autres femmes qu’Apollon a voulu conquérir. Il la nargue : pense-t-elle être la seule capable de « voir » ? L’avenir est à portée de main ; quiconque le veut vraiment peut le voir. Cassandre est rongée par le deuil et le chagrin.
Scène 4
Une centaine d’abeilles bourdonnent.
Scène 5
Une année s’est écoulée depuis que Sandra et Blake se sont rencontrés et sont tombés amoureux. À présent, ils vivent ensemble, et chacun d’eux travaille à sa thèse : à l’aide d’algorithmes, Sandra modélise la fonte de la calotte glaciaire en Antarctique et ses conséquences ; Blake étudie l’Agamemnon d’Eschyle. Au cours d’une discussion, Blake cite une expression prononcée par Cassandre dans la pièce de théâtre : « Ototoï popoï da » – exclamation qui exprime l’horreur indicible des visions de la prophétesse. Bien que leurs domaines respectifs semblent très éloignés, les jeunes chercheurs observent de nombreuses concordances entre ceux-ci. À l’instar des prédictions de Cassandre, les prévisions de Sandra à propos de la crise climatique ne sont pas entendues : c’est une « chanson prophétique, malvenue, importune ». La discussion est interrompue par la sonnerie du téléphone : la mère de Sandra invite le couple à sa fête d’anniversaire.
Scène 6
Sandra, ses parents Victoria et Alexander, sa sœur Naomi, ainsi que Blake sont réunis pour célébrer les 55 ans de Victoria. L’atmosphère est joyeuse, les convives évoquent différentes manières de prédire l’avenir, et les taquineries vont bon train. Mais Sandra n’apprécie pas du tout que son travail scientifique soit comparé à de la divination. Au cours de la discussion, il est question du voyage que les parents ont effectué en Antarctique pour rendre visite à leur fille, et de l’état alarmant de ce continent. Alexander fait peu de cas des propos de Sandra annonçant une catastrophe pour les calottes glaciaires ; au contraire, il pointe les opportunités qu’offre la fonte des glaces polaires dans son domaine – notamment la possibilité d’exploiter de nouvelles ressources… Choqués par de tels propos, Sandra et Blake décident de s’en aller. L’arrivée du gâteau d’anniversaire les retient. Après que Victoria a soufflé les bougies, Naomi parvient enfin à annoncer qu’elle est enceinte.
Scène 7
Des personnages du passé errent dans la « bibliothèque des morts ». Le roi Priam relit sans cesse ce qui a été écrit, au cours de l’histoire, au sujet de sa mort et de la chute de Troie. Il reproche à Cassandre d’avoir lancé une malédiction contre lui et contre la ville, alors qu’elle n’avait fait qu’annoncer la catastrophe à venir. Hécube plaide en faveur de leur fille, et Priam prend peu à peu conscience que les paroles de Cassandre ne tenaient pas de la malédiction, au contraire. Restée seule dans la bibliothèque, la jeune femme est envahie par une vision – celle de sa propre mort ? ou de la mort de quelqu’un d’autre ?
Scène 8
Sandra et Blake sont chez eux. Ils s’aiment, mais se heurtent à un désaccord. Alors qu’il s’apprête à partir en Antarctique pour une mission d’intervention écologique risquée, Blake exprime son souhait d’avoir un enfant avec Sandra. La jeune femme éprouve un sentiment ambivalent: est-il bien raisonnable de donner la vie dans ce monde ? Blake défend le point de vue selon lequel ils se battent pour un monde meilleur – celui de leurs enfants. Au fond d’elle, Sandra reconnaît qu’elle entend l’appel des sirènes de la maternité. Mais elle craint le « naufrage » de notre monde.
Scène 9
Quinze abeilles bourdonnent.
Scène 10
Naomi chante une berceuse pour son enfant qui va bientôt naître : une fille qu’elle appellera Alexandra.
Scène 11
Sandra a terminé sa thèse et donne une dernière fois son spectacle, mais sous une autre forme. Le ton très sérieux qu’elle y adopte n’est pas au goût de tous les spectateurs. Les invectives et les insultes volent. Certaines personnes sortent de la salle. Sandra annonce alors qu’elle va quitter le monde académique et la scène pour devenir activiste, à l’instar de Blake qui est en route pour l’Antarctique.
Ses parents et sa sœur assistent à la représentation. Au cours de celle-ci, le père de Sandra reçoit un appel téléphonique lui annonçant que le bateau à bord duquel se trouvait Blake a coulé. À l’issue du spectacle, toute la famille vient annoncer la terrible nouvelle à Sandra ; celle-ci s’effondre. Naomi perd les eaux au même moment. Sandra se retrouve seule. Cassandre lui apparaît.
Scène 12
Sandra comprend peu à peu qu’elle est en présence de Cassandre et que leurs destins sont liés. Cassandre, qui a tant souffert, semble essayer de consoler Sandra – elle connaît bien l’épreuve que vit la jeune femme. Avant de disparaître, elle insiste sur le fait qu’il n’y a pas de dieu pour cracher dans la bouche de Sandra. Personne ne peut donc l’empêcher d’être « entendue ».
Scène 13
Cinq abeilles bourdonnent. Elles n’ont pas conscience de ce qui est en train de se passer.
Marie Mergeay (dramaturge)
traduction : Brigitte Brisbois
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