Informations générales
- Compositeur:Paul Hindemith
- Librettiste:Paul Hindemith
- Date de création:1938
- Lieu de création:Suisse
- Nombre d'acte:8
- Langue originale:Allemand
- Maison d'opéra de la production originale:Opernhaus Zürich.
Description de l'Œuvre
Très rares sont les opéras qui ont pour protagoniste un peintre ou un sculpteur – tel le Benvenuto Cellini (1838) de Berlioz. En pleine montée du nazisme, le compositeur allemand Paul Hindemith (1895-1963) soulève la question du rôle et de l’engagement de l’artiste confronté aux errements et aux périls d’une société qui fait obstacle à son travail de créateur. A travers l’évocation de la vie de l’auteur du célèbre Retable d’Issenheim, le peintre Mathis Grünewald (v.1475/1480-1528), Hindemith porte un regard critique sur la société allemande de son temps, celle du nazisme triomphant. Par la voix de Grünewald qui a traversé une période troublée de la Renaissance, marquée par la Réforme et la Guerre des Paysans (1524-1526), Hindemith s’interroge sur la véritable mission de l’art face à la souffrance du monde. Mathis le Peintre se rattache à un genre précis, celui du « Künstleroper » qu’on peut traduire par « opéra d’artiste ». En reprenant le parcours intellectuel d’un créateur, le compositeur se lance dans une véritable défense et illustration de ses propres conceptions artistiques. Opéra d’actualité à la dimension largement autobiographique Mathis le Peintre tient sa couleur musicale archaïsante de la citation de plusieurs mélodies extraites d’une anthologie d’airs des XIIème et XVIème siècles, l’Aldeutsches Lierderbuch (1877). Un parallèle s’impose avec Hans Sachs, le héros wagnérien des Maîtres Chanteurs de Nuremberg (1868) mais le retour aux sources de l’esprit allemand reste secondaire face à la modernité du langage musical. Hindemith a conçu lui-même son livret en sept tableaux sur le modèle du Retable peint par Mathis. Chaque « tableau » explore un aspect de la condition de l’artiste. Oeuvre polyphonique conçue comme un polyptyque, Mathis le Peintre est un opéra majeur du XXème siècle. La première esquisse de cette fresque puissante donna naissance à la Symphonie Mathis le Peintre créée à Berlin en mars 1934 sous la direction de Wilhelm Furtwängler. Le succès de cette création laissait entrevoir celui qui attendait l’opéra… C’était sans compter sur l’acharnement des nazis. Malgré l’engagement de Furtwängler, finalement contraint de démissionner de toutes ses fonctions, Mathis le Peintre ne sera pas monté en Allemagne mais en Suisse, en 1938, alors que Hindemith a déjà fait le choix de l’émigration. La création allemande n’aura lieu qu’en 1946 à Stuttgart.
Resumé
A Mayence, au monastère des Antonins, dans la lumière éclatante de midi, le peintre Mathis travaille à une fresque. Soudain surgissent deux fugitifs auxquels Mathis accepte de prêter assistance : Regina et son père, Schwalb, chef des paysans révoltés, qui estime que le peintre devrait s’engager au lieu de se réfugier dans son art. Mathis quitte le service de son protecteur, le cardinal Albrecht, qui cherche vainement à éviter l’affrontement entre catholiques et luthériens. Le peintre épouse la cause des paysans mais ces derniers se retournent contre lui et il doit s’enfuir avec Regina dont le père a été tué. Mathis ressent cruellement l’échec de son engagement. Il prend conscience de l’importance de sa mission d’artiste : c’est en peignant pour la gloire de Dieu qu’il sera le plus utile à l’humanité souffrante. Mathis retourne à son atelier et reprend ses pinceaux. Regina meurt avec l’espoir de retrouver son père. En achevant son œuvre, Mathis a accompli l’essentiel pour l’humanité. Il ne lui reste plus qu’à faire ses adieux au monde après avoir rangé dans une malle ses pinceaux et le peu qu’il possède.
Le peintre Mathis s’interroge sur sa mission d’artiste : quelle est donc la finalité de son art ? Sa réflexion est brutalement interrompue par l’arrivée de deux fugitifs : Schwalb, chef des paysans en révolte, est blessé et il fuit avec sa fille Regina pour échapper aux troupes confédérées menées par Sylvester von Schaumberg. Mathis donne son cheval à Schwalb et à Regina après les avoir soignés et réconfortés. Brutalement arraché à sa vie contemplative, le peintre est déstabilisé. Sylvester von Schaumberg l’accuse de traîtrise et le menace de représailles.
Dans la salle de la forteresse Martinsburg à Mayence, on attend l’arrivée de l’archevêque Albrecht, protecteur de Mathis. Un groupe de bourgeois papistes, soutenus par Lorenz von Pommersfelden s’opposent à des luthériens, secondés par Wolfgang Capito, conseiller du cardinal. Mathis retrouve avec émotion Ursula, la fille d’un chef luthérien, Riedinger. Bien qu’il soit désireux de faire de Mayence une « nouvelle Rome sur le Rhin », Albrecht voudrait jouer un rôle de pacificateur en s’opposant à un autodafé réclamé par le légat de Rome. Mais Albrecht capitule devant Pommersfelden : les livres hérétiques seront brûlés et Mathis, devenu suspect, se voit mis à l’écart. En prenant le parti des opprimés, Mathis est devenu un ennemi et il est menacé d’emprisonnement. Albrecht continue à lui accorder sa protection mais le peintre révolté a demandé son congé et le cardinal le laisse partir sans lui accorder une parole.
Riedinger tente de mettre à l’abri dans sa propre maison les ouvrages destinés à être brûlés en autodafé. Mais Capito, trahissant ses amis luthériens, compromet tout et explique qu’il choisit de sacrifier les livres pour préserver une précieuse lettre de Luther conseillant à Albretch de se marier. Le cardinal préoccupé par les difficultés financières que connaît sa ville pourrait bien se résoudre à épouser une riche héritière luthérienne comme Ursula, ce qui favoriserait la réconciliation avec les catholiques. De son côté, Mathis décide d’abandonner son art et de renoncer à son amour pour Ursula afin de s’engager aux côtés des paysans révoltés. Désespérée par ce choix, Ursula accepte de se sacrifier pour sa foi en épousant celui que son père lui destine.
En participant à la révolte des paysans Mathis se trouve mêlé à des actes violents qu’il réprouve et qu’il essaie d’empêcher. Mais comment contenir une meute déchaînée qui n’aspire qu’à la vengeance ? En essayant de sauver la comtesse Helfenstein et son époux, Mathis est pris à parti par les paysans déchaînés. Le peintre ne doit son salut qu’à l’arrivée de Schwalb et Regina. Malheureusement Schwalb est tué par l’armée du Sénéchal venu rétablir l’ordre en écrasant la révolte paysanne. Revenu de ses nobles illusions, Mathis est découragé par l’inutilité de sa lutte et il ne lui reste plus qu’à partir avec Regina.
A Mayence Albrecht ne veut pas se marier. Il est pourtant très impressionné par la ferveur d’Ursula qui est intimement convaincue que ce mariage peut rétablir la paix dans un pays déchiré par les querelles religieuses. Albrecht repousse le mariage mais il abandonne tous ses biens pour vivre dans la simplicité comme un ermite et il autorise officiellement les luthériens à célébrer leur culte.
Mathis et Regina sont en fuite. Au cours de la nuit, Mathis, sous l’apparence de Saint Antoine, est assailli comme lui par des visions tentatrices. Tous ceux qu’il a croisés précédemment reviennent le tourmenter sous une forme nouvelle. L’apparition de Saint Paul met fin à ces visions en éclairant Mathis sur son destin. C’est en renouant avec sa vocation artistique, véritable don de Dieu qu’il a méprisé, qu’il peut servir au mieux l’humanité.
Mathis s’est remis à peindre. La nuit il est étendu sur le sol de son atelier dans un état d’épuisement total tandis que Regina dort, veillée par Ursula. Mathis a terminé son œuvre. Regina meurt tourmentée par la mort de son père dont le souvenir se superpose à la Passion peinte par Mathis. Le peintre refuse l’invitation d’Albrecht qui est venu lui proposer sa maison comme dernier refuge. Mathis lui dit un dernier adieu puis il range un à un dans une malle tous les objets qui ont compté dans sa vie avant d’aller chercher son « coin pour mourir, tel un animal dans les bois ».
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