Cinq questions à Paul Gay

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Au lendemain de la dernière représentation de Faust à l’Opéra de Monte-Carlo où il interprétait le rôle de Méphisto (compte-rendu à lire ici), nous avons rencontré Paul Gay, l'un des meilleurs barytons-basses français de sa génération, pour quelques questions sur sa carrière et ses projets...

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Opera-Online : Vous interprétez fréquemment et depuis plusieurs années le rôle de Méphistophélès, le considérez-vous comme votre rôle signature et comment le faites-vous évoluer ?

Paul Gay : J’ai plusieurs rôles signatures : Méphistophélès, Golaud, et depuis peu Œdipe d’Enescu. Mais Méphisto est probablement le plus amusant à interpréter. J’ai fait mes débuts dans le rôle à Bordeaux, il y a dix ans, et depuis je l’ai chanté pas mal de fois, notamment à l’Opéra de Paris et à Florence. C’est un rôle qui convient parfaitement à ma voix et je l’interprète avec beaucoup de plaisir… je dirais même une certaine délectation ! J’ai une immense admiration pour Gounod qui pour moi est un maître de la mélodie et un génie du théâtre musical, à l’égal de Verdi, et c’est cet aspect de l’interprétation du texte qui se développe avec le temps, l’humour de la partition notamment. J’aime avant tout faire passer le texte qui est plein de finesse, et en même temps très quotidien. Avec le temps, la profondeur des graves de ma voix s’est développée et donne aussi à mon interprétation une dimension plus sombre qu’avant.

Vous épanouissez-vous plutôt dans les rôles de méchants ou dans les caractères nobles auxquels vous prédispose votre tessiture ?

Il y a quelque chose de jouissif à chanter les caractères de méchants, et tous les diables que j’ai fréquentés (les deux Méphistos, Nick Shadow dans Rake’s Progress, les quatre diables des Contes d'Hoffmann…) m’ont apporté des plaisirs différents, tous très théâtraux, et certains plus vocaux. Quand on joue un méchant, on peut laisser parler tout une pléiade de sentiments humains qui sont politiquement incorrects et que la scène vous permet d’exprimer sous le couvert du masque, c’est tout l’intérêt de ce métier ! (rires). Transgresser en toute sécurité... Mais les rôles nobles ont aussi leur intérêt : le plaisir d’une ligne de chant noble est irrésistible pour un chanteur. Ainsi Philippe II, Don Diègue dans Le Cid de Massenet, Don Quichotte du même compositeur, sont aussi des rôles que j’affectionne particulièrement pour le plaisir vocal qu’ils procurent, et la vaste variété d’émotions qu’ils transportent par le médium de la couleur vocale et la force musicale pure.

Comment parvenez-vous à faire le grand écart entre les Arts Florissants et Meyerbeer ?

J’ai chanté un répertoire très vaste dans ma carrière jusqu’à présent, de Monteverdi à Haendel, de Lully à Berg, et des créations contemporaines, de Boesmans notamment, mais aussi Mozart, Verdi, Rossini, Gounod et Wagner, en tout plus de 80 rôles différents. C’est dû à une évolution de la voix et aussi à un éclectisme personnel, mais la difficulté de garder un tel répertoire ouvert est que cela demande une versatilité dans la discipline stylistique et une souplesse vocale qu’il faut garder vivante. Évidemment, c’est difficile d’enchaîner les extrêmes chocs stylistiques et j’évite ce genre de situations autant que possible, mais les hasards de calendrier vous amènent parfois à relever des challenges. Aujourd’hui, même si je ne chante quasiment plus de musique baroque à l’opéra, j’adore Bach et Haendel, et chante volontiers leurs œuvres sacrées en concert. Quant à Meyerbeer, c’est un compositeur très exigeant : agile comme Rossini, classique comme Mozart et large comme les compositeurs romantiques. À la croisée des chemins... C’est un vrai défi à interpréter, et je m’y prépare très sérieusement !

Que pouvez-vous déjà nous dire de votre prochaine saison à l’Opéra de Paris (Otello et Les Huguenots en 18-19), ainsi que dans le reste du monde ?

Je peux vous dire que la saison prochaine, je chanterai en effet Saint Bris dans Les Huguenots de Meyerbeer et Lodovico dans Otello à l’Opéra de Paris. Le premier occupe une place dramatique de choix dans l’opéra de Meyerbeer comme personnage antagoniste, le second est un rôle court qui doit marquer par sa noblesse d’accent et poser un personnage qui doit exprimer une forte autorité sur le personnage d’Otello. J’aurai aussi l’immense plaisir de retrouver Vladimir Jurowski, avec qui j’ai chanté cette saison le rôle d’Oedipe d’Enescu, pour des concerts de la 9ème de Beethoven à Berlin. Je chanterai également plusieurs fois en Chine : le rôle de Hunding dans La Walkyrie et celui de Nourabad dans Les Pêcheurs de perles au NCPA de Pékin.

Quels nouveaux rôles et répertoires souhaiteriez-vous aborder dans le futur ?

J’ai récemment constaté en interprétant Rocco dans Fidelio que certains rôles de basses plus graves que ceux que j’ai jusqu’à présent interprétés me tendaient la main et me réussissaient en m’apportant beaucoup de plaisir. Ainsi Daland dans Le Vaisseau fantôme, Rocco, Hunding, Marke, Fasolt, ou même Sarastro sont des rôles que j’ai envie d’interpréter, et pour lesquels je me sens prêt. Surtout, je voudrais incarner sur scène les grands rôles de caractères puissants et blessés que sont Œdipe et Boris Godounov, que j’ai chanté déjà en concert, et rechanter Philippe II... Et puis un de mes souhaits les plus chers reste de rechanter du Mozart. Plus tôt dans ma carrière, j’ai beaucoup chanté Don Giovanni, Leporello, ainsi que le Sprecher dans La Flûte enchantée, et je m’y suis toujours très bien senti. Enfin, le rôle de Don Alfonso dans Cosi qui n’a jamais encore croisé ma route devrait tomber à point dans ma carrière...

Entrevue réalisée par Emmanuel Andrieu
 

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