Dans « opéra-comique », il y a ce trait d’union littéral et symbolique entre le chanté et le parlé, très cher à Louis Langrée, qui dirige l’institution du même nom depuis l’automne 2021. Ce n’est pas seulement une question de ponctuation, mais aussi un état d’esprit né du théâtre forain, et une différenciation clé par rapport à la Comédie-Française et à l’Opéra de Paris, voués respectivement à la voix de théâtre et à la voix lyrique. L’esprit Opéra-Comique repose selon lui sur une trinité originalité-création-transmission, dans sept productions adaptées aux dimensions de la Salle Favart.
La dernière de la saison n’est pas vraiment inconnue du public, car il s’agit d’Armide de Lully… dans les mêmes décors que l’Armide de Gluck il y a quelques mois. La politique « écoresponsable » se poursuit après le Roméo et Juliette de Gounod en scénographie Comédie-Française : une démarche sensée, surtout pour un livret identique. À voir comment Lilo Baur adaptera l’esthétique musicale baroque à sa mise en scène. Christophe Rousset et ses Talens Lyriques reprendront du service, de même que le chœur Les éléments, aux côtés d’une distribution renouvelée dans les deux rôles principaux (Ambroisine Bré et Cyrille Dubois).
Les deux spectacles de Thomas Jolly décalés par la Covid rattraperont le temps « perdu ». Macbeth Underworld, de Pascal Dusapin et Frédéric Boyer, co-commandé avec la Monnaie de Bruxelles, qui l’avait créé en septembre 2019 (coproduction avec l'Opéra de Rouen Normandie), aura ainsi droit à sa première française. La fosse de l’Orchestre de l’Opéra national de Lyon et Franck Ollu interagira avec un plateau vocal composé de Katarina Bradić, Jean-Sébastien Bou, Maria Carla Pino Cury, Mélanie Boisvert, Melissa Zgouridi, Hiroshi Matsui, Graham Clark, le choeur accentus et la Maîtrise Populaire de l’Opéra-Comique. Fantasio d’Offenbach verra ensuite la couleur de la place Boieldieu, après avoir notamment tourné du Théâtre du Châtelet en 2017 à l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie en 2018, en passant par l’Opéra des Nations de Genève. Les déjà-aguerris à l’ouvrage (Laurent Campellone à la baguette, Ensemble Aedes, Franck Leguérinel, Jean-Sébastien Bou) s’allieront aux nouveaux (Orchestre de chambre de Paris, Gaëlle Arquez en Fantasio), Jodie Devos, François Rougier, Anna Reinhold).
Semi-surprise pour La Fille de madame Angot de Charles Lecocq, que le Palazzetto Bru Zane avait fait redécouvrir en version de concert en juin 2021 au Théâtre des Champs-Élysées. Richard Brunel partagera sa lecture (comme à l’Opéra Nice Côte d’Azur et à l’Opéra Grand Avignon) des amours entre la fougueuse Clairette (Hélène Guilmette) et le dissident politique Ange Pitou (Julien Behr), intégrées aux péripéties générées par Véronique Gens, Pierre Derhet, Matthieu Lécroart et Geoffrey Carey, sous le geste d’Hervé Niquet.
À l’image du Voyage dans la lune capté en 2021 et représenté début 2023, la Maîtrise de l’Opéra-Comique bénéficiera de son propre spectacle : Archipel(s), collaboration entre la compositrice Isabelle Albouker et le romancier Adrien Borne, sur les injections contradictoires de la société envers la jeunesse, avec Les Frivolités Parisiennes, le chef Mathieu Romano, dans une mise en scène de James Bonas.
La patte de Louis Langrée se retrouve sur L’Autre Voyage, pasticcio (en coproduction avec l'Opéra de Dijon) de partitions oubliées de Schubert, avec Stéphane Degout, Siobhan Stagg et Laurence Kilsby. Silvia Costa construira une narration visuelle et conceptuelle à partir de la notion du double, que Raphaël Pichon et Pygmalion développeront dans leur versant instrumental.
Le directeur de l’Opéra-Comique redeviendra directeur musical, le temps de L'Heure espagnole de Ravel, en diptyque avec le ballet Pulcinella de Stravinsky (chorégraphie de Clairemarie Osta pour six danseurs). Le format inspirera sans doute davantage Guillaume Gallienne que La Cenerentola à l’Opéra national de Paris. Côté voix, des valeurs sûres (Stéphanie d'Oustrac, Philippe Talbot, Benoît Rameau, Jean-Sébastien Bou, Jean Teitgen), et trois jeunes espoirs issues de la nouvelle Académie de l’Opéra-Comique. Celle-ci suivra un parcours d’enseignements divers et de recherche, et se produira lors de masterclasses données par les têtes d’affiche de la saison, et quelques concerts (y compris en hors-les-murs dans la nef du Musée d’Orsay) et « Nocturnes », un nouveau format convivial d’after-spectacle pour explorer les thématiques de programmation.
Notons également un récital de chansons en hommage à Julie Andrews, par Lea Desandre, Thomas Dunford et l’Ensemble Jupiter, ainsi qu’un piano-voix Schubert avec Alain Planès et Stéphane Degout, sans oublier les ateliers participatifs « Voix en partage », point d’entrée choral aux titres donnés en salle, ou les spectacles jeunesse et les colloques.
La saison 23-24 de l’Opéra-Comique est disponible en ligne.
Abonnements déjà ouverts. Début des réservations à l’unité le 11 mai à 11h
09 avril 2023 | Imprimer
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