Un gigantesque sarcophage de pharaon surplombe un vaste temple au centre de la scène. Des effets vidéo colorés habillent la structure d’une multitude de fresques inspirées de l’Egypte antique et de hiéroglyphes colorés, alors que la roche, le feu et l’eau contribuent à insuffler un souffle épique à l’action tout au long de la soirée. En arrière-plan, les roches calcaires de la gigantesque scène naturelle de la carrière de St. Margarethen sont également intégrées aux décors et baignées d’effets de lumière de différentes couleurs. Ici un gigantesque obélisque doré, là un éléphant en or colossal, contribuent à frapper l’imaginaire du public – a fortiori quand la tête et la trompe de l’animal s’embrasent, alors que Radamès est juché sur son dos lors de sa marche triomphale.
Comme on pouvait s’y attendre (c’est maintenant la marque de fabrique du festival), le décor de la nouvelle production d’Aida, donnée ce soir de première dans l’imposante carrière de St. Margarethen dans le Burgenland, en Autriche, est aussi monumentale qu’impressionnante. Evidemment, l’opéra de Giuseppe Verdi se prête à cette débauche d’effets visuels et une fois de plus, le metteur en scène Thaddeus Strassberger y veille, après avoir déjà imaginé la scénographie de Turandot, il y a deux ans.
Aida - Opernfestspiele St Margarethen 2024
D’autant qu’au-delà de l’imposant décor, la production multiplie les effets spectaculaires, tantôt enflammés, tantôt aquatiques : de gigantesques jets d’eau illuminés jaillissent de nombreux bassins, des cracheurs de feu arpentent la scène, au milieu de guerriers en arme, de danseurs et d’acrobates. Dans le finale, un trapéziste se tient en équilibre à une hauteur vertigineuse à travers la scène, avant de s’enflammer ! Très esthétiques, les costumes signés Giuseppe Palella contribuent également à cette puissance évocatrice de la production, aussi imposante que lourdement impressionnante.
Quant à la direction d’acteurs et la gestion des personnages, Thaddeus Strassberger mise sur des scènes de masse somptueuses et chorégraphiées, composant des tableaux théâtraux impressionnants grâce une multitude de figurants et aux artistes de la troupe de danse géorgienne Pesvebi.
Aida - Opernfestspiele St Margarethen 2024
Parmi le plateau vocal, Jorge Puerta, originaire du Venezuela, se distingue dans le rôle de Radamés. Le chanteur dispose d'un très beau ténor, lui permettant de chanter tous les aigus avec une projection ardente. Dans le rôle-titre, la soprano américaine Leah Crocetto séduit par la dramaturgie qu’elle insuffle à la princesse éthiopienne et ses aigus assurés même si elle abuse sans doute un peu trop des trémolos. Raehann Bryce Davis interprète Amneris avec un mezzo riche et offre une grande présence scénique à son personnage – elle entre en scène de façon très impressionnante, sur un bateau somptueusement décoré. La voix profonde de Jongmin Park confère au Grand prêtre Ramfis beaucoup de noblesse. On regrette néanmoins l’Amonasro trop peu présent de Gangsoon Kim, tant sur un plan théâtral que vocal. Dans le rôle du roi, Ivan Zinoviev déploie une solide puissance vocale, alors que le Philharmonia Chor Wien (préparé par Walter Zeh) impressionne, bien qu’étant hors scène.
Le chef Iván López-Reynoso, sur le podium des Piedra Festivalorchesters, parvient à obtenir de la phalange toute la passion et la subtilité de la musique de Verdi. Le plus souvent, la musique est en harmonie avec la scène et le chef d’orchestre sait retranscrire l’intensité dramatique de la partition, tout en insufflant tantôt des effets saisissants, tantôt le lyrisme nuancé de la musique du compositeur.
Au moment des saluts, le public réserve une ovation aux artistes ! Jusqu'au 24 août, cette Aida fera l’objet d’un total de 27 représentations dans la carrière de St. Margarethen. Lors de la première, le directeur artistique Daniel Serafin a de nouveau accueilli de nombreuses personnalités du monde politique, économique et artistique. Pour l'année prochaine, le Festival St. Margarethen proposera une nouvelle production du Vaisseau Fantôme de Richard Wagner.
traduction libre de la chronique en allemand de Helmut Mayer
Aida au Festival de St. Margarethen, du 10 juillet au 24 août 2024
15 juillet 2024 | Imprimer
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