Claudio Abbado est mort

Xl_abbado © DR

Figure emblématique de l’histoire de la direction d’orchestres et d’opéra, le maestro Claudio Abbado s’est éteint ce 20 janvier à l’âge de 80 ans, à Bologne, des suites d’un cancer de l’estomac dont il avait été opéré en juillet 2000 – le laissant manifestement vieilli et affaibli, mais qu’il considérait comme « une expérience exceptionnelle » lui ayant permis de « voir et sentir de manière différente ».
Une approche résolument enthousiaste et vivante qui caractérise une carrière débutée à la fin des années 1950 et marquée par les postes les plus prestigieux.

Né en 1933 dans une famille de musiciens, d’un père violoniste et d’une mère pianiste, il découvre sa vocation très tôt en entendant Antonio Guarnieri diriger les Nocturnes de Debussy à la Scala de Milan (et tirera de cette « révélation » le seul ouvrage qu’il laisse à la postérité, un album pour enfants, Je serai chef d’orchestre, dans lequel il décrivait sa découverte du « geste de la main qui semble capable de déchaîner des sons extraordinaires »).
Après avoir étudié à Milan, Sienne, puis à Vienne avec Hans Swarowsky, il débute à la Scala de Milan en 1958 avant d’assurer la direction musicale de la maison milanaise de 1968 à 1986, de prendre la direction du London Symphony Orchestra comme chef principal de 1978 à 1986, d’être nommé directeur de l’Opéra de Vienne où il dirige le Philharmonique de Vienne de 1986 à 1991, pour être ensuite élu chef principal de l’Orchestre philharmonique de Berlin en 1989, où il succède à Herbert von Karajan.
Et c’est sans doute là que la singularité de Claudio Abbado est mise en exergue. Là où le chef autrichien est souvent considéré comme l’Empereur, voire le dictateur imposant ses vues à l’orchestre, le maestro italien revendiquait une approche infiniment plus « démocrate » de son rôle, dans tous les sens du terme.

Homme de dialogue, fervent partisan de la communion musicale et de la capacité à produire de la musique ensemble, Claudio Abbado se voulait infiniment plus proche et à l’écoute des musiciens avec lesquels il travaillait, pour produire une œuvre orchestrale commune. Humaniste, homme d’engagement (il était investi auprès du parti communiste italien, tout en refusant néanmoins d’être encarté pour conserver, disait-il, une totale liberté d’opinion), il défendait une approche similaire vis-à-vis du public : dès à l’aune de sa carrière, à la Scala de Milan, il entendait démocratiser l’accès à la musique pour la faire découvrir au plus grand nombre, s’imposant comme l’un des premiers chefs d'envergure à donner des concerts dans les prisons, les usines ou les écoles.
Fidèle à ses convictions, il concevait aussi son rôle comme celui d’un passeur. Il a soutenu, sinon encouragé, les carrières de nombre de chefs (Gustavo Dudamel, Daniel Harding avec qui il a partagé son pupitre au Festival d’Aix-en-Provence en 1998 ou le tout jeune Diego Matheuz qui le remplacera, à 25 ans, à la Scala de Milan en 2010), mais aussi de jeunes musiciens, notamment au travers de la création de l’Orchestre de jeunes de la Communauté européenne en 1978 ou le financement de bourses d’études pour les jeunes interprètes.

Animé par une curiosité gourmande tout au long de sa carrière (le chef aimait à compulser les partitions originales des œuvres qu'il donnait, simplement pour apprendre ou en donner une lecture parfois oubliée, ou au contraire pour mieux s’en affranchir et la renouveler), Claudio Abbado laisse une discographie abondante et variée, au terme d’un parcours généreux et infiniment bienveillant qui aura incontestablement marqué profondément la scène classique du XXe siècle.


Archives du Festival de Salzbourg 1986 avec Claudio Abbado en répétition

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