La Cité de la musique - Philharmonie de Paris vient de dévoiler son programme 2017-18 et une fois encore, l’établissement nous sert abondance et diversité, et va défendre son statut de lieu de tous les sons. Les amateurs de musique dite « amplifiée », ou de formats sensiblement originaux, seront moins gâtés que les années précédentes, mais dans le cadre de cette nouvelle saison, la voix s’offre une poussée spectaculaire : l’institution du Nord-Est parisien lance une offensive singulière pour attirer les publics des maisons d’opéra. Et pour cause : 2017-18 invitera davantage de solistes vocaux, et le nombre de représentations dédiées au chant lyrique augmente de près d’un tiers au regard de la saison précédente.
Monteverdi, né il y a tout juste 450 ans, aura les honneurs de Sir John Eliot Gardiner, qui dirigera les English Baroque Soloists dans l’Orfeo, Le Retour d’Ulysse dans sa patrie et Le Couronnement de Poppée en septembre. Son Selva morale e spirituale résonnera avant les fêtes de fin d’année à travers les instruments des Arts Florissants, qui accompagneront aussi leur chef Paul Agnew dans les Motets de Johann Sebastian Bach début avril. Raphaël Pichon sera à la baguette de son ensemble Pygmalion dans une série de sept concerts dédiés aux cantates du Cantor de Leipzig avec de jeunes solistes français (Sabine Devieilhe, Stéphane Degout, Maïlys de Villoutreys) et internationaux (Robin Tritschler) de belle envergure.
La musique sacrée aura son lot non-négligeable de représentations. La Grande messe des morts de Berlioz verra interagir le ténor Michael Spyres avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France, tandis que la rare Mass de Bernstein transportera sous d’autres cieux l’Orchestre de Paris et le baryton Jubilant Sykes. Le public pourra assister à deux versions du Requiem allemand de Brahms : l’une avec Miah Persson et Thomas Hampson en février aux côtés de l’Orquesta Gulbenkian et le chœur Accentus, l’autre avec Christina Landshamer et Michael Nagy, sous l’égide de Herbert Blomstedt, à la tête du Gewandhausorchester Leipzig et du Wiener Singverein. En novembre, Ludovic Tézier et Christianne Stotijn participeront quant à eux au Requiem de Dusapin aux côtés de l’Orchestre national de Lyon.
La Création de Joseph Haydn jouira elle aussi de deux versions exceptionnelles, à chaque extrémité de saison. Sir Simon Rattle ouvrira le bal avec les Berliner Philharmoniker, pour former un tout avec Genia Kühmeier, Mark Padmore et Florian Boesch. Ensuite, William Christie livrera avec Les Arts Florissants, Sandrine Piau, Sebastian Kohlhepp et Alex Rosen une interprétation de la version allemande.
Une saison sans Valery Gergiev étant inconcevable, nous le retrouverons d’abord fin janvier avec Anja Harteros (pour les Wesendock Lieder de Wagner), puis durant le week-end inaugural du printemps, où il fera déménager les chanteurs et l’Orchestre du Mariinsky pour célébrer les deux premiers volets de la Tétralogie de Wagner : L’Or du Rhin et La Walkyrie. Siegfried et Le Crépuscule des dieux seront au programme de la saison 2018-19. Parmi les autres opéras présentés en version de concert figurent Ariodante de Haendel, Léonore de Beethoven avec le Freiburger Barockorechester, Falstaff (dirigé par Daniel Harding, avec Ambrogio Maestri, Christopher Maltman et Barbara Frittoli) et Le Château de Barbe-Bleue de Bartók (avec Nina Stemme et Falck Struckmann). N’oublions pas la désormais traditionnelle 9e Symphonie de Beethoven menée par Gustavo Dudamel et le Los Angeles Philharmonic.
Les stars répondront sans conteste à l’appel. L’Orchestre de chambre de Paris soutiendra d’une part Olga Peretyatko et Benjamin Bernheim dans le bel canto, d’autre part Karine Deshayes et Julian Prégardien, à l’épreuve des lieder, de Schubert à Mahler. Nous entendrons également Magdalena Kožená, Andrew Staples et John Relyea dans The Dream of Gerontius d’Elgar. Citons, dans le désordre, Patricia Petibon chez Mozart et Gluck, Sabine Devieilhe avec l’ensemble Les Siècles, ou Cecilia Bartoli dans une complicité avec la violoncelliste argentine Sol Gabetta. Marie-Nicole Lemieux parcourra Les Nuits d’été de Berlioz avec l’Orchestre métropolitain de Montréal, sous l’œil millimétré de Yannick Nézet-Séguin, directeur musical du Metropolitan Opera. Diana Damrau interprétera lors d’une première soirée des airs de Bellini, Meyerbeer, Verdi et Massenet avec l’Orchestre national de Lille. Jonas Kaufmann se joindra à elle en février afin de restituer l’Italienisches Liederbuch de Hugo Wolf. Notons le retour de Natalie Dessay, qui après avoir vogué au théâtre et sur les flots doux de Michel Legrand, s’associe avec Karine Deshayes, Werner Güra et Laurent Naouri dans les Liebeslieder Walzer de Brahms, et livrera les couleurs des Lieder de Schubert (en plus de ceux qui seront exécutés par Matthias Goerne et Raquel Camarinha à d’autres dates) avec Eric Génovèse, sociétaire de la Comédie-Française.
Enfin, la musique contemporaine aura bien sûr sa place, notamment avec une création française de Wolfgang Rihm, par Pavol Breslik et l’Orchestre de l’Elbphilharmonie de Hambourg, ainsi qu'une commande de l’Ensemble intercontemporain à Toshio Hosokawa, avec Kerstin Avemo.
Cette programmation lyrique fait marquer des points à la Cité de la musique – Philharmonie de Paris contre ses détracteurs de la première heure, et parvient à capturer l’essence d’une institution au rayonnement mondial en invitant un large spectre de formations (des plus « locales » aux plus « cotées ») et en développant son prisme pédagogique. Si l’on peut rapidement regretter la prise de risque mineure et une perte mesurée d’originalité en 2017-18, l’identité plurielle de cette maison s’en sort indemne, et c’est tant mieux.
Le détail et les abonnements de cette nouvelle saison sont disponibles à cette adresse, sur le site de l’établissement. Pour les abonnements jeunes, il faudra patienter jusqu'au 18 avril. Vente des places à l'unité dès le 29 mai.
Thibault Vicq
21 mars 2017 | Imprimer
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