L'Opéra de Stuttgart s'apprète à accueillir la création mondiale de Dora. Dans un contexte de difficultés économiques rencontrées par plusieurs maisons, dont certaines se voient obligées de renoncer encore à certains projets (notamment des créations comme ce fut le cas dernièrement pour l'Opéra de Los Angeles), la nouvelle a de quoi réjouir.
L’une des missions des Opéras – et plus particulièrement les Opéras d’État – est de non seulement faire vivre le répertoire lyrique, mais aussi de redécouvrir des œuvres oubliées ou encore de permettre à d’autres œuvres de voir le jour. C’est pourquoi les commandes demeurent au cœur des programmations de beaucoup de salles, et que le public, même connaisseur, peut encore faire la joie de découvertes. Ce sera le cas le 3 mars prochain à l’Opéra de Stuttgart avec la création de Dora, un opéra de Bernhard Lang et Frank Witzel.
Une histoire moderne et classique
Le livret – signé par Frank Witzel – raconte l’histoire de Dora, une jeune femme d’une vingtaine d’années qui se retrouve prisonnière d’un cadre familial protecteur. Malgré sa jeunesse, et toute la vie encore devant elle, elle est persuadée que l’avenir n’a rien de plus à offrir que les mêmes vieilles idées qu’avant, en écho à une jeunesse contemporaine désabusée. Elle affronte son présent avec un rejet total et se retrouve dans une recherche sans but de quelque chose de différent, mais dans cette recherche incessante de sens de la vie ou de sa vie, elle va finir par recourir à une astuce séculaire – et ô combien risquée – en invoquant le diable lui-même. Une invocation présente dans bon nombre d’opéras, dans lesquels le vainqueur de ce pacte est souvent le même…
La musique de Dora
Pour cet opéra en cinq actes chanté en allemand, la maison a fait appel au compositeur autrichien Bernhard Lang, qui signera ici sa dix-neuvième œuvre depuis 1990. Réputé pour son travail expérimental et d'avant-garde, il est particulièrement reconnu pour son style agressif-répétitif. Sa musique obsessionnelle, rythmée et agitée devrait particulièrement bien fonctionner avec le livret et le personnage principal.
Le compositeur a débuté comme pianiste de free jazz et musicien d'improvisation. Toutefois, pour lui, « la composition contemporaine a toujours à voir avec le groove » (selon le site de l’opéra). De son côté, l’auteur Frank Witzel crée ses propres sons atmosphériques pour ses pièces radiophoniques. Tout en travaillant sur Dora, les deux hommes échangeaient régulièrement leurs playlists, et l’on peut donc s’attendre à une belle osmose entre livret et partition. Quant au rôle-titre, il devrait s'inspirer de la tradition lyrique des grands personnages féminins comme Elektra et Brünnhilde.
La production qui attend le public
Bien que le livret et la composition soient une histoire d’hommes, la création de Dora ne sera pas exempt de vision féminine avec la direction musicale d’Elena Schwarz (à la tête du Staatsorchester Stuttgart) et la mise en scène d’Elisabeth Stöppler. La création du rôle-titre sera pour sa part confié à Josefin Feiler « dont le soprano fruité et précis » nous avait conquis en 2019 à l’Opéra du Rhin. Elle sera rejointe sur scène par Shannon Keegan, Dominic Grosse, Maria Theresa Ullrich, Stephan Bootz, Marcel Beekman ainsi qu’Elliott Carlton Hines pour six représentations, du 3 mars au 4 avril.
19 février 2024 | Imprimer
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