Guillaume Tell de Rossini revient en force

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Guillaume Tell va prochainement être sous le feu de l'actualité lyrique - un peu partout en Europe - avec un certain nombre de (nouvelles) productions s'appuyant sur la version originale française. Le 28 juin prochain, le Festival d'été de Munich affiche ainsi l'ouvrage (compte-rendu à suivre prochainement dans vos colonnes préférrées), puis ce sera au tour, le 26 août, du Festival international d'Edimbourg (mais ici dans sa mouture italienne et en simple version de concert), de l'Opéra de Monte-Carlo (à partir du 22 janvier 2015), et enfin du Royal Opera House de Londres (à partir du 29 juin). L'occasion pour Opera-Online de revenir en quelques mots sur l'ouvrage qui constitue l'ultime opus lyrique du Cygne de Pesaro.

De Tancredi à Moïse et Pharaon, des réminiscences du Tasse aux influences françaises, Guillaume Tell syncrétise toutes les expériences passées de Rossini et s'avère la somme historique et poétique de toutes les tendances du théâtre rossinien buffo et drammatico. L'ouvrage est aussi l'aboutissement d'une série de transformations profondes dans le style, le langage, et le code poétique du compositeur. Il apparaît comme une grande fresque symphonique et vocale où Rossini accorde au choeur un rôle de protagonniste. Au même titre que le corps de ballet – ce lourd tribut payé à la grandiloquence et au goût de l'ornement du grand-opéra – celui-ci forme le grandiose panorama d'où émergent péniblement les huit personnages secondaires et, avec un relief saisissant, les trois héros : Guillaume, Arnold et Mathilde.

Cette vision complexe et tourmentée, reflet de toute une érudition et d'une vaste culture, jette un pont qui irait de Weber à Verdi, et dont les piliers seraient Beethoven et Gluck : des influences articulées avec génie et qui se fondent en une conception dramaturgique unitaire. Comme Berlioz dans l'épopée virgilienne, Rossini vit au cœur du dualisme entre l'aspiration à un classicisme et l'intuition romantique. Pourquoi s'être alors enfermé, après cet enfantement, dans un silence qui dura quarante années ? Peu enclin aux confessions autobiographiques, le compositeur italien a préféré emporter son secret dans la tombe. On peut penser que Tell est la manifestation d'une crise de croissance, la première dans toute une carrière, vécue avec intensité et dans la souffrance, comme en témoignent la physionomie générale de l'ouvrage, et les nombreuses modifications qu'il subira : ajouts, coupures, retours en arrière...  La vogue éclaboussante de son "rival" Giacomo Meyerbeer, le relatif insuccès de sa dernière pièce, les intrigues des chanteurs, la mauvaise volonté des directeurs de théâtre, tout cela semble avoir aussi lasser et dégoûter Rossini, et le conduire, in fine, à un véritable état de paresse et d'hypocondrie.

Emmanuel Andrieu

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