Pour sa première année à la tête de l'événement, l'Autrichien Alexander Pereira a choisi de maintenir le Festival de Salzbourg dans la continuité, avec quelques-unes de ses constantes. Mozart bien sûr qui, symboliquement, ouvre et ferme l’édition 2012, le baroque avec deux ouvrages de Haendel, l’opéra du XXème siècle avec Bernd Alois Zimmermann et quelques touches qui donnent des pistes d’ouverture dont assurément les prochaines années verront l’accomplissement, en plus d’une « place plus grande laissée à la musique sacrée ».
Avec La Flûte enchantée, Alexander Pereira choisit un des fondamentaux de Salzbourg et affirme l’exigence d’un style en confiant cette partition hautement symbolique à Nikolaus Harnoncourt et son célèbre Concentus Musicus de Vienne (cette formation jouant sur des instruments d'époque). Mais l’originalité de cette année est de faire découvrir la suite de La Flûte enchantée, un opéra très peu connu de Peter von Winter, qui a composé ce Labyrinthe ou la bataille avec les éléments sur un livret de Schikaneder, l’auteur du livret de La Flûte enchantée, qui décrit la reprise du conflit entre Sarastro et la Reine de la Nuit après le mariage de Pamina avec Tamino ! L’opéra date de 1798, soit sept ans après La Flûte enchantée et sa redécouverte est assurément un des moments intéressants de cette édition 2012.
Avec Le Roi pasteur de Mozart encore, Alexander Pereira équilibre son paysage musical en faisant appel à William Christie – mais, exceptionnellement, non pas avec ses Arts florissants mais avec l’orchestre La Scintilla, cet orchestre issu de l’Opéra de Zürich (d’où vient Alexander Pereira) et rendu célèbre ces dernières années par Cecilia Bartoli (qui est la nouvelle directrice du Festival de Pentecôte). La passerelle avec ce Festival de Pentecôte est d’ailleurs clairement établie avec la production du Giulio Cesare de Haendel confiée au couple de metteurs en scène française Moshe Leiser et Patrice Caurier avec Cecilia Bartoli très bien entourée (Andreas Scholl, Anne Sofie von Otter, Philippe Jaroussky, Jochen Kowalski !...). Et les amateurs de baroque auront cet été une alternative avec un autre Haendel, Tamerlano, pour lequel Marc Minkowski (nommé l'année dernière nouveau directeur musical du Mozarteum !) a réuni le contre-ténor Bejun Mehta, la très jeune prodige russe Julia Lezhneva (qui a remporté à 20 ans le Concours d’opéra de Paris), la mezzo française qui monte, Marianne Crebassa, et le vieux lion Placido Domingo, toujours avide de nouvelles aventures !
Cette selection baroque s'explique notamment à travers le thème du festival, placé cette année sous le signe de la musique sacrée. Pour Alexander Pereira, "les compositeurs ont écrits leurs plus belles oeuvres pour les églises" et "Salzbourg, avec ses magnifiques églises, est un endroit logique pour faire un festival de musique sacrée". Ainsi, l'édition de cette année se veut innovante avec cette "Ouverture spirituelle" qui semble donner le pas pour se concentrer à nouveau sur un style parfois oublié.
À l’opposé de ce feu d’artifice baroque, l’énorme et très complexe partition des Soldats de Zimmermann investit le Manège des rochers sous la baguette d’Ingo Metzmacher, un spécialiste du genre, et une pléiade d’artistes au sein de laquelle on remarque, à côté de Laura Aikin, la présence de Gabriela Benackova. Une Ariane à Naxos de Strauss dirigée par Daniel Harding, avec Emily Magee, Elena Mosuc et Jonas Kaufmann, dans une mise en scène de Sven-Eric Bechtolf, devrait garantir des plaisirs raffinés. Enfin, deux chefs-d’œuvre du XIXème siècle font leur retour à Salzbourg : d’abord La Bohème de Puccini, confiée à Daniele Gatti pour la direction et au très excitant Damiano Michieleto pour la mise en scène, avec un casting fait rêver, de la Mimi d’Anna Netrebko à la Musetta de la jeune Nino Machaidze, un des fleurons de l’Académie de la Scala de Milan ; enfin une Carmen plutôt inattendue, sous la baguette de Sir Simon Rattle et dans une « mise en scène et chorégraphie » d’Aletta Collins, avec dans le rôle-titre… madame Rattle, c’est-à-dire Magdalena Kozena que, a priori, on n’imagine pas dans le rôle de la gitane ardente (mais on attend bien évidemment d’être surpris) et le plus grand Don José du moment, Jonas Kaufmann.
Un menu copieux donc, varié, avec des piliers obligés et des chemins de traverse, des stars et des artistes à découvrir, des retrouvailles et des nouveautés : c’est tout ce qu’on attend d’un grand festival comme Salzbourg.
07 août 2012
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