Depuis qu’on l’a découvert il y a bientôt une vingtaine d'années, le ténor Yann Beuron s’est montré incontournable sur de nombreuses scènes aussi bien françaises qu'étrangères. A la fois modeste et charmeur, le talentueux chanteur français nous a accordé une interview à l'occasion de sa participation à La Vestale de Gaspare Spontini à La Monnaie de Bruxelles...
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Opera-Online : Quelles sont les rencontres qui vous ont particulièrement marquées dans votre itinéraire d’artiste ?
Yann Beuron : Il y en a eu beaucoup, mais s'il faut citer quelques noms, alors je dirais Seiji Ozawa, Francisco Araiza, Alfredo Kraus, Regina Resnik, ou encore Laurent Pelly.
Vous êtes un ténor lyrique léger. Existe vraiment une caractérisation particulière du « ténor français » ?
J'étais un ténor lyrique léger oui, mais ma voix a évolué naturellement vers celle d'un ténor lyrique tout court. Je préfère ne pas penser qu'il y ait une caractérisation particulière du « ténor français »... C'est une mauvais idée de penser comme ça ; il y a plutôt un chant français, beau, noble, à l'image de cette magnifique langue.
A-t-il toujours été facile de mener comme vous l’entendiez votre chemin et étant capable de résister aux sirènes qui parsèment chaque début de carrière ?
Oui, j'ai suivi mon instinct, j'ai eu de la chance aussi, mais mon instinct m'a guidé. J'ai les pieds sur terre, et on ne peut pas dire qu'il y ait eu de sirènes dans mon cas.
Quand on vous voit évoluer sur scène, on sent que le jeu d'acteur est quelque chose d'important pour vous ?
Oui, enfin j'espère.... mais j'ai appris ça je crois lentement, avec des gens comme Laurent Pelly, que je viens juste de citer, avec des chorégraphes aussi... Je suis toujours triste quand je sors de scène et que je sais que j'ai « ramé » avec mon énergie théâtrale, car finalement elle est souvent indissociable de celle du chant.
Comme pour Au Monde de Philippe Boesmans, avoir des expériences différentes avec des musiques différentes, est-ce un choix essentiel pour vous ?
C'est essentiel oui, cela me nourrit... Cela me permet aussi de lutter contre ce monde de l'art lyrique qui a trop souvent besoin de catégoriser les choses, et qui manque parfois d'imagination. C'est mon travail aussi de dire que je peux chanter un amoureux, mais aussi un salaud, un jeune, un vieux... et cela dans toutes formes de musique théâtrale.
Le récital semble une respiration nécessaire pour vous. Le récital exige-t-il une discipline vocale différente de l’opéra ?
Je ne pense pas... La principale différence est dans la préparation et l'attitude. Dans le récital, on est deux - chanteur et pianiste -, et on choisit nos rythmes, nos intentions, on exprime nos goûts aussi. L'énergie est tournée uniquement vers cela, pas vers la mise en scène. C'est plus centré, plus condensé, resserré sur soi et sur l'autre qui vous soutient. J'adore cela : c'est périlleux et rien ne vous met plus à nu.
Est ce que vous pressentez l’évolution de votre voix ?
Comme je vous le disais, je suis passé naturellement vers des rôles qui demandent une projection, un ancrage, des couleurs plus profondes... Titus, Pelléas, Licinius... mais le lyrisme est clairement ma limite, et le diapason pour moi, c'est de parvenir jusqu'à la fin de chanter piano, ou mezza voce. C'est un bon indicateur, et c'est pourquoi aussi je reviens autant que faire se peut vers le récital. Au moins, il n'y a pas de challenge pour passer un orchestre, et on peut même murmurer pourquoi pas !
Pouvez-vous nous parler de vos prochaines incarnations ?
Mes prochains rôles seront d'abord Fridolin dans Le Roi Carotte d'Offenbach à l'Opéra de Lyon, puis Gonzalve dans L'Heure espagnole à la Scala de Milan, les trois valets dans Les Contes d'Hoffmann à l'Opéra de Paris, et enfin le rôle d'Ulysse dans Pénélope de Fauré à la Monnaie de Bruxelles. Autant dire plein de beaux rôles en perspective !
Propos recueillis par Emmanuel Andrieu
Yann Beuron dans le rôle de Lucinius dans La Vestale de Gaspare Spontini à La Monnaie de Bruxelles, jusqu'au 25 octobre 2015
20 octobre 2015 | Imprimer
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