Dans le cadre de la Cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024, le ténor franco-suisse Benjamin Bernheim interprétait une version modernisée de L'Hymne à Apollon. Un ancien chant grec antique retrouvé à Delphes à 1893, et qui reste l’un des rares témoignages de la musique des Grecs de l’antiquité.
Au cours des deux dernières semaines, Paris a vécu au rythme des Jeux Olympiques 2024 et ce chapitre à la fois sportif et festif se refermait hier soir au terme d’une Cérémonie de clôture faisant la part belle à la musique. Parmi les images de la soirée, on retiendra par exemple Zaho de Sagazan chantant Sous le ciel de Paris au soleil couchant dans le jardin des Tuileries, la chanteuse belge Angèle accompagnée du groupe Phoenix et du DJ Kavinsky pour enflammer le Stade de France avec Nightcall ou encore Yseult reprenant un impressionnant My Way de Franck Sinatra devant les plus de 70 000 spectateurs de l’événement sur place – pour 17,1 millions de téléspectateurs en moyenne à la télévision.
Comme la Cérémonie d’ouverture, cette Cérémonie de clôture des Jeux de Paris faisait aussi une place à la musique classique. Jouant à domicile en Seine-Saint-Denis, en veste noire et baskets blanches, Zahia Ziouani et les 70 musiciens de son ensemble Divertimento faisaient notamment résonner une Marseillaise réarrangée : sous la baguette de la cheffe d’orchestre, l’hymne national parfois jugé guerrier prenait ici une tonalité étonnamment douce, d’abord à peine murmuré par une flûte traversière solo avant qu'elle ne soit progressivement rejointe par l’ensemble de l’orchestre et des chœurs.
Des Jeux olympiques antiques aux Jeux olympiques modernes
Lors de cette Cérémonie de clôture, le chant lyrique était néanmoins aussi défendu par Benjamin Bernheim. Le ténor franco-suisse y interprétait l’Hymne à Apollon, chant antique peu connu, accompagné au piano par Alain Roche – jouant de son instrument « en apesanteur », suspendu au-dessus de la scène dans un costume fait de bandes VHS.
On le sait, la cérémonie imaginée par Thomas Jolly mettait en scène le parcours d'un « Golden Voyageur » de science-fiction, personnage venu d’un lointain futur et redécouvrant les vestiges des Jeux olympiques pour mieux les recréer. L’Hymne à Apollon s’inscrit doublement dans ce contexte : l’œuvre est un chant grec antique faisant écho à l’époque des premiers jeux olympiques, et suite à sa redécouverte à Delphes par les archéologues de l’École française d’Athènes en 1893, elle était également donnée l’année suivante à Paris dans une harmonisation inédite de Gabriel Fauré à l’occasion du congrès qui consacra la création des Jeux olympiques modernes.
Un double symbole justifiant sa reprise hier soir, cette fois dans une nouvelle version modernisée par Victor Le Masne, le directeur musicale de la cérémonie, de sorte de l’inscrire dans la tonalité de la soirée, tout en respectant l’identité vocale opératique de Benjamin Bernheim.
L’Hymne à Apollon, ou la redécouverte de la musique des Grecs de l’Antiquité
On a ainsi (re)découvert une œuvre étonnante et langoureuse, presque plaintive, manifestement représentative de la musique des Grecs de l’antiquité. Car si l’architecture, la sculpture ou la littérature de l’antiquité nous sont parvenues, la musique des Grecs d’alors n’a quasiment pas passé les suffrages du temps. Il aura fallu attendre 1893 pour retrouver le texte et surtout les 80 mesures de cet Hymne à Apollon, gravées sur les plaques de marbre du Trésor des Athéniens dédié à Apollon, à Delphes. À la fin du XIXe siècle, le texte sera transcrit par les hellénistes Théophile Homolle et Henri Weil (dévoilant une ode à la divinité des arts et aux muses), alors que l'on doit le déchiffrement de la partie musicale à Théodore Reinach. Gabriel Fauré travaillera ensuite à une nouvelle harmonisation de l'ouvrage – qui a fait l'objet d'enregistrements, notamment par Cyrille Dubois
La version modernisée de l’Hymne à Apollon par Victor Le Masne s’adresse à un public plus contemporain : l’ouvrage a donc été réduit, incluant davantage de respirations et laissant plus de place au piano d’Alain Roche, afin de rendre l’œuvre plus actuelle et de mieux l’inscrire dans la tonalité de la soirée. Elle reste néanmoins un témoignage de la musique antique.
Benjamin Bernheim lui a redonné vie le temps d’une soirée, à une heure de grande écoute – entre deux répétitions des Contes d’Hoffmann au Festival de Salzbourg. Le ténor interprète le rôle-titre dans la nouvelle production de Mariame Clément, qui fait du poète Hoffmann un réalisateur de cinéma, amoureux de ses actrices. La première est attendue demain 13 août au Grosses Festspielhaus de Salzbourg.
publié le 12 août 2024 à 08h04 par Aurelien Pfeffer
12 août 2024 | Imprimer
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