Comme nombre de maisons lyriques actuellement, l’Opéra national du Rhin vient de dévoiler sa saison 2017-2018, qui comptera neuf opéras ainsi qu’un « prélude ». Neuf œuvres qui feront voyager le public à travers le monde, entre classiques et opéras moins connus, et il faut surtout souligner que toutes sont annoncées comme de nouvelles productions (dont une « nouvelle production à l’OnR ») ou bien comme création française.
Ainsi, la commande et production de l’Opéra Comique, Kein Licht (d’après l’œuvre éponyme d’Elfride Jelinek et qui a remporté le prix Fedora 2016) sera effectivement jouée d’abord à Strasbourg en septembre avant d’être présentée à Paris en octobre. Musique et théâtre s’entrelaceront dans cette création, ce Thinkspiel comme le nomment le compositeur strasbourgeois Philippe Manoury et le metteur en scène Nicolas Stemann. Il s’agit donc, selon le duo, « d’un " jeu de la pensée" ou une "pensée en jeu" ». Julien Leroy assurera la direction musicale et Lionel Peintre fera partie de la distribution.
Si Kein Licht ouvre bel et bien la saison, une « soirée d’ouverture » est toutefois prévue juste après l’opéra. La maison strasbourgeoise convie le public « à une grande soirée de fête, une célébration du chant, de la musique et de la danse, au Palais de la Musique et des Congrès à Strasbourg et à La Filature à Mulhouse ». Le chef Jérémie Rhorer dirigera pour l’occasion Vannina Santoni (Frasquita dans Carmen à l’Opéra de Paris depuis le mois dernier qui nous avait séduits par son « timbre argenté joliment projeté », et sa « personnalité vive qui s’affirme dans une vocalité virtuose »), Alexia Voulgaridou (entendue dans Faust à la Royal Opera House où sa technique impeccable et son « émotion poignante » avaient su nous ravir), Abdellah Lasri ou encore Marie-Ange Todorovitch déjà entendue dans de nombreuses productions.
En octobre, l’OnR nous propose une nouvelle production des Noces de Figaro mises en scène par Ludovic Lagarde à qui l’on doit par exemple la réunion d’Il Segreto di Susanna et de La Voix Humaine où avait brillé Anna Caterina Antonacci, déjà sous la direction de Patrick Davin que les strasbourgeois ont également pu entendre et apprécier dans la rare Pénélope de Fauré en 2015. Nous retrouverons Vannina Santoni en Comtesse Almaviva et Marie-Ange Todorovitch en Marcellina, mais aussi Andreas Wolf dans le rôle de Figaro et Hélène Guilmette dans celui de Suzanne qu’elle a déjà tenu dans la production d’Angers-Nantes Opéra en début de mois (voir notre chronique). Enfin, le truculent Chérubin sera interprété par Catherine Trottmann, nommée aux dernières Victoires de la Musique Classique. Une production qui attise d'ores et déjà une certaine curiosité et qu'on attendra donc avec une certaine impatience.
Décembre sera pour sa part marqué par la redécouverte de Francesca da Rimini de Riccardo Zandonai, créé au début du XXe siècle. Il s’agit d’une « bouleversante tragédie de l’amour d’un couple maudit décrit par Dante dans les cercles sombres de son Inferno : Francesca et Paolo, une femme et son amant face à la violence vengeresse des deux frères de celui-ci ». Giuliano Carella assurera la direction musicale de cette production mise en scène par Nicola Raab dans laquelle Alexia Voulgaridou et Marcelo Puente tiennent les rôles des deux amants.
Parallèlement, à Colmar (puis à Strasbourg et Mulhouse en début d’année) se tiendra la création française de Mouton de Sophie Kassies, un théâtre musical sur des œuvres de Henry Purcell, Georg Friedrich Haendel et Claudio Monteverdi créé en 2005 au Jeugdtheater Sonnevanck à Enschede (Pays-Bas). Un opéra pour le jeune public (mais pas seulement) qui a connu un véritable succès dans le monde germanophone et qui évoque « avec finesse et poésie le difficile voyage à la recherche de sa propre identité » à travers l’histoire de Mouton, ayant quitté son troupeau pour découvrir son nom.
En février, retour à un classique dans une « nouvelle production à l’OnR » : Werther mis en scène par Tatjana Gürbaca, production actuellement donnée à Zürich avec Juan Diego Flórez dans le rôle-titre. A Strasbourg et Mulhouse, c’est Eric Cutler qui tiendra ce rôle tandis qu’Anaik Morel sera Charlotte. Suivra une œuvre moins connue, Le Pavillon d’or, en création française et en coproduction avec la Tokyo Nikikai Opera Foundation, tiré du roman de Yukio Mishima sur « la puissance dévastatrice de la beauté ». Ce sera là l'occasion pour le chef d’orchestre Paul Daniel et le metteur en scène Amon Miyamoto de faire leurs débuts à l’OnR. La distribution vocale compte pour sa part Paul Kaufmann, Simon Bailey ou encore Yves Saelens.
Autre horizon et autre culture avec l’opéra suivant, Sindbad, un opéra pour enfants de Howard Moody qui dirigera lui-même les représentations sur une mise en scène de Sébastien Dutrieux. Les deux personnages, Sindbad et Shéhérazade, seront interprétés par Igor Mostovoi et Marta Bauzà.
La nouvelle production suivante réunit quant à elles trois œuvres sous le titre des Sept Péchés capitaux... mis en scène par David Pountney, à qui l’on doit déjà par exemple une Flûte enchantée au Festival de Bregenz ingénieuse et poétique ou encore une Jenufa bouleversante à Vienne. Le temps d'une soirée, l'OnR réunit ansi d'abord Mahagonny songspiel de Kurt Weill avec, entre autres, Mark Le Brocq dans le rôle de Charlie ; ensuite le Pierrot Lunaire de Schönberg, composé à partir de sept poèmes d’après Albert Giraud ; et enfin Les Sept Péchés capitaux de Kurt Weill qui reprend la même distribution vocale que Mahagonny songspiel. Selon l'établisement, la mise en scène trouve son inspiration dans « le cabaret comme lieu d’illusions, de rêves obscurs et interdits. Trois femmes nous interpellent avec leurs récits étranges où se croisent la nuit, la lune, la solitude, mais aussi le plaisir, l’argent, le succès ».
Enfin, la saison se clôturera par un classique russe, une nouvelle production d’Eugène Onéguine, mise en scène par Frederic Wake-Walker et dirigée par Marko Letonja dont « la direction à la fois analytique et brillante » nous avait déjà convaincue dans L'Affaire Makropolous in loco en février 2016, sans oublier son époustouflante Medea donnée à Genève en 2015. Le rôle-titre sera tenu ici par Bogdan Baciu, celui de Tatiana par Ekaterina Morozova ou encore celui d’Olga par Marina Viotti.
Une belle saison s’annonce donc à l’Opéra national du Rhin qui fait la part belle à la nouveauté tout en nous invitant au voyage, au sein de cultures diverses, mariant autant les œuvres classiques que le plaisir de la découverte d’œuvres plus rares et/ou plus modernes. La programmation est par ailleurs déjà en ligne sur le site officiel de l'OnR.
28 avril 2017 | Imprimer
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