L'association UNiSSON, porte-voix et conseil des artistes lyriques

Xl_unisson © Unisson

Cela n'aura sans doute pas échappé à certains : lors des premières annulations en cascades des productions d'opéra prévues en cette fin de saison, de nombreux artistes lyriques avaient décidé de signer et partager une lettre commune dans laquelle ils lançaient un « cri du coeur » visant à alerter le public mais aussi et surtout le gouvernement sur leur situation dans ce contexte particulier : « Si nous prenons collectivement la parole aujourd’hui c’est que la crise sanitaire actuelle accentue dramatiquement un état de précarité́ et d’isolement dans lequel nous sommes déjà ». Une lettre signée par un nombre important de chanteurs et chanteuses, tels que Roberto Alagna, Ludovic Tézier, Kévin Amiel, Gaëlle Arquez, Benjamin Bernheim, Adèle Charvet, Marianne Crebassa, Nicolas Courjal, Stéphane Degout, Karine Deshayes, Léa Desandre, Sabine Devieilhe, Alexandre Duhamel, Stéphanie d'Oustrac, Patricia Petibon et bien d'autres.

Parallèlement, la ministre allemande de la Culture avait d’ores et déjà annoncé un fonds d’aide d’urgence pour le secteur du spectacle vivant en Allemagne, tandis que d'autres initiatives ont suivi à l'étranger, comme la création du syndicat des Artistes Lyriques d’Espagne (A.L.E). Le monde culturel de l'Espagne a d'ailleurs connu une crise suite à la déclaration maladroite du ministre de la Culture et du Sport espagnol, José Manuel Rodriguez Uribes, considérant que la crise est sanitaire et qu'il « ne s’agit pas d’une crise de la culture, du sport ou du tourisme ». On s'en doute, les propos du ministre ont été mal perçus par les artistes, qui initiaient une « grève de la culture » et la suspension de l'ensemble des diffusions culturelles en ligne les 10 et 11 avril, revandiquant ainsi l'urgente nécessité de mesures face à cette crise exceptionnelle.

En Australie, la soprano Nicole Car a pour sa part lancé Freelance Artist Relief Australia, une levée de fonds visant à pallier aux pertes financières des artistes lyriques australiens freelances, qui ne travaillent plus suite aux mesures sanitaires visant à endiguer la pandémie de Covid-19 (voir sa vidéo sur Twiter). Une initiative suivie puisqu'elle aurait déjà permi de récolter plus de 150 000 dollars (sur le million visé). Un site officiel a par ailleurs été créé afin de contribuer à cette initiative, ainsi qu'un compte Twitter. Quant à la somme perçue, elle sera reversée aux artistes australiens selon différents critères, comme le coût de la vie ou le facteur environnemental, et ne couvriront que les performances touchées à partir du 16 mars 2020.

Quid donc de la situation en France depuis la lettre citée plus haut ? Pas de grève à l'horizon, mais la création d'un collectif UNiSSON (à ne pas confondre avec les nombreuses associations du même nom), né de celle fameuse lettre du 15 mars. L'association compte parmi ses membres d'honneur Roselyne Bachelot, Arlette Chabot, Patrick Poivre d'Arvor, Maryvonne de Saint-Pulgent, Andréa Ferréol ainsi que Jack Lang. Ce dernier a, selon les termes du communiqué diffusé hier, « adressé au ministre de la Culture une lettre portant à son attention les disparités de traitement entre les salariés du monde du spectacle et les autres salariés ». En effet, Unisson s'est fixé pour mission de porter le message des artistes lyriques et d'oeuvrer au mieux de leurs intérêts sans pour autant oublier leurs « employeurs » : « Nous souhaitons assurer le respect de nos droits, en veillant à ne pas mettre en danger les institutions culturelles qui nous emploient ». Un projet qui s'inscrit non seulement dans l'immédiat, mais aussi à plus long terme pour « l'après », et qui souhaite apporter des propositions afin de participer à la construction de l'opéra de demain :

"Nous sommes un collectif : l'entraide professionnelle, l'écoute et l'assistance aux artistes seront nos priorités. Nous créerons un fonds de soutien pour les situations les plus urgentes. Nous observerons l'ensemble des pratiques professionnelles et inventerons des alternatives quand elles seront nécessaires. Il est clair pour nous que la vie artistique de demain devra contrôler sa frénésie de déplacements et que le combat contre la précarité des artistes brutalement révélée aujourd’hui devra concentrer tous nos efforts. Nous souhaitons ainsi replacer la question des troupes au centre de la discussion collective."

Un message déjà plusieurs fois relayé par de nombreux artistes, comme Roberto Alagna ou Stéphane Degout, et qui révèle notamment les limites du statut d’intermittent – qui assure en principe un revenu aux artistes et techniciens du spectacle entre deux engagements, mais à condition d’avoir suffisamment travaillé pour ouvrir des droits et les conserver. Dans le contexte actuel où le monde de la culture est totalement gelé, manifestement pour au moins plusieurs mois, on comprend l’appel à l'aide des artistes et le casse-tête que les autorités devront entendre et parvenir à résoudre. 

Communiqué d'Unisson du 14 avril complet :

"Depuis un mois et le début de la crise du Covid-19, de nombreux artistes lyriques domiciliés en France ont uni leurs forces et s'expriment désormais d'une voix commune, portée par la toute jeune association UNiSSON. Passé le choc initial de l'annulation de tous nos concerts et représentations, s'est posée la question de notre subsistance matérielle et de notre éligibilité au chômage partiel. Or nous faisons face à un certain flou juridique, doublé d'une difficulté d'accès aux données et d'un manque de lisibilité des obligations légales de nos employeurs. UNiSSON s'est immédiatement attaché à clarifier cette situation et à formuler des propositions, tout en amorçant une réflexion sur l'évolution de nos professions et de nos statuts.
Les retombées économiques de la vie culturelle ne sont plus à prouver. Le confinement fait apparaître comme jamais combien la culture est au centre de nos existences : nous y retrouvons le sens du partage et des rencontres qui nous manque tant aujourd’hui. Mais la réalité de nos métiers est loin de l'image dorée que le public s'en fait parfois, et la crise sanitaire et ses retombées risquent de nous porter un coup fatal. C'est aussi en prévision de l'après-crise, parce que les choses ne pourront plus fonctionner de la même façon, que les artistes se rassemblent pour penser l'avenir de la vie culturelle.
Mais, pour cela, il faut d'abord surmonter la crise actuelle, et nos premières actions consistent à trouver face aux difficultés présentes des solutions acceptables par tous les acteurs.
À l'instar des artistes signataires de la lettre ouverte du 15 mars, acte fondateur d'UNiSSON, de nombreuses personnalités du monde politique et culturel ont rejoint notre cause : nous comptons parmi nos membres d'honneur Roselyne Bachelot, Arlette Chabot, Patrick Poivre d'Arvor, Maryvonne de Saint-Pulgent, Andréa Ferréol ainsi que Jack Lang qui a adressé au ministre de la Culture une lettre portant à son attention les disparités de traitement entre les salariés du monde du spectacle et les autres salariés.
Nous souhaitons assurer le respect de nos droits, en veillant à ne pas mettre en danger les institutions culturelles qui nous emploient. Or, si le droit nous garantit le minimum du chômage partiel (70% de la rémunération brute), son versement peut s'avérer problématique pour beaucoup de structures, indépendamment de leur taille ou statut juridique (Régie publique, EPIC ou association de droit privé). De plus, en raison du mode de rémunération spécifique par cachet, les employeurs se heurtent, dans certains cas, à un reste à charge important, ce qui entraîne une réticence à recourir au chômage partiel. Pour qu’ils ne portent pas seuls cette charge, nous proposons que le calcul du plafond de l'allocation soit ajusté au système de rémunération par cachet, qui diffère du calcul horaire ou mensuel, afin que l'État diminue leur reste à charge (proposition à laquelle nous invitons vivement les agents et nos employeurs à s’associer).
La prise en charge du chômage partiel par l'État est vitale pour notre secteur. En accordant cette protection à nos employeurs, l'État aide l'ensemble des artistes et techniciens ainsi que tous les secteurs qui bénéficient des retombées économiques de l'activité culturelle. L'État assurera ainsi la rapidité de la reprise, le moment venu.
Le collectif UNiSSON est naturellement mobilisé sur ces enjeux urgents, mais nous n'oublions pas que si nous nous retrouvons dans cette situation aujourd'hui, c'est que la crise du Covid-19 met en lumière les imperfections du modèle économique de notre secteur, ainsi que l’extrême précarité d'un grand nombre de ses forces vives. Nous avons bien conscience que l'après ne pourra pas ressembler à l'avant et nous nous rassemblons aujourd'hui pour participer activement à la construction de l'opéra de demain.
UNiSSON se propose de regrouper les artistes lyriques et à terme tous les artistes indépendants de la musique classique afin de leur offrir un lieu d'échange et de dialogue. Nous sommes un collectif : l'entraide professionnelle, l'écoute et l'assistance aux artistes seront nos priorités. Nous créerons un fonds de soutien pour les situations les plus urgentes. Nous observerons l'ensemble des pratiques professionnelles et inventerons des alternatives quand elles seront nécessaires. Il est clair pour nous que la vie artistique de demain devra contrôler sa frénésie de déplacements et que le combat contre la précarité des artistes brutalement révélée aujourd’hui devra concentrer tous nos efforts. Nous souhaitons ainsi replacer la question des troupes au centre de la discussion collective.
Tous ces changements seront pensés, discutés, élaborés au sein d'UNiSSON, mais aussi en collaboration avec tous les acteurs du secteur : syndicats, employeurs, agents, tutelles et mécènes.
"

Plus d'informations disponibles sur les comptes Twitter, Instagram (@UNiSSON_asso) ou Facebook officiels de l'association.

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