Sa voix de nacre s’impose depuis 10 ans. Et il ose tout. Ses récents Duetti avec le sopraniste Max Emmanuel Cencic montrent que Philippe Jaroussky peut hisser sa virtuosité vers de nouveaux sommets. Sans perdre son âme.
Ils se sont rencontrés sur le plateau de la remarquable production du Sant’Alessio de Landi en 2007, à la scène (Caen, Théâtre des Champs Elysées) et en DVD (Virgin Classics). Ils ont depuis renouvelé l’expérience avec notamment L’Incoronazione di Poppea de Monteverdi ou de Faramondo de Haendel.
Mais c’est la première fois qu’ils marient leurs timbres pour ressusciter l’âge d’or des cercles aristocratiques italiens où furent créées nombre de ces Duetti aussi virtuoses que sensuels, signées Alessandro Scarlatti, Bononcini ou Steffani. Le Vatican ayant interdit la représentation d’opéras sur les scènes romaines au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, la composition de cantates représentait alors pour les compositeurs le seul palliatif à cette interdiction. Déclinant les charmes pastoraux d’une Arcadie perdue ou les déplorations plus tragiques d’amants désespérés, les musiciens rivalisent de miniatures exigeant des chanteurs une ampleur vocale tout opératique et une infaillible virtuosité dans les coloratures.
Après son récent - et très remarquable - Requiem de Fauré (dirigé par Paavo Pärvi – Virgin Classics), ne croyez pas que l’ascension du haute-contre ait émoussée ses exigences de justesse, d’émission et de projection. « J’adore la virtuosité, elle m’est assez naturelle, insiste-t-ilmais je ne veux pas axer mes recherches sur le spectaculaire.»
Philippe Jaroussky qui s’est toujours battu pour qu’on oublie l’étrangeté du timbre de haute-contre, revendique de n’avoir jamais voulu imiter les sopranistes et relève ici un défi de taille : ne pas tenter de rejoindre la voix de Max Emmanuel Cencic ! Ce fut la principale difficulté comme il nous l’a confié, s’opposer dans des joutes vocales démonstratives au détriment du sens et de l’intimisme de ces airs. Privilégiant l’écoute réciproque à seule fin de faire triompher ce théâtre des sensualités poétiques, non seulement le contre ténor réussit à garder sa vaillance mais il incarne plus que jamais une sensualité éloquente loin de tout artifice. A la baguette, William Christie dont on ne présente plus ni tempéramment ni la subtilité réussit une magnifique cohésion.
-- O. Olgan
Duetti : Marcello, A. Scarlatti, Bononcini, Steffani. Les Arts Florissants dirigé par William Christie (Virgin Classics)
09 novembre 2011 | Imprimer
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