Depuis 1973 à l’initiative d’Herbert von Karajan, le week-end de la Pentecôte était l’occasion d’entendre l’Orchestre Philharmonique de Berlin en concert à Salzbourg. En 1998, la manifestation évoluait néanmoins pour devenir le Festival de Pentecôte de Salzbourg que l’on connait aujourd’hui (laissant davantage de place à l’art lyrique, parallèlement au célèbre Festival d’été de Salzbourg) et depuis 2012, Cecilia Bartoli en assure la direction artistique – chaque année, la cantatrice italienne articule le programme du festival autour d’une thématique forte dont le point d’orgue est une production d’opéra, qu'elle interprète et reprise dans le cadre du festival d’été de Salzbourg.
L’édition 2019 du Festival de Pentecôte, du 7 au 10 juin, est placée sous le signe des « Voix célestes » des castrats – un thème éminemment d’actualité selon Cecilia Bartoli, à l’heure du mot-dièse #metoo et où « l’intégrité physique et sexuelle des artistes est au cœur des préoccupations ». Elle s’en explique : « au nom de l’art, des milliers de jeunes garçons ont été mutilés – une tradition terrible qui a perduré pendant des siècles, et rarement remise en question. Au regard de ce contexte, je me suis demandée si la beauté artistique de cette période devait être célébrée en programmant ces œuvres musicales. À mon sens, la réponse est évidemment "oui". Pour autant, leur art doit aussi être remis en perspective et le contexte difficile entourant les castrats discuté ».
Telle est la ligne directrice du Festival de Pentecôte de Salzbourg 2019. Cecilia Bartoli y programme deux œuvres laissant la part belle aux contre-ténors : Alcina, d’abord, de Georg Friedrich Haendel (compositeur déjà mis à l’honneur en 2012 par la cantatrice avec Giulio Cesare in Egitto), dans une nouvelle production confiée à l’enthousiasmant metteur en scène italien Damiano Michieletto. La distribution vocale est à l’avenant : Cecilia Bartoli interprète le rôle-titre aux côtés de Philippe Jaroussky dans le rôle de Ruggiero initialement composé pour le castrat Giovanni Carestini en 1735, mais aussi de Sandrine Piau (Morgana), Kristina Hammarström (Bradamante), Christoph Strehl (Oronte) et Alastair Miles (Melisso). Et dans la fosse, le chef Gianluca Capuano dirige Les Musiciens du Prince – Monaco, cet ensemble jouant sur instruments d'époque et dont Cecilia Bartoli est la marraine.
Le festival est en outre l’occasion de découvrir Polifemo, œuvre rare inspirée du mythe de Polyphème (le cyclope berné par Ulysse) et signée par le compositeur Nicola Porpora dont l’histoire se souvient aussi pour avoir été le professeur du castrat Farinelli. En 2019, ce dramma per musica est donné en version semi-scénique, dans une scénographie réalisée par Max Emmanuel Cencic qui interprète également le rôle principal d’Ulysse, aux côtés notamment de Yuriy Mynenko qui chante le rôle d’Aci (créé par Farinelli en 1735), de Pavel Kudinov (dans le rôle-titre), Julia Lezhneva pour interpréter Galatea ou Dilyara Idrisova en Nerea. La direction musicale est par ailleurs confiée à George Petrou, habitué à travailler avec Max Emmanuel Cencic et ici à la tête de l’Armonia Atenea et du Salzburg Bach Choir.
S’y ajoute un concert de gala Farinell & Friends, présenté par Rolando Villazón et réunissant Cecilia Bartoli mais aussi Julie Fuchs, Patricia Petibon, Sandrine Piau, Nuria Rial, les mezzo-sopranos Lea Desandre, Vivica Genaux, Ann Hallenberg et la contralto Marie-Nicole Lemieux aux côtés des contre-ténors Christophe Dumaux et Philippe Jaroussky.
Parallèlement aux productions lyriques, pour mettre en perspective l’histoire des castrats, le festival est également l’occasion d’assister à la projection du film Farinelli (1994) de Gérard Corbiau retraçant la vie du castrat Carlo Broschi, ainsi qu’une conférence évoquant les castrats sous un angle historique, médical et vocal.
20 mai 2018
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