Les Ailes du désir se déploient sur le Bateau Feu de Dunkerque et au-delà

Xl_les-ailes-du-desir_opera_othman-louati_bateau-feu-dunkerque_2023-2 © Les Ailes du Désir

La co(opéra)tive entend faire vivre et rayonner l’opéra à travers la France et pour la première fois, le collectif est à l’origine de la création d’un opéra, Les Ailes du désir d’Othman Louati, adapté du film de Wim Wenders. Un projet éminemment collectif et pluridisciplinaire, dont la création est prévue ces 9 et 10 novembre, avec Marie-Laure Garnier, Romain Dayez ou Camille Merckx.

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L’opéra a fréquemment inspiré le cinéma, mais la réciproque est infiniment moins courante – on peut penser par exemple à The Exterminating Angel de Thomas Adès tiré de L'Ange exterminateur de Luis Buñuel, à Breaking the Waves de la compositrice Missy Mazzoli ou à Melancholia de Mikael Karlsson qui ont adapté les films de Lars Von Trier ou encore à Sonate d'automne de Sebastian Fagerlund inspiré du long métrage d’Ingmar Bergman et sans doute quelques autres, mais la liste reste relativement succincte. Elle se complète néanmoins d’un nouvel ouvrage lyrique avec Les Ailes du désir du jeune compositeur Othman Louati (né en 1988), d’après le film de Wim Wenders. Et l’opéra fera l’objet d’une création mondiale ces 9 et 10 novembre au Bateau Feu de Dunkerque, avant de partir en tournée dans moult maisons lyriques à travers la France – à Angers Nantes Opéra et l’Opéra de Rennes, à l’Opéra de Dijon, à Clermont-Ferrand, Tourcoing, Quimper, Compiègne ou encore Besançon.

Le projet est né d’une commande de la co(opéra)tive, collectif de production qui s’est fixé pour mission pour faire vivre et rayonner l’opéra à travers la France, notamment dans les territoires où l’opéra est parfois moins présent, parallèlement aux activités des grandes institutions lyriques. Et pour la première fois, la co(opéra)tive est à l’initiative d’une création d'un nouvel opéra et a donc confié cette commande au compositeur Othman Louati. L’idée originale de l’adaptation des Ailes du désir de Wim Wenders revient néanmoins au scénographe et marionnettiste Johanny Bert, au sein d’un collectif réunissant en vrac la librettiste Gwendoline Soublin, la dramaturge Olivia Burton, la costumière Pétronille Salomé ou encore le metteur en scène Grégory Voillemet, tous associés très tôt dans le processus de création de l'oeuvre. De quoi développer « une pensée globale », selon Johanny Bert, et « une réflexion commune permettant de discuter de la place de la musique, de la voix et du scénique ».

Les Ailes du désir, du film à l'opéra

L’opéra reprend donc le scénario du film : deux anges observent et écoutent les humains vivre à Berlin avant la chute du mur. L’un d’eux tombe amoureux d’une jeune acrobate, Marion, et décide de renoncer au Ciel par amour pour la jeune femme.

Le film de Wim Wenders est un conte allégorique qu’Othman Louati qualifie de « poème filmé » dont la forme est originellement « très lyrique ». Pour le livret de l’opéra, la librettiste Gwendoline Soublin (autrice et dramaturge) a donc dû procéder à un « resserrement » du scénario afin, dit-elle, d’opérer une sélection permettant de trouver les motifs et les phrases qui sont ensuite devenus les refrains et les axes de la théâtralité de l’ouvrage lyrique – en opérant aussi une traduction de l’œuvre de l’allemand vers le français, tout en conservant la musicalité de la langue.

Fidèle à l’œuvre originale, Othman Louati et le scénographe Johanny Bert ont ensuite fait le choix de conserver dans la production d'opéra le contexte berlinois du film. Johanny Bert précise : « nous avons trouvé des parallèles à creuser entre notre époque et le Berlin de l’immédiate après-guerre : la blessure est encore là, la question des murs et des séparations reste ; il y a finalement un aspect politique (...) qui intuitivement me semblait intéressant ». Sur cette base, le duo a adapté l’œuvre pour treize musiciens dans la fosse d’orchestre (l’Ensemble Miroirs Étendus dirigé par la jeune cheffe Fiona Monbet), sept chanteurs et six marionnettistes sur le plateau.

Des interprètes et des marionnettes

Car la mise en scène des Ailes du désir fait cohabiter sur scène les interprètes mais aussi des marionnettes. Othman Louati indique avoir « écrit les lignes vocales en pensant aux interprètes du projet, tout en essayant de caractériser les rôles ». Le rôle de l’ange Damielle a ainsi été conçu spécifiquement pour la voix de Marie-Laure Garnier permettant au compositeur d’exploiter « l’immense tessiture » de la soprano, « avec de nombreux sauts d’intervalles qui préfigurent la chute de l’ange » – le rôle de Damielle évolue au gré de l’opéra, de son statut d’ange dépositaire du savoir à celui d’être humain qui expérimente les émotions et notamment l’amour.

À ses côtés, le compositeur a imaginé le rôle de l’autre ange, Cassiel, pour la tessiture de baryton lyrique de Romain Dayez, avec « quelque chose de léger dans la voix qui se marie très bien avec le médium de Marie-Laure Garnier ». Pour le rôle de l’acrobate Marion qui fait naître les émotions chez Damielle, Othman Louati s’appuie sur « la voix rare » de l’alto Camille Merckx, qui « permet de dessiner une créature androgyne, de cuivre et d’argent ».

pour aller plus loin
Les Ailes du désir, création de lien au Bateau Feu de Dunkerque

Chronique de spectacle. Les Ailes du désir, création de lien au Bateau Feu de Dunkerque

L’originalité de la scénographie repose néanmoins sur le fait d’associer les sept solistes de la production à six marionnettistes qui manipulent douze marionnettes inspirées du bunraku, le théâtre de marionnettes japonais. Souvent, les interprètes d’opéra goûtent peu l’utilisation de marionnettes, qui limitent leur rôle à celui de chanteur et gomment l’interprétation théâtrale de leur personnage. Dans le cas présent, Johanny Bert (qui est aussi marionnettiste) y voit au contraire une façon de « vivre le collectif pour transmettre une sensation », et donc de définir le spectacle vivant : « pour les chanteurs, il y a une forme d’humilité et une forme d’engagement ; et pour les marionnettistes, c’est pareil, car ils ne font jamais entendre la voix de la marionnette ». Il poursuit : « tout cela fonctionne uniquement lorsque (tous) sont dans une écoute parfaite ».

Après le monument cinématographique qu’est le film de Wim Wenders, l’opéra d’Othman Louati et Johanny Bert invite le spectateur à s’immerger dans une expérience artistique totale. Après une création au Bateau Feu de Dunkerque les 9 et 10 novembre 2023, Les Ailes du désir se déploieront en tournée tout au long de la saison de la co(opéra)tive, d’abord au Théâtre de Cornouaille de Quimper, puis à l’Opéra de Dijon, aux 2 Scènes de Besançon, à l’Opéra de Compiègne, à Angers Nantes Opéra et à l’Opéra de Rennes, et enfin à l’Atelier Lyrique de Tourcoing.

Aurelien Pfeffer
7 novembre 2023

Planning de la tournée des Ailes du désir :

  • Jeudi 09/11/2023 – Le Bateau Feu à Dunkerque
  • Vendredi 10/11/2023 – Le Bateau Feu à Dunkerque 
  • Mardi 14/11/2023 – Théâtre de Cornouaille de Quimper 
  • Mercredi 15/11/2023 – Théâtre de Cornouaille de Quimper 
  • Mercredi 10/01/2024 – Opéra de Dijon
  • Jeudi 11/01/2024 – Opéra de Dijon
  • Mercredi 17/01/2024 – Les 2 Scènes, Théâtre Ledoux à Besançon
  • Jeudi 18/01/2024 – Les 2 Scènes, Théâtre Ledoux à Besançon 
  • Jeudi 25/01/2024 – Théâtre Impérial – Opéra de Compiègne
  • Lundi 06/05/2024 – Angers Nantes Opéra – Théâtre Graslin
  • Mardi 07/05/2024 – Angers Nantes Opéra – Théâtre Graslin
  • Mardi 14/05/2024 – Opéra de Rennes
  • Mercredi 15/05/2024 – Opéra de Rennes
  • Vendredi 17/05/2024 – Opéra de Rennes
  • Samedi 18/05/2024 – Opéra de Rennes
  • Vendredi 24/05/2024 – Atelier Lyrique de Tourcoing

À écouter pour aller plus loin : le très riche entretien d'Othman Louati et de l'équipe artistique de la production accordé à Laurent Vilarem dans le cadre de l'émition Carrefour de la création (disponible en podcast). 

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