Comme nous l’évoquions dans notre recension du concert du couple Netrebko/Eyvazov, ce sont trois productions lyriques que propose cet été le Teatro dell’Opera di Roma, relocalisé dans le spectaculaire Circo Massimo – remplissant plus facilement le cahier des charges sanitaires dues au virus, tout en permettant aux spectateurs d’admirer la colline du Palatin et ses nombreuses ruines antiques... mais aussi d'assister au ballet incessant des Vigili del fuoco et de la Polizia dans les deux rues qui longent le site antique ! Parallèlement à un Rigoletto en version scénique signé par Damiano Michieletto, (auquel nous n'avons malheureusement pas pu asssiter), et à une Veuve joyeuse en version de concert chantée en italien (nous y reviendrons), c’est à un jubilatoire Barbiere di Siviglia (également donné sous format concertant) que nous avons eu la joie d'assister - grâce à une distribution de haute volée et à la direction vivifiante de Stefano Montanari.
Le chef italien est bien connu en France pour être l’un des piliers de l’Opéra de Lyon, où Serge Dorny lui a accordé toute sa confiance, et où il a dirigé plusieurs ouvrages – Le Comte Ory en 2014, L’Enlèvement au sérail en 2016, ou encore La Cenerentola en 2018. Depuis son pianoforte, il dirige les musiciens d’un Orchestre du Teatro dell’Opera di Roma toujours aussi espacés les uns des autres (tout comme le chœur maison préparé par l’excellent Roberto Gabbiani), et confirme ce soir ses affinités avec l’univers de la musique rossinienne. Si sa direction paraît un peu moins folle et débridée que de coutume (il est cette fois dos aux chanteurs, et c'est évidemment plus compliqué de gérer scène et fosse d’un seul coup d’œil...), elle n’en demeure pas moins très vivante, merveilleusement plastique et pleine de détails instrumentaux savoureux.
Satisfecit général pour la distribution entièrement italienne – hors l’Almaviva de Giorgio Misseri qui peine à convaincre ce soir avec un registre aigu parfois à la limite du poussif et de (trop) nombreux problèmes d’intonation, voire de justesse. Il a néanmoins le mérite d’affronter avec plus ou moins de bonheur le redoutable air « Cessa di piu resistere » (coupé la plupart du temps). Déjà remarqué dans le rôle du Comte (des Nozze) à Strasbourg en 2017, puis cette année dans celui de Marcello de La Bohème à l’Opéra de Monte-Carlo, Davide Luciano (Figaro) n’a ainsi pas de mal à lui voler la vedette, grâce à sa voix splendidement timbrée et sonore, et à son jeu scénique bondissant : le baryton italien crève l’écran et il se taille le plus gros succès personnel au moment des saluts. En alternance avec Chiara Amaru, la jeune mezzo italienne Miriam Albano se montre également irrésistible, car elle possède tout ce qu’il faut pour le rôle de Rosina : présence scénique, caractère malicieux, rondeur du timbre et homogénéité des registres, naturel vocal et art belcantiste avec des vocalises aussi aisées que détachées. En Basilio, Nicola Ulivieri (qui nous a accordé un bref enretien) confirme qu’il est bien l’une des meilleures basses chantantes de notre époque, tandis que le désopilant Marco Filippo Romano, qui nous avait ébloui l’été dernier à Martina Franca dans Le Mariage secret de Cimarosa (rôle de Geronimo), apporte au personnage de Bartolo toutes les ressources de son incroyable tempérament comique. Une mention, enfin, pour la Berta de Francesca Benitez qui voit son aria di sorbetto « Il vecchiotto cerca moglie » conservée, tandis qu'Alessandro Della Morte incarne de manière inhabituellement charmeuse et bien chantante le rôle souvent sacrifié de Fiorello. Bravi à ces deux jeunes chanteurs, dont le second est issu du programme « Fabbrica » de formation des jeunes artistes de l’Opéra de Rome !
Malgré l'absence de mise en scène, signalons au lecteur que le concert n’est en rien statique. D’abord, grâce aux talents d’acteur des différents artistes et à des déplacements toujours à-propos, mais aussi grâce à un système de projections vidéo très colorées (signées par Gianluigi Toccafondo) qui afficheront tour à tour tous les titres des airs de la partition de Gioacchino Rossini. Un des motifs de satisfaction de la soirée qui, en lui donnant un peu plus de gaieté et de vie, contribue à la fête que toute représentation d’un opéra bouffe de Rossini se doit d’être.
Il Barbiere di Siviglia de Gioacchino Rossini au Circo Massimo de Rome, jusqu’au 13 août 2020
Crédit photographique © Yasuko Kageyama
13 août 2020 | Imprimer
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