
Que ce soit pour mettre la musique classique à l’honneur ou mettre les artistes dans la lumière, les Victoires de la musique classique s’imposent aujourd’hui comme un rendez-vous nécessaire. Retour sur les temps forts de l’édition 2025, qui a notamment distingué Julie Roset et Lucile Richardot.
Après quelques plans dans les rues de la ville puis une chorégraphie sur l’Eté (des Quatre saisons) de Vivaldi, nous entrons dans la salle sur la farandole de L’Arlésienne de Bizet sous la baguette de Victor Jacob à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie. La soirée se déroulera en compagnie de Clément Rochefort et Stéphane Bern qui font également leur apparition, rappelant que 2025 marque de nombreux anniversaires, dont celui de Georges Bizet décédé en juin 1875.
Julie Roset, Révélation artiste lyrique 2025
La soirée débute ainsi par un extrait du Concerto pour 2 pianos de Poulenc, magistralement exécuté par Guillaume Bellom et Ismaël Margain, avant d’entendre la première voix lyrique de la soirée : celle de Julie Roset dans « Chacun le sait, chacun le dit » (La Fille du Régiment) sous la baguette de Simon Proust. On retrouve le timbre clair et charmant de la soprano que l’on ne cesse d’encenser dans nos colonnes depuis ses débuts, agrémenté d’une excellente diction. Quant à la direction ciselée du jeune chef, elle accompagne à merveille cette voix franche et légère. On ne s’étonne donc pas que les deux jeunes artistes, nommés respectivement dans les catégories Révélation artiste lyrique et Révélation chef d’orchestre – où il était seul nommé – repartent lauréats de la soirée.
Le compositeur Régis Campo se voit ensuite remettre le prix du compositeur de l’année pour Dancefloor With Pulsing pour thérémine et orchestre, puis pleins feux sur un instrument nommé pour la toute première fois aux Victoires : la contrebasse, avec la super soliste de l’Opéra de Paris Lorraine Campet, nommée comme Révélation soliste instrumentale (un prix qu’elle remporte par ailleurs). L’occasion de dresser un bref portrait de l’instrument avant que l’artiste n’interprète Vocalise de Rachmaninov. Un moment suspendu, empreint d’émotions et de profondeur qui viennent cueillir l’auditoire. Là aussi, on ne s’étonne pas de la voir repartir avec le trophée au cours de la soirée.
Place ensuite à Julien Henric avec « Pourquoi me réveiller ? » (Werther de Massenet). Il pose avec émotion une voix profonde et solaire, ainsi qu’une magnifique prononciation et une belle maîtrise dans la modulation de sa projection. Le choix n’a sans doute pas été aisé pour départager les jeunes talents ce soir...
Natalie Dessay, invitée d'honneur
Natalie Dessay, invitée d’honneur dont le palmarès ne compte pas moins de six Victoires de la Musique Classique, interprète ensuite « So long Dearie » de Hello Dolly de Jerry Herman – on le sait, elle se consacre aujourd'hui notamment à la comédie musicale. Elle est rejointe par Guillaume Gallienne qui lui remet sa Victoire d’honneur, avant que la flûtiste Juliette Hurel et la harpiste Anja Linder n’interprètent un extrait du Concerto pour flûte et harpe de Mozart. L’occasion de revenir sur la technologie spécifique de la harpe de l’artiste qui, suite à un accident, s’est retrouvée paraplégique mais a réussi à poursuivre sa carrière grâce à une nouvelle façon de jouer et surtout en remplaçant le système de pédale.
Le prix de l’enregistrement de l’année est ensuite décerné à Picture a day like this, l'opéra de George Benjamin, édité par Nimbus Records, avec notamment Marianne Crebassa et Anna Prohaska. Floriane Hasler endosse ensuite le rôle qu’elle rêve d’incarner à l’opéra, celui de Charlotte, en interprétant « Va... laisse couler mes larmes... » (Werther). L’occasion d’entendre la troisième nommée dans la catégorie Révélation artiste lyrique. Puis, sans crier gare, survient l’hommage à Jodie Devos en images et vidéos. L’occasion d’entendre et de voir cette voix ainsi que ce sourire tout aussi lumineux que cette personnalité qui nous manque tant, tout en rappelant la création du fonds Jodie Devos.
La musique poursuit alors, d’abord avec le pianiste de 13 ans Lucas Chiche (Valse opus 64 n°2 de Chopin), puis le violoniste Nemanja Radulović (nommé artiste soliste instrumental, un prix déjà remporté en 2014) et le claveciniste Stéphane Fontanaros (Sonate en mi bémol Majeur : Sicilienne de Bach), ou encore Iris Scialom (violon) et Paul Zientara (alto) pour la Symphonie Concertante pour violon et alto : 2e Mouvement de Mozart., les deux instrumentistes étant nommés dans la catégorie Révélation soliste instrumental.
Natalie Dessay revient entre-temps remettre la Victoire Révélation artiste lyrique à Julie Roset, dont le discours a remercié, entre autres, les pianistes (qui militent actuellement pour une revalorisation de leur rémunération), jugeant leur rôle d’accompagnement essentiel dans la carrière des artistes, tant élèves que professionnels. Elle a également rappelé que « malgré la noirceur qui nous entoure de plus en plus, il est aujourd’hui primordial d’utiliser notre art pour envoyer un message d’espoir, de paix et d’amour dans l’accueil et l’acceptation de l’autre ».
Lucile Richardot, Artiste lyrique 2025
Adèle Charvet (nommée dans la catégorie Artiste Lyrique) interprète pour sa part « Alma Oppressa » (La Fida Ninfa de Vivald) de sa voix ronde et corsée aux élans généreux. Elle est en compétition avec Stéphane Degout (malheureusement absent) et Lucile Richardot qui opte de son côté pour « He was despised » (Le Messie de Haendel). Elle parvient à accrocher l’écoute dès la première note de son timbre si particulier, d’une profondeur ambrée aux couleurs et aux reflets multiples, chatoyants, uniques, couplée à son interprétation forte. Elle remporte finalement ce prix d’Artiste lyrique mérité, même si on imagine que le choix ne fut pas aisé là non plus. Difficile néanmoins de ne pas chavirer à l’écoute de cette voix qui nous emporte à chaque fois que nous l’entendons depuis toutes ces années. Elle nous gratifie d’un discours à son image : drôle, décalée, léger... Elle remercie « tous les votants... Je ne sais pas qui ils sont mais ils se reconnaîtront ! » et pense avec humour que « c’est une validation des acquis ». Elle rappelle qu’elle a pris son temps pour être là où elle est, glisse un mot pour les accompagnateurs oubliés des réévaluations salariales, et poursuit dans la bonne humeur qui la caractérise.
Tandis que Baptiste Arcaix rappelle que si ce soir est celui des Victoires de la Musique Classique, ce n’est malheureusement pas la fête partout : bien des institutions voient leur budget diminué ou supprimé, engendrant moins de spectacles, et donc moins de soutien. Une situation « alarmante » qu’il convient de rappeler à une heure de grande écoute sur une chaîne nationale. L’occasion aussi de rappeler que les pianistes des conservatoires sont actuellement en grève afin d’obtenir un salaire décent, que le gel du pass’culture prive les plus jeunes, que la Culture doit rester accessible à tous et qu’elle rapporte bien plus qu’elle ne coûte. Et qu’enfin, « une société sans culture, c’est une société privée de son âme ».
La violiste Lucile Boulanger remporte pour sa part le prix de Soliste instrumentale des mains d’Eric-Emmanuel Schmitt après avoir magnifiquement interprété l’Arpeggio en ré mineur de Carl Friedrich Abel, alors que Justin Taylor avait pour sa part un arrangement de « Casta Diva ». L’Adagio de Barber accompagne pour sa part l’hommage fait à celles et ceux nous ayant quitté en 2024, avant un autre dédié à Pierre Boulez.
Cette 32e cérémonie des Victoires de la Musique Classique s’achève sur un palmarès faisant la part belle aux artistes féminines. Pour (re)voir leurs prestations, la soirée est disponible en replay sur la plateforme de France Télévisions jusqu'au 4 mai prochain.
Palmarès des Victoires de la Musique Classique 2025
- Artiste lyrique : Lucile Richardot, mezzo-soprano
- Révélation, artiste lyrique : Julie Roset, soprano
- Soliste instrumental : Lucile Boulanger, viole de gambe
- Révélation, soliste instrumental : Lorraine Campet, contrebasse
- Révélation, chef d'orchestre : Simon Proust
- Compositeur : Régis Campo, pour Dancefloor with pulsing
- Enregistrement : Picture a day like this, de George Benjamin – Nimbus
publié le 6 mars 2025 à 08h20 par Elodie Martinez
06 mars 2025 | Imprimer
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