Nous avions découvert le ténor malgache Sahy Ratia avec le rôle de Nemorino dans L’Elisir d’amore à l’Opéra Grand Avignon en 2019. Sa prise de rôle de George Brown dans La Dame blanche à l’Opéra de Rennes (dont nous venons juste de rendre compte dans ces colonnes, et toujours disponible sur Facebook Watch) confirme l’excellente impression qu’il nous avait laissée, se confirmant comme l'un des meilleurs jeunes ténors légers du moment. Nous lui avons posé cinq questions…
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Opera-Online : Vous êtes né à Madagascar… comment l’opéra a-t-il surgit dans votre vie là-bas ?
Sahy Ratia : J’ai commencé à connaître l’opéra quand Pierre Catala, qui est devenu ensuite mon professeur de chant, a donné une master-class dans mon pays d'origine. Je dois avouer qu’avant de le rencontrer, je ne m’intéressais pas plus que ça à l’opéra et à la musique classique en général. C’est en suivant sa master-class, et après avoir étudié quelques bases de la musique classique, que j’ai commencé à apprécier de plus en plus ce type de musique. J'ai donc décidé étudier les bases de l’opéra à Madagascar, puis j'ai décidé de l’étudier plus en profondeur à Paris, où j'ai poursuivi mes études au Conservatoire Francis Poulenc dans le 16ème arrondissement. Et j'ai dû tout apprendre assez vite car l’objectif principal de mon professeur était que j'entre rapidement au CNSM de Paris.
On vous avait découvert dans le rôle de Nemorino (L’Elisir d’amore) à l’Opéra Grand Avignon l'an passé. Quels sont les souvenirs que vous gardez de la production de Fanny Gioria, et quel est votre conception personnelle de ce personnage ?
Tout dans cette production était inoubliable, que ce soit l’équipe sympathique et bienveillante, la scénographie lumineuse, les costumes colorés, et la mise en scène de Fanny. C'était une expérience unique surtout parce que c’était mon premier Nemorino dans une maison d’opéra. Je me suis longtemps identifié à ce personnage car tout comme lui, je suis de nature assez timide et modeste, mais tout comme lui également, dès que je suis motivé à faire quelque chose qui me tient à cœur, je me donne corps et âme dans ce que j’entreprends. Voilà pourquoi Nemorino est un des rôles que je rêvais d’incarner, et cette production à Avignon était l'oppotunité de réaliser enfin ce rêve.
A Rennes, vous venez d’interpréter le rôle de Georges Brown dans La Dame blanche de Boieldieu. Mais il n’y aura eu, au final, qu’une seule représentation retransmise en live sur Facebook… pas trop déçu ?...
Comment ne pas être triste quand on doit jouer sans personne dans la salle ! C’est un sentiment qui je pense touche toutes les personnes dans le milieu artistique et culturel, car on n’a pas cette proximité et cette complicité qu’on a d’habitude avec le public - surtout que les scènes parlées, dans cet opéra, s’adressent la plupart du temps directement à lui. Cependant, je suis reconnaissant envers l’Opéra de Rennes et la Co(opéra)tive de ne pas avoir annulé le spectacle et d’avoir pensé à la captation, car cela fait du bien de savoir que, quand bien même virtuellement, le public a pu voir le fruit de notre travail, et nous soutenir de cette manière.
L’Opéra de Tours a annoncé ce matin (15 décembre) sa programmation pour l'année 2021, et l’on y apprend que vous chanterez Kornélis dans La Princesse jaune de Camille Saint-Saëns et Haroun dans Djamileh de Georges Bizet. Le genre de l’opéra-comique semble vous tenir particulièrement à cœur, est-ce par adéquation à votre voix ou à cause de vos goûts personnels ?...
Pour moi l’opéra comique français, c’est vraiment l’idéal, vocalement parlant déjà, mais surtout parce que c’est là que je peux expérimenter tout mon potentiel. Non pas que je ne me donne pas à fond dans les autres répertoires, mais je trouve que dans le répertoire français il y a des choses qui demandent plus d’exigence et de grâce, surtout si on veut convaincre un public pointilleux, et soucieux des détails, non seulement vis-à-vis de la voix, mais surtout de la diction. Si on prend le rôle de Georges Brown dans La Dame blanche, par exemple, c'est un rôle qui nécessite une souplesse vocale et une facilité dans les aigus, mais qui exige aussi une aisance dans le phrasé, tout en ne montrant jamis les difficultés techniques. Pour moi l’opéra-comique français regorge de défis de ce genre, et c’est pour cela que j’apprécie tout particulièrement ce répertoire.
Vos projets ? Vos désirs de rôles dans un avenir plus ou moins proche ?
J’espère pour commencer que la situation actuelle va bientôt s’améliorer. Sinon, dès le mois prochain je suis heureux d’incarner à nouveau le personnage de Nemorino, mais cette fois-ci dans une version française au Théâtre des Champs-Elysées. Concernant les rôles que j’aimerais un jour incarner, ce serait le rôle-titre du Postillon de Longjumeau d’Adolphe Adam et Le Comte Ory de Rossini. Et dans un futur plus lointain, j’espère un jour aborder Edgardo dans Lucia di Lammermoor de Donizetti et Arturo dans Les puritains de Bellini, mais surtout évoluer dans l’opéra-comique français, que j’affectionne tout particulièrement comme je viens de vous le dire...
Propos recueillis le 15 décembre 2020 par Emmanuel Andrieu
15 décembre 2020 | Imprimer
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