Michel Sénéchal s'est éteint à l'âge de 91 ans

Xl_1524293-michel-senechal-2013 © DR

On en viendrait à souhaiter que cela soit une mauvaise farce, mais il s’agit pourtant d’une information sérieuse : le ténor Michel Sénéchal s’est éteint dans la nuit de samedi à dimanche 1er avril à Eaubonne, à l’âge de 91 ans. Comme si cet artiste qui a tant marqué les rôles amusants, comme la grenouille dans l’Enfant et les Sortilèges, les opérettes ou encore celui du Comte Ory (qu’il aborde à Paris en 1959, lors d’un concert dirigé par Désiré-Emile Inghelbrecht, avant de le retrouver souvent à Strasbourg en 1961, Salle Favart en 1968 et 1976, ou à Genève en 1980) avait décidé de partir dans un dernier clin d’œil au comique et à l’amusement qui lui tenaient tant à cœur.

Il serait toutefois injuste de réduire ainsi son engagement et sa riche carrière. Né à Paris le 11 février 1927, il s’intéresse tôt à l’art du chant et intègre les chorales de l'école et de l'église de Taverny où il résidera jusqu’à la fin de sa vie. « Très triste à l’annonce de la nouvelle », la maire de Taverny, Florence Portelli (également présidente de l’Orchestre National d’Île-de-France), a d’ailleurs annoncé que la ville consacrera au ténor « un événement dans les semaines à venir », sans toutefois donner davantage de précision. La voix d’alto qu’il avait durant son enfance a finalement mué en voix de ténor caractérisée par la facilité de ses aigues. Après être entré dans la classe de Gabriel Paulet au Conservatoire de Paris, il obtient un premier prix de chant en 1950 avec la cavatine « Salut ! Demeure chaste et pure » de l'acte III du Faust de Charles Gounod.

La même année, il débute à La Monnaie de Bruxelles où il résidera trois ans. Deux ans plus tard, il remporte le 1er prix au Concours de Genève et est engagé au Festival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence par Gabriel Dussurget en 1953. Il y interprète alors les grands rôles mozartiens (L'Enlèvement au sérail, La Flûte enchantée, Così fan tutte, Les Noces de Figaro) ou rossiniens (Le Barbier de Séville, Le Comte Ory) durant 23 ans. C’est cependant son interprétation du rôle-titre dans Platée lors de la recréation en 1956 qui marque les esprits ainsi que sa carrière. Il reprendra d’ailleurs ce rôle à de multiples reprises, s’inscrivant comme l’un de ses meilleurs interprètes, comme à Lyon, à Nancy, à Strasbourg, à Versailles, et à l’Opéra-Comique en 1977, sous la direction de Michel Plasson, où le spectacle fut filmé (il existe également un enregistrement audio sous la direction de Hans Rosbaud). Il faudra toutefois attendre 1964 pour l’entendre en Hippolyte dans Hippolyte et Aricie à Paris, dans le cadre du festival du Marais.

Par la suite, il se produit régulièrement à l'Opéra de Paris, à l'Opéra-Comique ou encore au théâtre du Châtelet, sans oublier le festival de Salzbourg où il chante pendant treize ans, notamment sous la direction d'Herbert von Karajan qui lui demandera de participer à l’enregistrement d’une mémorable intégrale de Madame Butterfly avec Freni et Pavarotti. Il est également présent aux côtés des mêmes têtes d’affiche dans La Bohème où il chante Alcindoro et Benoît. A noter également que Michel Sénéchal se distingua en George Brown de La Dame blanche.

Malgré ses nombreux succès, il faut attendre 1982 pour voir ses débuts au Metropolitan de New-York dans les quatre rôles des valets des Contes d'Hoffmann. Il contribue également à la création française de la plupart des opéras de Benjamin Britten et crée le rôle de Fabien dans Montségur de Marcel Landowski en 1985, celui du pape Léon X dans Docteur Faustus de Konrad Boehmer ainsi que celui de frère Élie dans le Saint François d'Assise d'Olivier Messiaen en 1983. Il se fera également une spécialité de Triquet dans Eugène Onéguine, Guillot dans Manon, Valzacchi dans Le Chevalier à la rose, Spoletta dans Tosca ou encore le rôle de l’Aumônier dans Dialogues des carmélites, rôle qui marquera la fin de sa carrière puisqu’il le chantera pour la dernière fois sur la scène de l’Opéra de Paris en novembre 2004. Malgré ces rôles « sérieux », il ne délaissera jamais le registre comique : après avoir chanté l’opérette et l’opéra-comique pour les concerts de l’ORTF dans les années 1960, Michel Sénéchal enregistre plusieurs intégrales d’œuvres d’Offenbach sous la direction de Michel Plasson (Orphée aux enferts, La Vie parisienne, La Périchole). Le Théâtre du Châtelet fera d’ailleurs appel à lui pour le Mari dans Les Mamelles de Tirésias en 1991, mais aussi et surtout Ménélas dans La Belle Hélène en 2000 et en 2003 dans la mise en scène de Laurent Pelly, sous la direction de Marc Minkowski et avec, entre autres, Laurent Naouri et Felicity Lott pour ce qui est de la distribution de 2000.

Loin de se contenter de sa carrière de chanteur, Michel Sénéchal a enseigné et dirigé l’Ecole d’art lyrique de l’Opéra de Paris jusqu’en 1992, et présidé avec le chef d'orchestre Georges Prêtre l'association L'Art du chant français (ACF), se donnant pour mission de « Défendre et promouvoir le patrimoine musical et lyrique français », défendant ainsi la tradition du chant français. En mai 2008, il lance un appel avec le baryton-basse Gabriel Bacquier afin de dénoncer le fait que les artistes français ne trouvent plus d’engagements dans les opéras de leur pays. Il plaide également pour la refondation des troupes d’opéra et pour une restructuration de l’apprentissage du chant. En 2014, il participait encore à l'Académie internationale de musique française créée par Michel Plasson car, malgré sa carrière internationale et les rôles tout aussi internationaux qu’il a pu interpréter, le ténor n’en demeurait pas moins très attaché à la tradition française et à ses spécificités.

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