Aïda au Staatsoper de Vienne : une constellation de stars

Xl_aida_wiener-staatsoper_2023-03 © Michael Pöhn

Les quatre représentations de cette Aida se sont tenues à guichets fermés – malgré le prix élevé des places et les nombreux amateurs d’art lyrique en quête d'un billet regroupés devant l’Opéra d’Etat de Vienne pour chacune des dates. Et ce n’est pas étonnant au regard de la constellation d’étoiles réunies pour la production : trois stars internationales du chant lyrique, Anna Netrebko dans le rôle-titre, Elina Garanca pour sa prise de rôle d'Amneris et Jonas Kaufmann pour interpréter Radamès, auxquels il faut ajouter Luca Salsi en Amonasro. Une constellation de stars qui n’avaient encore jamais été réunies dans cette configuration au Staatsoper de Vienne et formée par le directeur Bogdan Roščić pour cette reprise d'Aida de Giuseppe Verdi. Les attentes étaient donc particulièrement élevées – et pleinement satisfaites au moins sur le plan vocal.

Aida, Wiener Staatsoper 2023 © Michael Pöhn

Il fallait certes accepter la mise en scène un brin archaïque de Nicolas Joël, datant de 1984. Aujourd'hui, de nombreux esprits critiques la jugeraient sans doute complètement dépassée, voire kitsch et sans idées novatrices. Pour autant, les majestueuses constructions égyptiennes – notamment l'imposant temple rupestre ou les rangées de colonnes qui semblent venues tout droit de Louxor –, impressionnent toujours et affichent une énorme puissance évocatrice. Ces décors et les costumes d’un autre temps (signés Carlo Tommaso) rappellent inévitablement les productions du Festival d'opéra des Arènes de Vérone. La direction d’acteurs n’est pas très présente non plus, et la production est donc dominée par des tableaux statiques, que ce soit pour le chœur ou des solistes en positions sculpturales. Les artistes sont néanmoins ici tous si expérimentés sur un plan théâtral qu’ils se révèlent parfaitement aptes à faire vivre leur personnage et à les interpréter intensément.

À commencer par Elina Garanca, qui fait ses débuts dans le rôle d'Amneris. Avec intensité mais aussi une grande sensualité, tout en conservant un jeu et un chant aussi justes que contrôlés, les nuances et les couleurs que la mezzo lettone déploie sont d'une richesse inouïe. La jalousie, le désespoir et l'impasse émotionnelle de son personnage sont presque palpables.

Anna Netrebko est Aida. Encore non bienvenue dans certaines maisons d’opéra (du fait de ses liens passés avec le pouvoir russe), la diva peut encore se produire au Staatsoper de Vienne sans que sa venue fasse l’objet de protestations à son encontre. Et elle déploie une grande prestance, tant dans l'interprétation vocale que scénique de l’esclave éthiopienne, une splendeur lyrique et une projection impressionnante jusque dans les registres les plus élevés. Elle émeut autant avec des piani à la fois très fins et d’une grande intériorité. On lui pardonne dès lors aisément les quelques imprécisions d’intonation ou une gestuelle opératique qui semble parfois éculée.


Luca Salsi, Anna Netrebko - Aida, Wiener Staatsoper 2023
© Michael Pöhn

Jonas Kaufmann avait été quelque peu malmené lors des trois représentations précédentes, et n’avait pas rallié les meilleurs suffrages de la critique. Il n’est dès lors pas étonnant qu’il ait annulé cette dernière date pour cause de santé. Il a donc été remplacé par Jorge de León, grand spécialiste de Radamès. Le chanteur espagnol interprète le rôle du chef de guerre avec un ténor ample, des aigus sûrs et éclatants comme une bombe, mais des graves un peu vibrants et pas toujours très sophistiqués. Luca Salsi est également convaincant en Amonasro, déployant un baryton riche, chaud et tout aussi ample. Ilja Kazakov déploie un beau timbre dans le rôle du roi, alors que Alexander Vinogradov chante son Ramfis de manière un peu noueuse. Le chœur de l'Opéra d'État de Vienne (préparé par Thomas Lang) se révèle très homogène et sonne parfaitement bien, alors que le ballet de la maison exécute la chorégraphie de Jan Stripling avec autant de vitalité que d’élégance.

Enfin, au pupitre, le chef Nicola Luisotti semble adorer les sons puissants et n’hésite pas à faire monter le volume de l'orchestre de l'Opéra d'État de Vienne – parfois au risque de couvrir les chanteurs. Les musiciens jouent avec une passion palpable et une extraordinaire richesse de couleurs.

La soirée se conclue avec d’interminables acclamations et une ovation debout du public !

traduction libre de la chronique d'Helmut Mayer
Vienne, 24 janvier 2023

Aïda à l'Opéra d'Etat de Vienne du 14 au 24 janvier 2023

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