Pour l’amateur d’opéra, le Metropolitan Opera est une maison ambivalente : l’opéra new-yorkais se classe évidemment parmi les établissements emblématiques majeurs outre-Atlantique et bénéficie d’un rayonnement mondial hors norme, notamment en s’imposant comme l’un des pionniers de la diffusion d’opéra à travers le monde – au cinéma ou en ligne. Mais le Met connait aussi des difficultés financières, peine à remplir sa salle immense, et traine la réputation de proposer une programmation qui se renouvelle peu (autant du fait de son équipe artistique restée presque inchangée pendant 40 ans que du goût des spectateurs new-yorkais férus de classicisme).
Dans ce contexte, le Met Opera vient de dévoiler le détail de sa saison 2019-2020, la seconde placée sous l’égide de son nouveau jeune directeur musical Yannick Nézet-Séguin (qui succède à James Levine), et si la programmation de la saison à venir se renouvelle encore peu, elle a au moins le mérite d’afficher une certaine ambition de modernité et d’attirer comme toujours quelques-unes des plus grandes voix de la scène lyrique.
Pour sa prochaine saison, le Met annonce ainsi cinq « nouvelles » productions – pour l’essentiel, des coproductions déjà vues en Europe mais que les lyricomanes new-yorkais pourront donc découvrir pour la première fois.
La saison 2019-2020 du Met s’ouvrira le 23 septembre avec Porgy and Bess, de Gershwin, dans la mise de James Robinson. La production est inédite à New York mais déjà vue à Londres : à New York, Eric Greene reprendra le rôle de Porgy dans lequel « il excelle », mais Nicole Cabell (Bess à Londres) laisse la place à la jeune Angel Blue, qu’on pourra notamment découvrir au Festival d’Aix en Provence l’été prochain. Et comme à Londres, le Met souligne faire appel à un chœur composé intégralement d’interprètes afro-américains.
Toujours au rang des « nouvelles » productions déjà données à Londres, le Met fait entrer Akhnaten à son répertoire. L’opéra de Philip Glass sera donné à partir du 8 novembre dans la mise en scène de Phelim McDermott qui nous impressionnait récemment à Londres : Anthony Roth Costanzo, « qui semble né pour incarner le pharaon égyptien », reprend le rôle-titre et la cheffe Karen Kamensek, tout aussi « exceptionnelle » à Londres, fera là ses débuts dans la fosse new-yorkaise.
À partir du 27 décembre, le Met enchaine avec Wozzeck, d’Alban Berg, dans la mise en scène de William Kentridge inaugurée au Festival de Salzbourg en 2017 et là aussi, la production enthousiasmait. Pour autant, si le Met reprend la production, il en renouvelle significativement le plateau vocal : on retient notamment que Peter Mattei interprétera le rôle-titre pour la première fois sur scène face à la Marie d’Elza van den Heever (succédant ainsi à la révélation Asmik Grigorian du festival de Salzbourg).
À partir du 6 février 2020, le public new-yorkais pourra découvrir Agrippina, de Handel, donné pour la première fois au Met. L’établissement fait le choix de proposer une « recréation » de la production de Sir David McVicar, créée initialement à la Monnaie de Bruxelles en 2000, ici avec Joyce DiDonato dans le rôle de l’impératrice Agrippina (qu’elle interprétera à Madrid, Barcelone puis Paris en mai prochain). Puis enchainera le 2 mars avec Le Vaisseau Fantôme, de Wagner, avec notamment Anja Kampe en Senta et Bryn Terfel – dans une partition qu'il connaît parfaitement pour l'avoir déjà interprétée à de nombreuses reprises. Valery Gergiev dirigera la fosse tandis que cette nouvelle production marquera le retour à New York du metteur en scène français François Girard, absent depuis son Parsifal de 2013 (repris ici-même en février 2018).
La maison américaine ne sera pas non plus avare en reprises, puisqu'elle en proposera une vingtaine dont la Manon mise en scène par Laurent Pelly avec Lisette Oropesa, ou bien La Bohème en octobre dirigée par Marco Armiliato et Emmanuel Villaume. De grands interprètes se partageront la distribution vocale pour l'occasion : Matthew Polenzani, Roberto Alagna, et Joseph Calleja interprèteront tour à tour Rodolfo tandis que Mimi apparaîtra sous les traits tantôt d'Ailyn Pérez, tantôt de Maria Agresta. Autre grand nom attendu, celui d'Anna Netrebko qui reprendra le rôle de lady Macbeth dans lequelle elle avait déjà envoûté la salle dans cette même production en 2014. Elle se trouvera pour la première fois face à Plácido Domingo dans le rôle-titre avant de retrouver Željko Lučić déjà présent il y a cinq ans, ainsi qu'Ildar Abdrazakov en Banquo. La soprano russe reprendra également un rôle qu'elle a chanté dernièrement dans une production qui sera également reprise en mars : la Tosca imaginée par David McVicar dans laquelle elle fut grandement accalamée.
Le Nozze de Figaro signées par Richard Eyre seront l'occasion pour Gaëlle Arquez et Marianne Crebassa de faire leurs débuts sur la scène mythique du Met en novembre dans le rôle de Cherubino qu'elles se partageront, face à Nadine Sierra, tandis que le mois suivant, ce sera au tour de la fameuse production de Der Rosenkavalier imaginée par Robert Carsen avec entre autre Camilla Nylund et Magdalena Kožená.
La Traviata de Michael Mayer, créée cette saison, reviendra également en janvier avec cette fois-ci Aleksandra Kurzak dans le rôle tragique de Violetta face au bel Alfredo de Dmytro Popov et au Germont acclamé de Quinn Kelsey, avant que la distribution ne change plus tard pour accueillir à nouveau Lisette Oropesa, Vittorio Grigolo, et Luca Salsi. La Damnation de Faust de Robert Lepage fera aussi son retour avec le saisissant trio formé par Bryan Hymel, Elīna Garanča et Ildar Abdrazakov, tandis que Piotr Beczała reprendra le rôle de Werther dans lequel nous l'avons entendu à Paris ou à Barcelone face à la Charlotte de Joyce DiDonato.
Diana Damrau sera elle aussi présente cette saison, dans la reprise de Maria Stuarda (également signée David McVicar) face à Jamie Barton et Michele Pertusi. N'oublions pas également un retour très attendu de Sonya Yoncheva dans la reprise de Manon Lescaut imaginée par Richard Eyre où Marcelo Álvarez reprendra le rôle du Chevalier des Grieux.
Si le cœur de la programmation de cette saison 2019-2020 du Metropolitan Opera reste comme souvent articulé autour des fondamentaux de la maison new-yorkaise, que ce soit en terme d’œuvres ou de productions portées par quelques-uns des plus grands interprètes du moment, et que le nombre de nouveautés est ici réduit à portion congrue (des nouvelles productions qui n’en sont pas tout à fait et cette saison, le Met ne propose aucune création), on constate néanmoins que la maison new-yorkaise ouvre progressivement son répertoire à des œuvres récentes, voire contemporaines – l’emphase de la saison est mis sur Porgy and Bess, Wozzeck et Akhnaten. Une façon, peut-être, de moderniser la programmation d’un temple historique du classicisme – en attendant de découvrir si le public new-yorkais répond présent à cette tentative de renouvellement. D'ici là, cette saison 2019-2020 est détaillée sur le site officiel du Metropolitan Opera.
Commentaires