De l’opérette (La Chauve-Souris à Marseille en 2017) au belcanto (dans Semiramide l’année d’après à Saint-Etienne), en passant par le vérisme – comme elle vient de le prouver en interprétant le rôle de Nedda dans I Pagliacci au Festival Durance Luberon –, tous les répertoires réussissent à la jeune soprano gardoise Jennifer Michel. Nous sommes allés à sa rencontre…
***
Opera-Online : Comment est née votre vocation ?
Jennifer Michel : Je suis petite-fille de chanteurs lyriques. Mon grand-père Gérard Dunan a fait partie de la troupe de l’Opéra-Comique. Il est décédé à l’âge de 40 ans. Ma maman, sa fille, écoutait beaucoup d’opéra à la maison. A treize ans, j’ai commencé à chanter de la variété. Ma grand-mère Christianne Claperon m’a prise en main à cet âge-là. Elle m’a donné un bagage technique solide, si bien qu’à l’âge de 18 ans, quand j’ai voulu m’essayer à l’opéra, une grande partie du travail était déjà faite. Je lui dois énormément. A l’âge de 21 ans, j’ai passé mon premier concours de chant, celui d’Arles. Dans le jury, il y avait Gabriel Bacquier, Robert Andréozzi, Claude Méloni et Andréa Guiot. J’y ai gagné le second Prix et Andréa Guiot m’a alors confié le rôle-titre de Mireille. J’ai su dès lors que je ne voudrais rien faire d’autre. J’ai quitté mon petit village du Gard pour intégrer le Conservatoire de Marseille.
Vous avez chanté dans beaucoup d’opérettes. Vous appréciez ce type de répertoire ?
J’ai effectivement pas mal chanté dans des ouvrages de Jacques Offenbach et quelques opérettes viennoises : La Chauve-souris, La Veuve joyeuse, Le Baron tzigane, et fais quelques incursions dans le répertoire de base : l’Auberge du cheval blanc, la Mascotte, les Mousquetaires au couvent, les Cloches de Corneville. Même si j’ai une petite préférence pour la musique de Lehar, Strauss ou Kalmann, j’ai un énorme respect pour ce grand répertoire de l’Opérette qui est tellement éclectique. C’est une discipline qui est très formatrice pour un chanteur : apprendre à chanter, danser, parler dans un même spectacle. J’ai eu aussi la chance d’interpréter ces rôles sous la direction de grands chefs comme Guy Condette, mise en scène par des piliers de ce répertoire tels que Jack Gervais et Jacques Duparc, et travaillé avec de grands noms de ce milieu qui m’ont beaucoup appris.
Et quid du belcanto ? On se rappelle plusieurs soirées à l’Opéra de Marseille et au TCE où vous y avez brillé…
Je me souviens effectivement de quelques soirées spéciales à mon cœur comme La Sonnambula au TCE en 2016 où je chantais le rôle de Lisa avec dans le rôle-titre l’extraordinaire Sabine Devieilhe, ou en 2018, toujours au TCE, la Manon de Massenet avec Juan Diego Florez et Nino Machaidze. J’y chantais le rôle de Poussette, mais c’est une expérience que l’on n’oublie pas. De même que des opéras Maria Stuarda ou La Favorite qui sont finalement peu joués. Je mesure la chance que j’ai d’avoir pu y participer.
L’année dernière, je devais faire ma prise de rôle de Nedda, dans I Pagliacci à Saint-Etienne, et Micaela dans Carmen à Marseille et cette année Susanna dans Les Noces de Figaro à Metz... C’était la première fois qu’on me confiait des premiers grands rôles et tout a été annulé. C’est quand même très dommageable à un tel moment de sa carrière…
On vient de vous entendre dans le rôle de Nedda au Festival Durance Luberon, un rôle que vous deviez donc chanterr en mars dernier à l’Opéra de Saint-Etienne. Que pouvez-vous nous dire de ce personnage et des deux productions où vous l’avez interprété ?
J’avoue que je suis particulièrement heureuse d’enfin présenter ma Nedda au public puisque malheureusement la production a été annulée avant la Générale à Saint-Etienne. Je dois dire que quand Jean-Louis Pichon m’a proposé le rôle de Nedda, j’ai d’abord pensé qu’il était fou... Et puis en le travaillant, je me suis prise au jeu, je me suis complètement jetée corps et âme dans ce vérisme – un répertoire que je n’ai pas l’habitude de chanter… -, mais pour lequel j’ai une affection particulière. Nedda est un rôle extraordinaire, elle fait l’action, elle rit, elle pleure, elle chante, elle aime, elle déteste, elle trahit et finalement elle meurt. Il y a tout dans ce rôle.
A Saint Etienne, j’ai eu le bonheur de travailler avec le chef Fabrizio Carminati, dans une superbe mise en scène de Paul-Emile Fourny. J’ai appris la pantomime, le travail de marionnette. C’était passionnant ! Au Festival Durance Luberon, j’ai donc eu une émotion particulière à rechanter ce rôle de Nedda et surtout parce que je chantais avec Juan Antonio Nogueira dans le rôle de Canio, qui est mon époux à la ville.
Quels sont vos projets immédiats et vos espoirs pour l’avenir ?
En fin d’année, je serai à Metz pour chanter le rôle d’Hélène dans Un Chapeau de Paille d’Italie, un petit bijou de Nino Rota ; ensuite, je chanterai le rôle de Gerhilde dans Die Walküre à Marseille et, enfin, je retrouverai le rôle de Flamma dans Le Voyage dans la Lune d’Offenbach à Vichy, Clermont-Ferrand, Compiègne et Limoges.
Quant à mes espoirs pour l’avenir ?... Continuer à travailler et à vivre de ma passion…. Et que la situation qui nous met tous en sourdine depuis plus d’un an et demi se règle au plus vite !
Propos recueillis en août 2021 par Emmanuel Andrieu
28 août 2021 | Imprimer
Commentaires