Cecilia Bartoli est évidemment une figure incontournable des scènes lyriques. D’abord comme interprète (notamment de Mozart ou de Rossini), mais aussi sans doute comme « exploratrice et (re)découvreuse » de répertoires parfois oubliés ou négligés – en exhumant des partitions originales ou en les faisant jouer sur des instruments d’époque.
Forte de cette insatiable curiosité, Cecilia Bartoli a contribué à donner un second souffle au Festival de Pentecôte de Salzbourg dont elle assure la direction artistique depuis 2012 et où elle peut donner libre cours à toute sa créativité – notamment en travaillant étroitement avec les metteurs en scène. Quelques années plus tard, Cecilia Bartoli poursuivra cette volonté de création en imaginant son propre ensemble, les Musiciens du Prince-Monaco, jouant sur instruments anciens. La formation se produit partout dans le monde en tournée mais est solidement associée à l’Opéra de Monte-Carlo et fin 2019, presque logiquement, elle retrouvait la maison monégasque cette fois pour en prendre la (future) direction et succéder à Jean-Louis Grinda.
Si sa prise de fonction officielle n’est prévue qu’en janvier 2023, Cecilia Bartoli a manifestement déjà un pied à Monte-Carlo (voire un peu plus) : sur scène, elle chantera dès demain le rôle de la Comtesse Adèle dans Le Comte Ory de Gioacchino Rossini qu’elle apprécie tant, dans une production signée par ses complices de toujours, Patrice Caurier et Moshe Leiser ; et en coulisse, elle prépare déjà sa première saison monégasque. C’est ce qu’elle nous confiait à l’occasion d’un bref entretien, évoquant sa vision artistique et théâtrale de l’opéra, ses projets pour l’Opéra de Monte-Carlo ou encore sa lecture du monde de la culture à l'heure de la pandémie.
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Opera-Online : La musique a-t-elle toujours fait partie de votre vie ? Que vous apporte-t-elle ?
Cecilia Bartoli : Oui, absolument ! Je suis née dans une famille d’artistes lyriques – la musique a toujours été présente et pour moi elle est aussi essentielle que l’air que je respire !
On a encore pu le constater une nouvelle fois dernièrement, lors de la soirée de gala fêtant la fête nationale monégasque, une fois sur scène, même en récital, vous aimez incarner pleinement chacun de vos personnages. Pour vous, être chanteuse, c'est tout autant être comédienne ?
Chronique : Cecilia Bartoli et Les Musiciens du Prince-Monaco en Gala à l'Opéra de Monte-Carlo
Pour nous, les artistes lyriques, la musique est toujours liée à un texte, elle est là pour raconter des histoires, et exprimer des sentiments, des émotions. Et je ne peux imaginer mon rôle d’interprète autrement qu’au service de ses situations et émotions créées par les compositeurs : le chant est là pour les transmettre au public !
Vous êtes en pleine répétition du Comte Ory à l’Opéra de Monte-Carlo, dans une mise en scène de Patrice Caurier & Moshe Leiser. Une production et un duo de metteurs en scène dont vous êtes familière…
Cela fait des années que nous travaillons ensemble et j’ai toujours une grande admiration pour le travail de Patrice Caurier et Moshe Leiser. Leurs mises en scène sont toujours exquises, leur lecture du livret est très fidèle et ils font preuve en même temps d’une grande musicalité : ils savent interpréter la partition avec subtilité. De plus, leur humour est contagieux. La mise en scène de cet opéra de Gioacchino Rossini est pleine de petits détails absolument hilarants !
Vous prendrez les rênes de l’Opéra de Monte-Carlo l’an prochain. Quelles sont vos ambitions pour cette mythique maison d’opéra ?
Ma direction commencera le 1er janvier 2023 – et je suis déjà en pleine préparation de ma première saison à Monte-Carlo ! C’est un véritable honneur ainsi qu'une grande responsabilité de devenir directrice de cet opéra légendaire et prestigieux. Pour le moment, j’étudie minutieusement le grand travail réalisé par mon prédécesseur, Jean-Louis Grinda. Nous avons une excellente collaboration et sommes liés d’amitié. J’ai comme objectif de réaliser peu à peu quelques-unes de mes nombreuses idées ainsi que quelques rêves de toujours, et en même temps maintenir au plus haut le prestige international de l’Opéra de Monte-Carlo.
Comment vivez-vous la crise sanitaire et quelles sont vos craintes ? Gardez-vous votre légendaire optimisme malgré la virulence de cette crise inédite ?
La situation actuelle est absolument sans précédent – pour le monde de la musique, et de la culture en général, c’est un vrai désastre ! Des saisons et des tournées entières ont été annulées lors de ces mois, et nous ne voyons pas encore la fin de cette crise. Il faut dire que pour tout le monde la protection de notre santé et de celles de nos proches doit être une priorité. Mais là où c’est encore possible, la musique doit retentir et les spectacles en live doivent être diffusés au plus vite : notre société a absolument besoin de cette nourriture de l’âme !
Propos recueillis en février 2021 par Emmanuel Andrieu
18 février 2021 | Imprimer
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