Samedi en fin de matinée, Serge Dorny (dont nous avons récemment appris le départ pour Munich en 2021) présentait la prochaine saison de l’Opéra national de Lyon, après cette année couronnée de succès qui l’a vue notamment remporter le titre de « maison d’opéra de l’année » au International Opera Awards 2017.
Selon les mots du directeur, « cette saison correspond parfaitement à l’identité artistique de l’Opéra de Lyon », considérant que le répertoire est comme un jardin dont il convient de présenter les « fleurs et les fruits plus rares » au public, mais aussi une création, dans la mesure où ce sont les créations d'opéra qui font de l'art lyrique un art vivant. La nouveauté et la découverte seront donc les maîtres mots de cette saison qui présentera au public non seulement des œuvres rares parmi d’autres plus courantes, mais aussi confiées à des interprètes parfois encore jamais venus à Lyon, voire en France (comme Andriy Zholdak). Et comme souvent à Lyon, l’accent est également mis sur la jeunesse avec notamment de jeunes chefs d’orchestre talentueux. Pour Serge Dorny, « il est important que l’on se dépasse, que l’on fasse grandir cette institution », ce qui semble bien résumer la programmation.
La saison s’ouvrira donc par une rareté puisqu’il s’agit de Mefistofele d’Arrigo Boito qui n’a connu en France au cours des dernières décennies que trois représentations en concert en 1989 (en attendant néanmoins la programmation de l'oeuvre cet été à Orange dans une autre production). Pour la mise en scène, la maison lyonnaise fait appel à un nom que le public connaît bien, Alex Ollé et la Fura dels Baus ayant déjà travaillé sur Tristan et Isolde en 2011 ou encore sur un formidable Vaisseau Fantôme en 2014 (lire notre chronique). Ici, le rôle-titre sera tenu par John Relyea aux côtés de Paul Groves dans le rôle de Faust (également entendu dans War Requiem qui ouvrait cette saison) et d’Evgenia Muraveva dans ceux de Margherita et Elena.
Leo Nucci ; © DR
Cette nouvelle production, en coproduction avec le Staatstheater de Stuttgart et l’Opéra de Rome, sera suivi du traditionnel opéra en version de concert qui poursuivra le cycle Verdi avec Nabucco (avant Ernani la saison suivante), dirigé par Daniele Rustioni et avec Leo Nucci en Nabucco face à Anna Pirozzi en Abigaïlle un face-à-face que nous avions entendu en 2016 à Monte-Carlo. Une nouvelle production de L’Heure espagnole sera ensuite donnée dans la mise en scène de James Bonas et Grégoire Pont qui avaient déjà magistralement réinventé L’Enfant et les sortilèges en 2016. Le choix de cet opéra court est délibéré car il a pour but de faciliter l’accès à l’opéra pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore l'art lyrique.
L’œuvre de fin d’année a pour sa part de quoi ravir et promet de grands espoirs : Rodelinda dans une mise en scène de Claus Guth qui viendra pour la première fois à Lyon. Stefano Montanari, grand habitué des lieux, dirigera l’orchestre tandis que nous retrouverons sur scène Sabina Purtolas dans le rôle-titre, elle qui revient à Lyon après la grandiose Juive d'Olivier Py où elle tenait le rôle de la Princesse Eudoxie (lire notre chronique). Deux autres noms sont à retenir dans cette distribution : Jean-Sébastien Bou en Garibaldo et en Eduige Sara Mingardo que nous avions qualifiée « d’interprète d'exception » après qu’elle nous a bouleversé dans le rôle de Néris à Genève.
Krzysztof Warlikowski ; © DR
Autre metteur en scène à faire ses débuts sur la scène lyonnaise, Krysztof Warlikowski sera chargé de la nouvelle production de De la maison des morts de Janacek dans lequel Sir Willard White tiendra le rôle d’Alexandre Petrovitch Gorjantchikov. Il s’agit là d’une coproduction notamment avec la Royal Opera House où nous avons déjà pu la découvrir. Jean Lacornerie sera de retour au Théâtre de la Croix-Rousse (en partenariat avec l’Opéra) pour Roméo et Juliette de Boris Blacher, sorte de condensé dramatique au plus près de l’œuvre de Shakespeare. Il s’agit là de la reprise de la production créée en 2015.
Arrivera ensuite le mois de mars marqué chaque année par le festival annuel de l’Opéra de Lyon (comme c’est le cas actuellement). Le thème retenu pour 2019 est « Vie et Destins » et regroupe L’Enchanteresse de Tchaïkovski, Un Didon et Enée de Purcell (et Kalle Kalima) ainsi que Le Retour d’Ulysse, soit deux nouvelles productions et une reprise. Le premier sera l’occasion pour Lyon (et la France) de découvrir le travail du metteur en scène d’origine ukrainienne Andriy Zholdak (cité plus haut) qui a suivi l’enseignement d’Anatoli Vassiliev. S’il n’a encore que peu de mises en scène d’opéra à son actif, Serge Dorny décrit son travail comme se rapprochant de la « vision d’un peintre ». L’esthétique devrait donc être au rendez-vous pour cet opéra composé six ans seulement avant la mort du compositeur. Le Didon et Enée de Purcell sera pour sa part complété musicalement par Kalle Kalima, un guitariste de jazz qui a déjà quelques compositions classiques à son actif, afin d’offrir une lecture polyphonique de l’œuvre mise en scène par David Marton – on se souvient qu'il avait déjà marqué les esprits lyonnais avec son Orfeo ed Euridice en 2015 ainsi que sa Damnation de Faust la saison suivante, et qui clôturera la saison actuelle avec Don Giovanni. Le plateau fera la part belle à la jeunesse, réunissant Alix Le Saux, Guillaume Andrieux, Claron McFadden (entendu dans le cadre du festival de l’Opéra de Lyon en 2015) et Erika Stucky. Enfin, la reprise de la production du Retour d’Ulysse de William Kentridge créée en 1998 clôturera ce festival avec ses décors en bois et mêlant chanteurs, marionnettes, dessins et vidéos.
Stéphane Degout ; © Julien Benhamou
Le traditionnel spectacle mettant en avant l’excellente Maîtrise de l’Opéra de Lyon se tiendra en avril en partenariat avec le Théâtre de La Renaissance à Oullins où cette production des Enfants du Levant d’Isabelle Aboulker aura lieu. Le mois suivant verra se jouer la création de Lessons in Love and Violence de George Benjamin (le compositeur de Written on skin créé au Festival d'Aix-en-Provence en 2012 et régulièrement donné depuis comme à l’Opéra Comique en 2013 ou à Londres en 2017), inspiré de l’univers du théâtre schakespearien et mettant en scène un roi amené à prendre une décidion fatale conduisant son royaume à la guerre, alors que sa femme et son fils s'opposeront à lui, avant que le fils ne soit amené à « exécuter un acte de violence terrifiant devant sa mère ». La mise en scène sera signée Katie Mitchell (qui a déjà travaillé avec le compositeur et à qui l’on doit dernièrement Miranda à l’Opéra Comique), également présente pour la première fois à Lyon. Sous la directoin d’Alexandre Bloch, Stéphane Degout (actuellement à Lyon pour Don Carlos) tiendra le rôle du roi et Samuel Boden celui du Jeune Roi et du Garçon.
Enfin, la saison qui a débuté par une rareté finira par une autre rareté : celle de Barbe-Bleue d’Offenbach, bien loin de l’œuvre de Bartok, dirigé par Michele Spotti qui fera ici ses débuts en France et mis en scène par Laurent Pelly qui nous avait déjà régalé avec une autre rareté d’Offenbach, Le Roi Carotte (repris à Lille en février dernier) et qui avait déjà clos dans un bel éclat de rire la saison dernière avec Viva la mamma ! (lire notre chronique). Yann Beuron tiendra le rôle-titre.
Outre cette riche programmation lyrique, notons également la présence de Sandrine Piau, Véronique Gens et Felicity Lott pour trois récitals les 18 et 23 septembre, ainsi que le 30 décembre. Encore une fois, l’Opéra de Lyon se montre à la hauteur de sa réputation tout en maintenant sa politique d’ouverture et d’accessibilité. Difficile de ne pas y trouver son compte !
19 mars 2018 | Imprimer
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