Grace Bumbry récompensée du Prix Celletti 2022 au Festival de la vallée d'Itria

Xl_grace-bumbry-prix-rodolfo-celletti-2022 © Clarissa Lapolla

Depuis 1975, le Festival de la vallée d'Itria se tient chaque été à Martina Franca dans les Pouilles italiennes et s’est fait une spécialité de redécouvrir des grandes œuvres méconnues du répertoire belcantiste dans leur version originale et dans le respect des types de voix voulues par leur compositeur. Une volonté initiée par l’un des directeurs artistiques emblématiques de l’événement, le musicologue Rodolfo Celletti, grand spécialiste des voix d’opéra qui voyait dans le Festival l’occasion de mettre en pratique les théories qu’il avait longtemps étudiées.

En hommage au directeur artistique, le Festival de la vallée d'Itria décerne chaque année depuis 2010 le Prix Celletti : un prix qui salue les grandes prestations vocales et « les interprètes sachant manier leur instrument vocal », tantôt capables de lancer les notes les plus hautes sans les crier, tantôt de maîtriser leur souffle dans les airs les plus exigeants. Parmi les titulaires du Prix Celletti, on trouve notamment Ruggero Raimondi en 2016 ou Ramon Vargas l’année suivante. Et cette année, le Prix Rodolfo Celletti 2022 revient à la mezzo-soprano Grace Bumbry, décerné durant l’entracte de la deuxième représentation de Beatrice di Tenda de Bellini, au Palazzo Ducale de Martina Franca (on rendait compte de la production).

Tout au long de sa carrière, Grace Bumbry s’est imposée comme une des chanteuses les plus charismatiques du XXème siècle, à la fois tragédienne exceptionnelle et interprète inoubliable du répertoire verdien, mais qui reste aussi dans les mémoires pour son rôle de Venus au Festival de Bayreuth – première interprète à la peau noire du Festival, heurtant manifestement la sensibilité de certains spectateurs avant que Wieland Wagner n’assène que son « grand-père écrivait pour des couleurs de voix, non pour des couleurs de peau ».

En décernant son prix à Grace Bumbry, le Festival de la vallée d'Itria entendait notamment saluer « une artiste ayant sans aucun doute contribué à une meilleure compréhension de la voix féminine en s’affranchissant des stéréotypes sur ce qu’une soprano ou une mezzo-soprano peut chanter ». Pour mémoire, Grace Bumbry avait interprété le rôle de Norma lors de l’édition 1977 du festival (à l'invitation de Rodolfo Celletti en personne), avec sa tessiture de mezzo et son timbre sombre, tranchant avec l’habitude d’un rôle distribué à des sopranos. Grace Bumbry y faisait alors la démonstration « que chaque voix est unique dans son individualité et que les rôles peuvent être interprétés selon la voix de chacun, sans s’imposer de carcan de catégories théoriques ». Lors de la remise du prix et du haut de ses 85 ans, Grace Bumbry s’est dite « particulièrement honorée d'être présente pour recevoir ce prix prestigieux et d'être la première interprète afro-américaine à avoir cet honneur ».

Crédit photo : Clarissa Lapolla

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