Toujours très ancré dans l’époque, dans une période trouble et où plus que jamais l’avenir apparait incertain, le Festival de Salzbourg articule sa programmation 2025 autour de la fin de l’existence : des personnages d’opéra faisant face à la mort et qui y réagissent de différentes façons, pour questionner notre libre arbitre – entre l'acceptation de son sort ou l'action pour poser les bases d’un renouveau. Tour d’horizon de la programmation du Festival de Salzbourg 2025.
C’est l’une des marques de fabrique du Festival de Salzbourg : une programmation solidement ancrée dans son temps et qui fait écho aux grandes questions de société de l’époque. La thématique de l’édition estivale du Festival de Salzbourg 2025 n’y échappe pas : elle s’articule autour des notions de fin du monde et de fin de l’existence humaine, pour mieux nous interroger sur notre propre comportement face à l’inévitable. Pour y ajouter néanmoins une lueur d’espoir, la programmation du Festival entend aussi souligner que « chaque vision de fin du monde porte en elle la vision de quelque chose de nouveau ». Le Festival entend ainsi poser « la grande question philosophique du libre arbitre », entre l'acceptation d'un destin inéluctable et notre capacité à agir pour ouvrir « de nouveaux espaces à l’imagination, au changement et à la transformation ».
Face à ces thématiques particulièrement lourdes, quelles œuvres marqueront la programmation estivale salzbourgeoise ? Comme souvent au Festival de Salzbourg, des opéras de répertoire défendus par de belles distributions et des ouvrages plus rares ou contemporains comme autant de (re)découvertes.
Des personnages puissants face à la mort
Dans les grandes œuvres de répertoire du festival, des personnages puissants sont proches de leur fin – et certains la redoutent. C’est le cas du Giulio Cesare in Egitto de Haendel pour lequel le Festival de Salzbourg reforme le duo Dmitri Tcherniakov / Emmanuelle Haïm (à la tête du Concert d’Astrée), respectivement à la mise en scène et à la direction musicale, qui avait déjà collaboré au Festival d’Aix-en-Provence. Sur scène, Christophe Dumaux endossera un rôle-titre confronté à la mort face à la Cléopâtre d’Olga Kulchynska. ou la Cornelia de Lucile Richardot.
D’autres protagonistes sont confrontés à la mort, mais la regardent en face, comme dans le double Macbeth programmé à Salzbourg. D’abord celui de Verdi, dans une version scénique confiée à Krzysztof Warlikowski (amateur de grandes tragédies shakespeariennes) et dirigée par Philippe Jordan, avec Vladislav Sulimsky dans le rôle-titre et Asmik Grigorian en Lady Macbeth. Le Festival met l’opéra de Verdi en perspective avec le Macbeth de Salvatore Sciarrino, créé en 2002. L’œuvre s’appuie également sur la pièce de Shakespeare, mais en propose une version plus intimiste et resserrée à l’essentiel. Donnée en version de concert à Salzbourg, elle sera défendue par Cody Quattlebaum et Alice Rossi dans les deux rôles principaux.
D’autres enfin jouent avec la mort et en font un enjeu de pouvoir. Ce sont les deux reines rivales de la Maria Stuarda de Donizetti, qui s’affrontent dans une chorégraphie politique aux allures de danses de mort – avec Lisette Oropesa dans le rôle-titre face à l’Elisabeth de Kate Lindsey. Pour l’occasion, Ulrich Rasche signera sa première mise en scène pour le Festival de Salzbourg, alors qu’Antonello Manacorda assurera la direction musicale de la production à la tête du Philharmonique de Vienne.
Et des personnages qui attendent la mort
Traditionnellement, le Festival de Salzbourg fait aussi la part belle à l’opéra des XXe et XXIe siècles. Cette édition 2025 proposera de nouveau des ouvrages récents, mettant en scène là aussi des personnages confrontés à leur propre fin. Dans ce cadre, Peter Sellars imaginera un projet intitulé One Morning Turns into an Eternity réunissant deux ouvrages de Gustav Mahler et Arnold Schoenberg. D'abord Erwartung de Schoenberg « suit les pensées d'une femme qui cherche son amant dans une forêt sombre avant de le retrouver mort ». Si l’œuvre est parfois abordée comme un « portrait de femme désorientée », le metteur en scène entend en faire « un poème lyrique sur le doute, les chagrins d'amour et l'espoir face au désespoir » faisant écho à une « époque où la violence parait omniprésente et l’avenir incertain ». Peter Sellars l’associe à Der Abschied, qui clôt Le chant de la terre de Mahler, « une méditation sur la finitude et la mortalité ». Si Mahler n’a jamais composé d’opéra, selon le Festival, le projet de Peter Sellars permettra d’appréhender ce que le compositeur aurait pu écrire pour la scène – confié à la direction musicale du chef d'orchestre finlandais Esa-Pekka Salonen.
Autre grand spécialiste du répertoire contemporain, Maxime Pascal sera également de retour à Salzbourg après la Passion grecque l’année dernière, pour diriger une nouvelle production des Trois sœurs de Peter Eötvös dans une mise en scène d’Evgeny Titov. L’ouvrage nécessite deux ensembles : 18 musiciens en fosse dirigés par Maxime Pascal et une cinquantaine de plus derrière la scène menés par Alphonse Cemin. Sur scène, Dennis Orellana, Aryeh Nussbaum Cohen et Cameron Shahbazi interpréteront les rôles des trois sœurs, alors que Jacques Imbrailo chantera le rôle de leur frère Andrey.
Enfin, comme de coutume, le festival d’été reprendra également la principale production du Festival de Pentecôte : Hotel Metamorphosis, le pastiche imaginé par Barrie Kosky sur des musiques de Vivaldi. La reprise estivale repose sur la même distribution prestigieuse que celle de Pentecôte : Cecilia Bartoli aux côtés de Lea Desandre, Varduhi Abrahamyan ou encore Philippe Jaroussky.
Des opéras en version semi-scénique ou de concert
Dans la programmation salzbourgeoise, l’espoir en l’avenir semble dévolu aux opéras donnés en version de semi-scénique ou de concert. D’abord avec deux rendez-vous mozartiens. Le premier associe le singspiel Zaide à la cantate Davide penitente, deux ouvrages que le compositeur signait alors qu’il s’émancipait tantôt du carcan familial, tantôt de la domination du prince-archevêque. Le spectacle donné dans une version semi-scénique est confié à Raphaël Pichon et son Ensemble Pygmalion, et porté par une alléchante distribution emmenée par Sabine Devieilhe, Lea Desandre, Julian Prégardien et Daniel Behle. Tout aussi alléchant, le festival programme Mitridate, re di Ponto, œuvre du jeune Mozart confiée ici à Pene Pati dans le rôle-titre aux côtés d’Elsa Dreisig et Sara Blanch, dirigée par Adam Fischer à la tête du Mozarteum Orchestra Salzburg.
Parmi les versions de concert, on retient également un révolutionnaire Andréa Chénier avec Piotr Beczala face au Carlo Gérard de Luca Salsi et Elena Stikhina en Maddalena di Coigny, dirigé par Marco Armiliato ou encore deux représentations de Castor et Pollux, la tragédie en musique de Rameau, dirigées par Teodor Currentzis (comme prochainement à Paris) avec Jeanine De Bique (Télaïre), Reinoud Van Mechelen (Castor) et Marc Mauillon (Pollux).
Le Festival d'été de Salzbourg 2025 se tiendra du 18 juillet au 31 août 2025. Le détail de la programmation lyrique est disponible sur le site de l'événement.
publié le 3 décembre 2024 à 13h12 par Aurelien Pfeffer
03 décembre 2024 | Imprimer
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