La nouveauté est de mise en 2021-2022 à l’Opéra d'État de Bavière, à Munich (Bayerische Staatsoper) : « nouvelle saison, nouvelles œuvres, nouveaux visages » selon les premiers mots du communiqué. On se souvient en effet que Serge Dorny quitte tout juste l’Opéra de Lyon pour diriger la maison allemande. Nouveau directeur donc, pour qui « Tout le monde est roi ou reine », s’inspirant d’une citation de l'écrivain hongrois Dezsö Kosztolányi : « Chaque homme est un chef-d’œuvre. Dans ses yeux, la souffrance et le désir d'être aimé. Dans son cœur, des expériences et des souvenirs, tout comme dans le vôtre. Et sur sa tête, le sommet de son crâne, comme une couronne royale, chaque homme est un roi ». Une citation qui s’impose comme la ligne directrice de cette saison à venir, comptant pas moins de onze nouvelles productions et deux nouveaux festivals – en plus du traditionnel Münchner Opernfestspiele qui sera cette année consacré à l'oeuvre de Strauss.
La première de ces nouvelles productions sera Le Nez, dès octobre, qui sera ainsi donnée pour la première fois dans la maison bavaroise. La mise en scène est confiée à Kirill Serebrennikov, tandis que le nouveau directeur musical, Vladimir Jurowski, sera dans la fosse. Sur scène, le public pourra compter sur Boris Pinkhasovich, Sergei Leiferkus ou Andrei Popov.
Peu avant les fêtes de fin d’année, ce sera au tour de la dernière opérette de Franz Léhar, Giuditta, dont le contenu léger contraste fortement avec la situation sociale des années 1930 (années durant lesquelles elle a été créée). L’occasion d’apprécier les débuts du chef Gábor Káli qui collaborera pour la première fois avec le metteur en scène Christoph Marthaler. Vida Miknevičiūtė tiendra le rôle-titre, aux côtés de Daniel Behle (Octavio), qu’on a déjà pu apprécier à plusieurs reprises.
Le metteur en scène Barrie Kosky, souvent très inspiré, sera en charge d’une nouvelle Petite Renarde rusée (coproduction avec le Liceu de Barcelone) et on sera particulièrement curieux de découvrir sa lecture de l'oeuvre enchanteresse de Janáček. Il accompagnera les premiers pas de la cheffe Mirga Gražinytė-Tyla au pupitre d’où elle dirigera, entre autres, Wolfgang Koch et Yajie Zhang.
Puis viendra un Peter Grimes imaginé par Stefan Herheim, dont la Cenerentola lyonnaise était « pétillante de trouvailles et de références ». Stuart Skelton tiendra ici le rôle-titre, et Rachel Willis-Sørensen celui d’Ellen Orford.
En mars, l’Opéra de Bavière fait place à son Studio pour la production de L'infideltà delusa de Haydn, dirigée par Giedrė Šlekytė et mise en scène par Marie-Eve Signeyrole qui fera ses débuts dans la maison. La France sera ensuite à nouveau représentée, cette fois-ci par Les Troyens de Berlioz, véritable défis scénique que devra relever Christophe Honoré pour ce qui pourrait bien être l’un des temps forts de la saison. Il retrouvera Daniele Rustioni, avec qui il a collaboré à Lyon notamment pour Tosca (en coproduction avec Aix-en-Provence), mais aussi pour un sombre Don Carlos en 2018. Il retrouvera Eve-Maud Hubeaux, qui était également présente dans cette production en Eboli formidable, et qui sera cette fois-ci Ascagne. Marie-Nicole Lemieux apportera à Cassandre toute sa tragédie, que nous avions déjà pu apprécier lors de la version concertante donnée à Strasbourg en 2017, ensuite immortalisée au disque. Elle retrouvera le Chorèbe de Stéphane Degout, tandis que les rôles de Didon et d’Enée seront partagés entre Anita Rachvelishvili et Ekaterina Semenchuk pour la première, et Gregory Kunde et Brandon Jovanovich pour le second.
En mai, Serge Dorny imagine un nouveau festival, le Ja,Mai-DAS NEUE FESTIVAL, qui entend faire dialoguer l'opéra contemporain et des oeuvres de répertoire. Pour cette première édition, les trois opéras contemporains Bluthaus, Koma (dont nous avons vu la création française à Dijon en 2019) et Thomas de Georg Friedrich Haas et Händl Klaus (également connus sous le nom de « Trilogie de Schwetzingen ») seront associés à des œuvres de Monteverdi (Lamento della Ninfa, Il combattimento di Tancredi e Clorinda et Lamento d’Arianna). Claus Guth signera la première de ces œuvres (qui dépeint la vie intérieure d’une personnalité fragmentée) dans une production qui traitera du parcours du personnage principal, Nadja, aidé en fosse par Titus Engel. Pour mémoire, Koma « se déroule dans l’obscurité totale », plongeant chanteurs, musiciens et public dans un monde intermédiaire, entre la vie et la mort. Un thème qui devrait parler à Romeo Castellucci (on se souvient de sa proposition pour Orphée et Eurydice à La Monnaie en 2014, plongeant l’héroïne dans le coma), épaulé ici par Teodor Currentzis. Anna-Sophie Mahler et Alexandre Bloch se pencheront sur Thomas.
La maison proposera également Les Diables de Loudun, de Krzysztof Penderecki, inspiré du récit d’Aldous Huxley. L’œuvre, qui utilise « une énorme palette de voix et d’instruments, de sons et de bruits », offre 30 courtes scènes qui « déferlent sur le public comme des vagues, et en peu de temps, on est déjà à bout de souffle » et qui seront mises en scène par Simon Stone, tandis que Vladimir Jurowski sera en charge de la direction musicale – il a déjà défendu l’opéra au Festival de musique de Dresde en 2002. Quant au plateau, il réunira notamment Ausrine Stundyte et Alina Adamski.
Enfin, ultime nouvelle production de la saison, Capriccio sera proposé dans une mise en scène de David Marton et dirigé par Lothar Koenigs. Diana Damrau retrouvera le rôle de la Comtesse face au Comte de Michael Nagy, le Flamand de Pavol Breslik, l’Olivier de Vito Priante ou encore le La Roche de Kristinn Sigmundsson.
Outre ces nombreuses productions, citons la création d’un second festival inédit, « Septembre en fête », dont le but est notamment de faire la démonstration que l’excellence ne s’oppose pas à l’ouverture au plus grand nombre. Durant dix jours, la maison bavaroise proposera une programmation variée et pleine de surprises, donnée hors les murs, parfois loin de Munich. On retient notamment un concert de Jonas Kaufmann, également présent aux côtés d’Anja Harteros dans La Forza del Destino (dirigé par Andrea Battistoni). La soprano sera par ailleurs présente dans la distribution de Tosca en octobre, et dans Parsifal en avril, alors qu’Anna Pirozzi tiendra le rôle-titre de Turandot.
On ne fera pas l'inventaire des très nombreuses productions de la saison. Nommons néanmoins la Carmen de Varduhi Abrahamyan dans la mise en scène de Lina Wertmüller, La Traviata de Günter Krämer avec Aleksandra Kurzak, la présence d’Alex Esposito dans la distribution du Turc en Italie et des Noces de Figaro. La Cenerentola imaginée par Jean-Pierre Ponnelle sera servie par Marianne Crebassa, Edgardo Rocha et Erwin Schrott. La Reine de la Nuit de Sabine Devieilhe répondra au Tamino de Pavol Breslik.
La dernière partie de la saison proposera la Macbeth de Martin Kušej, avec Simon Keenlyside, Ludovic Tézier ainsi que Artur Rucinski dans le rôle-titre, et Ekaterina Semenchuk et Anna Netrebko dans celui de l’épouse impitoyable. Sans oublier Joyce DiDonato (Agrippina), Gregory Kunde, Gerald Finley ou Luca Salsi (Otello), Ermonela Jaho (Madama Butterfly), Stuart Skelton aux côtés de Jonas Kaufmann, Wolfgang Koch , Anja Harteros et Nina Stemme (Tristan und Isolde), Piotr Beczala, Carlos Alvarez et Sondra Radvanovsky réunis pour Un Ballo in maschera, ou encore Brandon Jovanovich, Camilla Nylund, Michael Volle et Nina Stemme pour La femme sans ombre.
Une saison du renouveau après de longs mois de fermeture, donc, mais aussi de renouvellement à Munich : Serge Dorny fait le choix de faire entrer plusieurs nouvelles oeuvres (parfois exigeantes) au répertoire de sa nouvelle maison, invite des metteurs en scène ayant leur propre univers, sans pour autant sacrifier l'accessibilité de l'Opéra de Munich et l'ouverture au plus grand nombre, et le tout servi toujours par de grands interprètes des scènes lyriques internationales. Une saison qui a de quoi enthousiasmer les amateurs.
Plus d’informations et les détails de la saison sont disponibles sur le site officiel de l’Opéra.
18 juin 2021 | Imprimer
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