Jonas Kaufmann dans un Parsifal nimbé de lumière au Festival d’Erl

Xl_parsifal-festival-tyrolien-erl-2025-007 © Festival d'Erl 2025 (c) Xiomara Bender

Au deuxième acte de la représentation de Parsifal, Jonas Kaufmann, détendu et souriant, fait irruption sur la scène du Festspielhaus du Festival d'Erl. Ce n’était pas prévu, il intervient ici avec sa casquette d’intendant du festival tyrolien : dans le rôle du redoutable Klingsor, Georg Nigl utilise les artifices magiques de l’ancien Chevalier du Graal pour tenter d’invoquer les Filles-Fleurs... en vain, elles sont bloquées à cause d’un problème technique. Jonas Kaufmann l’annonce au public avec une honnêteté désarmante et disparait aussitôt. Quelques minutes plus tard, alors que les mécaniques de scène ont été réparées et les Filles-Fleurs libérées, le ténor vedette est de retour, cette fois sous les traits du héros Parsifal : les Filles-Fleurs tentent de le séduire pour le mener à sa perte, mais c’est surtout le ténor qu’on remarque, grâce sa présence scénique, sa prestance et sa théâtralité.

Le petit incident technique apparait comme une interruption rafraichissante et divertissante dans cette nouvelle mise en scène particulièrement réussie de Parsifal, affichant un très haut niveau musical, dans la principale production de la première saison du chanteur en tant qu’intendant du festival tyrolien – Jonas Kaufmann a pris ses fonctions à la tête du festival en septembre dernier.

Parsifal, Festival d'Erl 2025 (c) Xiomara Bender
Parsifal, Festival d'Erl 2025 (c) Xiomara Bender

Philipp M. Krenn signe la mise en scène solennelle et lumineuse de ce Parsifal, qui fait la part belle aux symboles et rituels sacrés, articulé autour de mouvements lents et constants qui font parfaitement écho aux volontés de Richard Wagner dans le livret. Heike Vollmer place sur scène d’imposants objets blancs, mobiles, et évoquant la forme stylisée d’immenses lyres grecques, et la costumière Regine Standfuss est au diapason, tantôt avec des costumes blancs immaculés, tantôt avec des toges, rappelant là encore l’esthétique des grandes tragédies grecques.

Le Graal apparaît sous la forme d'une coupe de cristal trônant sur un piédestal surélevé qui surgit depuis le sous-sol – ce même mécanisme qui peinait à fonctionner au deuxième acte. Kundry apparait assise sur le piédestal, comme un Graal profane. L'eau est un symbole religieux fort par lequel on lave les péchés et joue un rôle important dans la production, via un bassin installé au centre de la scène. Irene Roberts, exceptionnelle dans le rôle de Kundry, doit s’y plonger à de nombreuses reprises, lui imposant de changer régulièrement de vêtements au cours de la soirée. Heureusement, elle jouit d'une santé et d'une voix solides : sa prestation, notamment vocale, de la mystérieuse et séduisante incarnation féminine est impressionnante et remarquablement convaincante.

Dans son fauteuil roulant blanc, Amfortas parait incongru dans cette atmosphère à la fois classique et minimaliste. Pour autant, Michael Nagy est convaincant et résolu dans son interprétation très lyrique de la souffrance de celui qui aspire à la mort. Son père Titurel est à l’avenant sur scène, au travers de la voix déterminée et puissante de Clive Bayley, en quête de salut grâce au Graal. Brindley Sherratt est tout autant source de satisfaction dans le rôle monumental de Gurnemanz : il force parfois dans les notes les plus hautes, mais soutient les graves avec assurance et des nuances subtiles. À leurs côtés, les qualités de Georg Nigl ne sont plus à démontrer. Il habille le rôle de Klingsor avec sensibilité, conférant une touche d’originalité au personnage.

Parsifal, Festival d'Erl 2025 (c) Xiomara Bender
Parsifal, Festival d'Erl 2025 (c) Xiomara Bender

Le directeur musical du festival tyrolien Asher Fisch avait expliqué au préalable les efforts techniques déployés lors de la construction du Festspielhaus pour faire en sorte de pouvoir y donner de grands opéras de Wagner dans un environnement acoustique parfait. Le chef d’orchestre le démontre avec force au pupitre de l'orchestre du festival du Tyrol. Très équilibré, il élabore de grands moments musicaux avec les jeunes musiciens de l’ensemble qui viennent de différents pays pour la période du festival. Il parvient à éclairer de manière précise, limpide et transparente des passages délicats de la partition portés par quelques instruments, jusqu'à d’infinis piani avant d’y opposer des sonorités romantiques pleines et amples, mais sans tomber dans le piège de l’excès. La musique est constamment présente, la théâtralité de la scène apparait plutôt comme un accompagnement que l'inverse, et pourtant l’ensemble se déploie harmonieusement. Un début plus que réussi pour cette nouvelle ère wagnérienne sur la « colline verte » du Tyrol – tel qu’Erl s’est toujours désigné en comparaison avec Bayreuth.

La mise en scène conclut la soirée par une image finale moderne et très humaine. L'arrière-plan de la scène se lève sur l'acte de rédemption du Chevalier du Graal Parsifal et le chœur du Tiroler Festspiele, homogène et sûr dans son chant, apparaissant en tenue moderne de tous les jours, chante les dernières mesures finales depuis la scène avant de traverser l'espace des spectateurs. La rédemption s’offre à tous, à tout moment, en unissant la société. Cette noble pensée en ces temps troublés offre une image saisissante.

La soirée s’achève par une ovation debout et une grande clameur du public dans une salle comble !

traduction libre de la chronique en allemand d'Helmut Pitsch
Erl, Autriche, le 20 avril 2025

Cette production signée Philipp M. Krenn sera reprise au Festival tyrolien d'Erl en 2026, mais avec Jamez McCorkle dans le rôle-titre.

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