Aujourd’hui, l’Opéra de Lyon dévoilait à la presse sa prochaine saison dont « le fil rouge pourrait être des guerres et des rois » selon les termes de son directeur, Serge Dorny, qui souhaite poursuivre le « rôle d’acteur citoyen » de la maison lyonnaise. Il déclarait par ailleurs que pour lui, « l’art ne peut pas être un lieu de confirmation […] avec un contrat de résultat garanti. » Il poursuit, « l’art est un lieu de débat ». Pas nécessairement un lieu de conflit, mais un lieu de choc.
La saison débutera par War Requiem de Britten, un oratorio de paix sur la guerre, mis en scène par Yoshi Oida. Serge Dorny rappelle à cette occasion que l’Opéra de Lyon n’en est pas à son premier oratorio mis en scène : le Messie, en 2012, par Deborah Warner qui avait fait l’unanimité, ou encore dernièrement Jeanne au bûcher mis en scène par Romeo Castullicci (lire notre chronique). La maison lyonnaise a également souhaité respecter le souhait du compositeur lors de sa création : la partition de la soprano russe Galina Vichnevskaïa sera ici chantée par une autre soprano russe, Ekaterina Scherbachenko, celle du ténor Peter Pears sera chantée par Paul Groves et enfin, celle de Dietrich Fischer-Dieskau le sera par Jochen Schmeckenbecher. Le tout nouveau chef permanent, Daniele Rustioni, prendra officiellement ses fonctions en septembre et dirigera cette production.
Le deuxième opéra donné sera une œuvre courte, Mozart et Salieri de Rimski-Korsakov mis en espace par Jean Lacornerie. L’œuvre rarement jouée à la scène s’inspire du drame éponyme de Pouchkine faisant du second l’assassin du premier, basé lui-même sur une légende autour de la relation entre les deux compositeurs. L’Opéra de Lyon donnera trois autres œuvres courtes, hors les murs, s’inscrivant dans la continuité des années passées. L’Enfant et les Sortilèges donné cette saison a par ailleurs révélé l’efficacité de ce procédé puisque 40% du public y ayant assisté n’étaient encore jamais venus à l’Opéra de Lyon. Seront donc également donnés, Journal d’un disparu de Janacek au TNP, la Belle au Bois dormant d’Ottorino Respighi au Théâtre de la Croix-Rousse et Histoire du soldat de Stravinsky au Radiant-Bellevue, une histoire un peu « faustienne » d’un soldat faisant un pacte avec le diable.
L’opéra de fin d’année sera La Cenerentola de Rossini, dirigé par Stefano Montanari, un chef habitué de la maison lyonnaise, avec Cyrille Dubois pour une prise de rôle en Don Ramillo et Michèle Losier en Angelina, le tout dans une mise en scène de Stefan Herheim. Il s’agit là d’une nouvelle production en coproduction avec l’Opéra d’Oslo qui vient tout juste de le donner, présentant Don Magnifico comme double de Rossini, marionnettiste dirigeant l’œuvre. Une autre nouvelle production suivra celle-ci avec un opéra très rarement joué (il s’agira par ailleurs d’une première en France), à savoir Le Cercle de craie de Zemlinsky dirigé par Lothar Koenigs et mis en scène par Richard Brunel qui avait justement fait ses débuts dans la salle lyonnaise il y a plusieurs années et à qui l’on doit, par exemple, l’Empereur d’Atlantis. Il s’agira toutefois de sa première mise en scène dans la grande salle.
Nous entrerons ensuite dans la période du festival annuel (l'édition 2017 du festival se tient actuellement). Le thème de la saison prochaine sera « Verdi » et mettra en avant trois de ses œuvres : Macbeth, tout d’abord, dans la reprise de la production de 2012 mise en scène par Ivo von Hove. Daniele Rustioni sera à nouveau à la direction (de même que pour les deux autres opéras du festival), Elchin Azizov sera Macbeth et Susanna Branchini son épouse. Deuxième opéra du festival, Don Carlos donné dans sa version française de 1867 en cinq actes, comprenant des musiques généralement coupées. La mise en scène signée Christophe Honoré, à qui l’on doit à Lyon Dialogues des Carmélites ou encore Pelléas et Mélisande, créera cette production qui comptera Michele Pertusi en Philippe II, Sergey Romanovsky en Don Carlos, Stéphane Degout en Rodrigue et Sally Matthew en Elisabeth de Valois, les trois derniers artistes marquant ici leurs prises de rôles respectives. Enfin, le dernier opéra sera en réalité l’opéra donné en novembre en version de concert en coproduction avec le Théâtre des Champs-Elysées, Attila pour la saison prochaine, avec Dmitry Ulyanov dans le rôle-titre.
L’avant-dernier opéra donné rappellera pour sa part le désir de création de l’Opéra de Lyon puisqu’il s’agira d’une commande : GerMANIA, d’Alexander Raskatov (qui n’a écrit jusqu’alors qu’un seul opéra, Cœur de chien en 2014) basée sur les textes d’Heiner Müller (Germania Mort à Berlin et Germania 3, les spectres du Mort-homme). Dix scènes défileront ainsi avec au total pas moins de 37 personnages mis en scène par John Fulljames à qui l’on doit Benjamin dernière nuit donné la saison dernière. L’œuvre est présentée comme un « maelstrom d’humour noir » dans lequel nous retrouverons Hitler (ténor wagnérien) et Staline (basse octaviste).
Enfin, Don Giovanni viendra clore la saison en feu d’artifice dans une nouvelle production sous la baguette de Stefano Montanari et dans la mise en scène de David Marton (Orfeo ef Euridice, La Damnation de Faust). Julien Behr sera un Don Ottavio de luxe à n’en pas douter, Antoinette Dennefeld une Elvira très certainement superbe tandis que Philippe Sly tiendra avec talent, à n’en pas douter, le rôle-titre.
Une saison qui s’annonce donc fort prometteuse avec cinq nouvelles productions (sans compter la création mondiale) sur le total des neufs proposées. Pour sa plaquette (bientôt disponible), l’Opéra a fait appel au photographe Corentin Fohlen afin d’associer des clichés modernes aux œuvres présentées. Une photo du camp de réfugiés de Dadaab à l'est du Kenya, considéré comme le plus grand au monde, sera ainsi l’image choisie pour War Requiem, tandis qu’un cliché représentant la crise à Athènes sera celle pour Macbeth. Considérée comme la deuxième maison d'opéra en France après l'Opéra de Paris, l’Opéra de Lyon poursuit ainsi sa mission qui consiste à la fois à célébrer le grand répertoire, faire découvrir des œuvres rares et participer à la création d’œuvres.
18 mars 2017 | Imprimer
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