Le faste de Versailles émerveille, mais ses lieux de spectacle restaurent pourtant une familiarité confortable au spectateur. En 2020-2021, il faut s’abandonner à la lueur poétique de ses espaces et suivre à la lanterne le circuit musical que Château de Versailles Spectacles a composé avec les ensembles et interprètes baroques les plus en vue. Si les valeurs sûres détrônent les paris plus osés de la programmation actuelle des 250 ans, les occasions ne manqueront pas pour prendre le RER ou le Transilien : 18 opéras (dont 11 mis en scène), quatre ballets et de nombreux concerts, à l’Opéra et à la Chapelle Royaux, au Salon d’Hercule, au Péristyle du Grand Trianon ou au Hameau de la Reine.
La production du Couronnement de Poppée par Ted Huffman, (en principe) créée cet été au Festival d’Aix-en-Provence, étrennera la saison scénique avec une distribution inchangée des premiers rôles (Jacquelyn Stucker, Jake Arditti, Fleur Barron et Paul-Antoine Bénos-Djian) et la même Cappella Mediterranea de Leonardo García Alarcón. Outre les Vêpres à saint Marc de Vivaldi et le Magnificat de Bach, l’ensemble instrumental et son chef galvaniseront les Yvelines dans La Finta Pazza de Sacrati, comme à l’Opéra de Dijon en 2019. Les choix artistiques de Jean-Yves Ruf seront à nouveau défendus avec classe par Mariana Flores, Filippo Mineccia, Valerio Contaldo, Carlo Vistoli. Ces deux derniers font revenir à Monteverdi avec Le Retour d’Ulysse dans sa patrie, accompagnés de Lucile Richardot, Mathias Vidal, Cyril Auvity, Ayako Yukawa, Marie Perbost et Luigi De Donato. Dans la fosse, Stéphane Fuget dirigera ses Épopées. En juillet, le pupitre sera cédé à Jordi Savall, à la tête de son Concert des Nations pour un Orfeo réinventé par Pauline Bayle, qui a été révélée au théâtre en 2018 par une adaptation de L’Iliade et de L’Odyssée d’Homère. Marc Mauillon, Sara Mingardo, Marianne Beate Kielland, Furio Zanasi et Salvo Vitale joueront et chanteront, tandis que le même opéra en concert fera se partager l’affiche à Emiliano Gonzalez Toro (également à a baguette de l’Ensemble I Gemelli), Emőke Baráth, Alix Le Saux, Zachary Wilder, Fulvio Bettini et Jérôme Varnier
Ce mythe vu par Gluck dans Orphée et Eurydice fera voyager la superbe proposition scénique d’Aurélien Bory de l’Opéra Comique (on en rendait compte), toujours sous les ondes ravissantes de Pygmalion et de son directeur musical Raphaël Pichon. À Lea Desandre, Ève-Maud Hubeaux et Hélène Guilmette de perpétuer le ravissement au plateau. Les instrumentistes se produiront aussi dans les trois ultimes symphonies de Mozart et la Passion selon saint Matthieu de Bach, avec notamment Julian Prégardien, Stéphane Degout, Christian Immler, Hana Blažíková, Lucile Richardot, Tim Mead et la Maîtrise de Radio France. L’ « autre » Passion (selon saint Jean) sera quant à elle interprétée par les Monteverdi Choir & Orchestra et Sir John Eliot Gardiner.
Le compositeur Marc-Antoine Charpentier bénéficiera d’une jolie couverture. Les Pages et les Chantres du CMBV exploreront d’abord David et Jonathas avec Olivier Schneebeli. En écho d’un concert de Noël, Sébastien Daucé immergera son Ensemble Correspondances dans Les Plaisirs de Versailles, emporté par Caroline Weynants, Caroline Bardot, Deborah Cachet, Clément Debieuvre, Vojtech Semerad, Étienne Bazola et Nicolas Brooymans. Il remontera son premier projet scénique (avec Vincent Huguet), Histoires sacrées, qui a tourné à Caen, Royaumont, Lyon, Bruges et déjà Versailles, et où Caroline Weynants, Judith Fa et Lucile Richardot se passeront la réplique.
Fin janvier, Versailles profitera de la trilogie Mozart - da Ponte (Les Noces de Figaro, Don Giovanni et Così fan tutte) qu’elle avait accueillie en 2016 et 2017. L’univers d’Ivan Alexandre donnera libre cours à Robert Gleadow, Alexandre Duhamel, Anna-Maria Labin, Thomas Dolié, Angela Brower, Maria Dan Iulia, Megan Marino, Lauren Fagan, Miriam Albano, face aux Musiciens du Louvre et à Marc Minkowski (comme à l’Opéra National de Bordeaux quelques mois auparavant).
Le Poème Harmonique de Vincent Dumestre texturera un concert symphonique Lalande et L’Egisto de Cavalli, croisant Marc Mauillon, Zachary Wilder, Marie Perbost et Valerio Contaldo. Les Arts Florissants, aux côtés de William Christie, se tailleront la part du gâteau grâce à un Magnificat de Bach, des cantates amoureuses de Haendel (avec Jessica Niles et Shakèd Bar) au Théâtre de la Reine, des motets de Charpentier, et la reprise de l’irrévérencieux Beggar’s Opera de Gay et Pepusch à la sauce Robert Carsen (dont on s‘était régalé au Théâtre des Bouffes du Nord).
Les couleurs du théâtre musical toucheront à l’extravagance du tandem Lully-Molière avec George Dandin ou le mari confondu (spectacle théoriquement créé au Théâtre de Suresnes Jean Vilar en juin 2020), dont Michel Fau saura tirer parti. Sept comédiens, quatre chanteurs et huit instrumentistes de l’Ensemble Marguerite Louise cohabiteront sous la gestique de Gaétan Jarry. Le chef et ses musiciens collaboreront avec Mathias Vidal pour un récital solo autour de Rameau et un concert de grands motets avec Maïlys de Villoutreys et David Witczak.
L’Orchestre de l’Opéra Royal, créé pour les représentations des Fantômes de Versailles de Corigliano il y a quatre mois, passera de main en main sur plusieurs topographies de programmes : Stefan Plewniak sur un concert de trois contre-ténors (Filippo Mineccia, Bruno de Sá et Valer Barna-Sabadus), Marie Van Rhijn dans le Stabat Mater de Pergolèse, Stéphane Fuget dans les Leçons de ténèbres de Couperin, ou Gaétan Jarry dans un récital opéra-comique de Florie Valiquette. La soprano répondra par ailleurs présente au Château dans Le Destin du nouveau siècle de Campra (avec pour partenaires Marc Mauillon, Mathias Vidal, Claire Lefilliâtre, Thomas Van Essen et les Chantres du CMBV) et dans le Requiem de Fauré (soutenue par Jean-Sébastien Bou).
Le Concert Spirituel d’Hervé Niquet ponctuera la saison de Don Quichotte chez la duchesse de Boismortier (production de Shirley et Dino déjà présentée en 2015, ici agrémentée d’Emiliano Gonzalez Toro, Chantal Santon Jeffery, Jean-Gabriel Saint-Martin et João Fernandez) et de Theodora de Haendel, où chanteront Florie Valiquette, Anthéa Pichanik, Tim Mead et Krešimir Špicer. L’ensemble pragois Collegium 1704 et son fondateur Václav Luks interpréteront Alcina, dans un plateau vocal incluant Karina Gauvin, Christopher Ainslie, Václava Krejčí Housková et Krystian Adam. Valentin Tournet et sa Chapelle Harmonique concluront ces agapes Haendel.
Les contre-ténors seront de la partie : Franco Fagioli chez Mozart et Jakub Józef Orliński en récital annoncé « virtuose ». Philippe Jaroussky chantera accompagné de son Ensemble Artaserse dans la Galerie des Glaces, qu’il dirigera en revanche pour la première fois dans Il Primo Omicidio de Scarlatti (entendu en version scénique au Palais Garnier, l’année dernière). Bruno de Sá, Christophe Dumaux, Sandrine Piau, Krešimir Špicer, Yannis François, Paul-Antoine Benos-Djian composeront le plateau.
Enfin, La Walkyrie poursuivra la Tétralogie de Wagner débutée cet été avec Sébastien Rouland et l’Orchestre du Théâtre National de la Sarre. Encore plus loin : l’Orchestre national d’ïle-de-France s’attèlera àla Neuvième Symphonie de Mahler, emmené par et son directeur musical Case Scaglione ! Si Château de Versailles Spectacles assure ses arrières avec ses succès passés, il peut se targuer d’une cohérence complète de la programmation avec l’identité du lieu tout en se permettant des incartades de répertoire pour faire honneur à toutes les musiques.
Thibault Vicq
Ouverture des réservations les 21 (Amis de l’Opéra Royal), 23 (porteurs de la Carte Château de Versailles Spectacles) et 29 avril (à tous)
05 avril 2020 | Imprimer
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