Entre les représentations de Lucia di Lammermoor (nous avons assisté à la dernière) et l’imminente Première du rare Otello de Rossini (le dimanche 19 décembre, on y sera), nous avons pu brièvement nous entretenir avec Stefano Pace, le nouveau directeur de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, dont la prise de fonction a été accélérée par la subite disparition de son prédécesseur Stefano Mazzonis Di Pralafera. L’occasion de le questionner sur la façon dont il envisageait cette succession, notamment vis-à-vis de ses choix pour ses futures programmations, mais aussi sur le départ de l’actuelle et très charismatique directrice musicale de l’ORW, la cheffe italienne Speranza Scappucci.
***
Opera-Online : Quel a été votre parcours jusqu’à prendre la tête du fameux Teatro Verdi de Trieste, avant de prendre vos nouvelles fonctions à l’Opéra Royal de Wallonie ?
Stefano Pace : Je suis issu d’une famille d’artistes. Mon père, notamment, était décorateur de théâtre et a également été directeur technique du Teatro Massimo Bellini, l'Opéra de Catane. C’est en l’accompagnant que j’ai découvert le monde du spectacle, et surtout celui des coulisses. J’ai commencé à découvrir le travail des ateliers, puis j’ai fini par créer mon premier décor à 19 ans. Après des études d’architecture à Rome, j’ai travaillé comme décorateur indépendant pendant plusieurs années.
Puis, j’ai fait la connaissance d’Hugues Gall au début des années 1990, et il m’a engagé en 1994 à l’Opéra National de Paris comme Directeur technique de l'Opéra Bastille, puis général pour les opéras Bastille et Garnier, jusqu'en 2005. Ensuite, j’ai travaillé de 2005 à 2008 au Palau de les Arts Reina Sofia à Valence, où en tant que Directeur technique et Directeur de production j’ai été chargé de mettre sur pied les équipes artistiques et techniques de l’opéra, ainsi que de planifier les premières saisons. Après avoir occupé plusieurs postes techniques en Italie entre 2008 et 2010, je suis devenu Directeur technique de la Royal Opera House Covent Garden à Londres, de 2010 à 2015, puis à partir de 2015 Surintendant du Teatro Verdi de Trieste. Lorsque j’ai appris que l’Opéra Royal de Wallonie-Liège lançait un appel à candidatures pour devenir son Directeur général et artistique, j’ai postulé et j’ai eu le bonheur de voir ma candidature retenue. Je suis entré en fonction en octobre 2021 et j’ai trouvé un beau théâtre, bien organisé et avec des équipes très compétentes.
Et que comptez-vous faire de l’héritage de feu Stefano Mazzonis Di Pralafera… Continuité ou rupture ?
Stefano Mazzonis di Pralafera, avec qui j’avais eu l’occasion d’échanger peu avant son décès, a fait du bon travail à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège : j’arrive dans un théâtre aux finances saines, avec un public fidèle, un véritable rayonnement international et une qualité artistique reconnue. En tant que Directeur général et artistique, je compte partir de cette excellente base de travail pour développer ma programmation et mon projet artistique.
Je vais par exemple organiser en août 2022 la deuxième édition du Concours international de Chefs d’Orchestre d’opéra qui avait été initié par Stefano Mazzonis en 2017. Je compte également continuer la politique en faveur du jeune public qui a particulièrement bien porté ses fruits à Liège depuis plusieurs années.
Allez-vous ainsi ouvrir le répertoire jusqu’ici quasi confiné aux ouvrages italiens et français ?
En effet, si les répertoires italien et français seront toujours mis à l’honneur, tant ils participent de l’identité de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, je compte proposer dans les années à venir d’autres horizons musicaux au public. Il est important, pour le public mais aussi pour les forces vives de la maison, d’avoir accès également à d’autres styles, d’autres esthétiques. C’est pourquoi je programmerai des œuvres allemandes, russes, tchèques ou anglaises… qui sont absentes de cette scène depuis longtemps. Le grand succès rencontré en octobre dernier par la nouvelle production d’Eugène Onéguine (NDLR : nous y étions), un ouvrage qui n’avait plus été joué à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège depuis 27 ans, montre d’ailleurs parfaitement que le public s’intéresse aussi à d’autres répertoires.
J’envisage aussi d’élargir le répertoire non seulement dans l’espace mais aussi dans le temps, aussi bien en programmant de la musique ancienne que des œuvres contemporaines. J’ai énormément d’idées, qui seront dévoilées au fil des saisons à venir.
On vient d’apprendre que Mme Speranza Scappucci avait décidé de ne pas renouveler son contrat comme directrice musicale de l’ORW. Regrettez-vous ce choix et avez-vous déjà commencé à lui chercher un(e) remplaçant(e) ?
Dès mon arrivée à Liège, j’ai proposé à Speranza Scappucci de renouveler son mandat de Directrice musicale, qui arrive à échéance en juin 2022. Après mûre réflexion et en raison de son agenda très chargé dans les saisons à venir, elle a estimé qu’elle ne pourrait pas dégager assez de temps pour assurer à Liège une présence suffisante en tant que Directrice musicale. Je le regrette car Speranza Scappucci est une cheffe de grand talent qui apporte énormément à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, mais en même temps je comprends bien sa décision. Celle-ci fait honneur à sa conscience professionnelle. Cela dit, de forts liens subsisteront entre l’Opéra Royal de Wallonie-Liège et Speranza Scappucci : elle reviendra ainsi diriger à Liège en tant que cheffe invitée, et ce dès la saison 2022-2023 pour un important projet que nous dévoilerons lors de l’annonce de la prochaine saison. Et en ce qui concerne une nouvelle Directrice musicale ou un nouveau Directeur musical : je réfléchis à la question. C’est évidemment un choix qui ne s’improvise pas, c’est pourquoi je me laisse le temps de la réflexion afin de trouver la bonne personne pour ce poste ô combien important !
Propos recueillis en décembre 2021 par Emmanuel Andrieu
Crédit photographique © Jonathan Berger
15 décembre 2021 | Imprimer
Commentaires