Nicola Alaimo est sans conteste l'un des meilleurs barytons verdiens de sa génération, et nous l'avons souligné à maintes reprises dans ces colonnes, comme avec son Falstaff à l'Opéra de Marseille, son Miller à l'Opéra Royal de Wallonie ou plus récemment son Simon Boccanegra à l'Opéra de Flandre. C'est à l'occasion d'un Trovatore à l'Opéra de Monte-Carlo, où il interprète le Comte de Luna (lire le compte-rendu ici), que nous l'avons rencontré.
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Opera-Online : Au regard de votre planning, Verdi tient la première place dans votre vie de chanteur...
Nicola Alaimo : C'est un compositeur que j'aime et que je vénère, exactement comme je vénère Rossini, un autre musicien aux nuances infinies dont Verdi lui-même s'est inspiré.Ces deux immenses artistes ont été très présents tout au long de mes vingt années de carrière et ils le seront encore, je l'espère, pour longtemps…
Comment voyez-vous votre personnage du Comte de Luna?
Le Comte de Luna n'est pas méchant comme le décrivent souvent certains collègues ou critiques musicaux. C'est un homme qui jouit d'un incontestable confort social qui lui « permet » de commettre certaines erreurs qui lui sont dictées toutefois par un amour authentique pour Leonora. On ne peut pas justifier ses gestes insensés, bien évidemment, mais ces derniers découlent tous de là, c'est-à-dire d'une jalousie mêlée à une rage atroce, qui se manifestent dangeureusement à cause d'un amour non partagé.
A-t-il été facile de vous intégrer dans la mise en scène de Francisco Negrin ?
Je dirais que oui. Cela n'a pas été facile de travailler sur un plan incliné, comme c’est le cas ici, mais au final, c'est le résultat qui compte… Et je suis arrivé à rentrer dans l'optique du metteur en scène qui demandait certains gestes et mouvements précis que j'ai su intégrer avec facilité. Ce spectacle est très fort : le feu et le sang y sont rois, de même que la Gitane - le titre original quand l'œuvre a été écrite – a ici un rôle fondamental, vraiment poignant et impressionant par certains aspects. Par exemple, l’air « Condotta ell'era in ceppi » est un récit atroce que nous imaginons souvent grâce aux paroles d'Azucena, mais à l'inverse, dans ce spectacle, il devient la vision de celle-ci, et est ici rendu visible au public qui reste lui-même pétrifié : c'est vraiment un grand coup de maître, et on le doit à l’excellent metteur en scène qu'est Francisco Negrin.
A quoi pensez-vous que tienne l'harmonie au sein d'une équipe ?
Le travail d'équipe est fondamental pour la bonne réussite d'un spectacle. Il faut de l'harmonie, de la sérénité, il faut l'envie de travailler, mais plus encore, il faut de l'empathie !... Et quand il y a ce dernier élément, si précieux pour un artiste au regard de ces collègues, une empathie qui doit être évidemment réciproque, alors tout devient d'un seul coup plus facile, tout a un goût plus vrai, plus authentique, tout est plus brillant et plus efficace. Quand je monte sur une scène, je ne suis plus Nicola Alaimo, mais le personnage que j'interprète. Et si j'ai face à moi un collègue qui a la même posture, alors la magie opère et le public s'en aperçoit. C'est ce qui est arrivé pour cette production, grâce à des collègues merveilleux comme Maria Agresta, Francesco Meli, Marina Prudenskaja, le Maestro Daniel Harding et tous les autres...
Quels sont vos projets et quels nouveaux rôles aimeriez-vous aborder maintenant ?
Tout de suite après Monte-Carlo, je serai membre de la commision du Concours Burzi de Pesaro, et le 4 mai, j'organiserai une masterclass avec les lauréats. Le 19 mai, je reviens à l'Opéra avec un concert entièrement consacré à Giuseppe Verdi, au Teatro della Fortuna de Fano, pour fêter mes 20 ans de carrière, avec le soutien de l'Orchestra Sinfonica Rossini. Puis, à partir du 25 mai, j'interprèterai pour la première fois – à la Royal Opera House de Londres - un rôle que j'ai toujours rêvé d’aborder : Giorgio Germont dans La Traviata. Ensuite, je reviendrai - pour la huitième fois ! - au Rossini Opera Festival de Pesaro chanter dans Torvaldo e Dorliska, et à la rentrée, je serai au Teatro Massimo de Palerme pour interpréter le rôle de Michonnet dans Adriana Lecouvreur, qui sera dirigé pour la première fois par le grand maestro Daniel Oren. Je reviendrai tout de suite après à l’Opéra Monte-Carlo pour une Cenerentola historique, dans la mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle… avec une amie et une collègue spéciale : Cecilia Bartoli ! Quant au rôle que je rêve d’aborder et que l’on ne m’a pas encore proposé, je dirais celui de Carlo Gérard dans Andrea Chénier... alors avis aux directeurs de théâtre ! (rires)
Interview réalisée à Monte-Carlo le 24 avril 2017 par Emmanuel Andrieu
26 avril 2017 | Imprimer
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