Samedi matin se tenait à l’Opéra de Lyon, dans la salle de danse en haut de la coupole, la conférence de presse présentant le prochaine saison, toujours sous l’égide de Serge Dorny en poste jusqu’en 2021. Une saison qui s'inscrit dans la continuité de sa politique, laissant place à de grands titres du répertoire et d’autres plus rares à (re)découvrir, tout en promouvant la création et l’opéra d’aujourd’hui. Pour le directeur, il faut explorer les frontières du genre afin de faire entrer l’opéra en résonnance avec notre monde et notre actualité.
Toutefois, si la création et la commande sont des marqueurs de la maison lyonnaise depuis longtemps, cela engendre paradoxalement quelques absences d’œuvres du grand répertoire qui feront leurs grand retour dans la capitale des Gaules, comme Tosca et Rigoletto qui, bien que faisant partie des opéras les plus programmés au monde, ont été donnés pour la dernière fois respectivement en 1979 et 1976 à Lyon ! En coproduction avec le festival d’Aix-en-Provence où elle sera donnée cet été, Tosca sera l’occasion pour Christophe Honoré de revenir sur cette scène qui lui avait confié sa première mise en scène d’opéra (Dialogues des Carmélites en 2013-2014), mais aussi ensuite d’autres productions, comme Pelléas et Mélisande en 2015 ou Don Carlos l’an passé. Daniele Rustioni sera pour sa part à la tête de la fosse. Si Michael Smallwood, Alexey Markov et Angel Blue (en double de Catherine Malfitano) reprennent leurs rôles de Spoletta, Scarpia et Tosca, Joseph Calleja sera pour sa part remplacé par Massimo Giordano en Mario Cavaradossi. Le partenariat avec le festival devrait d’ailleurs se poursuivre en juillet 2020 avec Le Coq d’or.
Quant à la nouvelle production de Rigoletto, elle ouvrira le festival 2020 « La nuit sera noire et rouge ». La mise en scène sera signée par Axel Ranisch, homme d’images, à l'occasion de sa première réalisation en France. Roberto Frontali tiendra le rôle-titre aux côtés de la Gilda de Nina Minasyan sous la baguette de Michele Spotti. Pour compléter la programmation du festival, l'Opéra de Lyon propose deux œuvres bien moins connues : d'abord Irrelohe de Franz Schreker, une « œuvre singulière dont les personnages agissent comme ceux du Trouvère et concluent leur destin dans les flammes, en héros du Crépuscule des dieux » ; et ensuite ses Stigmatisés donnés lors du festival de 2015 – la maison associe au compositeur le metteur en scène David Bösch, tandis que Bernhard Kontarsky sera à la baguette, lui qui avait notamment dirigé la création mondiale de Benjamin, dernière nuit déjà à Lyon en 2016. Stephan Rügamer tiendra le rôle du Comte Heinrich, Piotr Micinski celui du garde forestier et Deirdre Angenent celui d’Eva. Enfin, La Lune de Carl Orff, « petit théâtre du monde en un acte », clôturera le festival tout en inaugurant un nouveau partenariat avec le Théâtre du Point du Jour dans une version pour deux pianos, orgue et percussions. Pour cette œuvre qui tient du conte initiatique, l’Opéra de Lyon fait appel à un duo qui a déjà enchanté son public, James Bonas et Grégoire Pont, notamment dans L’Enfant et les sortilèges en 2016 (qui sera d’ailleurs repris en novembre sous la baguette de Titus Engel), puis dans L’Heure espagnole en 2018.
Troisième des grands classiques donnés cette saison, Les Noces de Figaro clôtureront l’année dans une scénographie d’Olivier Assayas qui signera ici sa première mise en scène d’opéra tandis qu’un grand habitué de la direction lyonnaise, Stefano Montanari, sera à la fosse. Nikolay Borchev sera le comte Almaviva, Mandy Fredrich son épouse, Alexander Miminoshvili reprendra le rôle de Figaro qu’il interprètera en juin prochain à Zürich face au Chérubin de Giuseppina Bridelli et à la Susanna de Katharina Konradi. C’est toutefois par une autre nouvelle production que s’ouvrira la saison : Guillaume Tell sera donné dans sa version originelle en français dans une mise en scène de Tobias Kratzer qui fera ses débuts sur la scène lyrique française soutenu musicalement par Daniele Rustioni. Nicola Alaimo tiendra le rôle-titre, de même qu’il le fera à Orange cet été. Cet écho entre les deux scènes rappelle le début de cette saison où Mefistofele était également donné peu après la production des Chorégies. Ici, Enkelejda Shkoza tiendra le rôle d’Hedwige, Jennifer Courcier celui de leur fils, John Osborn celui d’Arnold et Jean Teitgen celui de Gesler.
Novembre laissera place à la traditionnelle version concertante de Lyon en coproduction avec le Théâtre des Champs-Elysées, poursuivant le cycle Verdi avec Ernani, après Attila l’an passé. Toujours sous la direction du chef attitré de la maison lyonnaise, Francesco Meli tiendra le rôle-titre face au Don Carlo d’Amartuvshin Enkhbat qui nous avait enthousiasmé dans Nabucco en novembre 2018, au Don Ruy Gomez de Silva de Roberto Tagliavini et à l’Elvira de Carmen Giannattasio.
Mai sera pour sa part le mois de la création avec celle de Shirine, commandé à Thierry Escaich (à qui l’on doit déjà Claude, son premier opéra créé en 2013 sur un livret de Robert Badinter), inspiré d’un conte perse du XIIe siècle de Nezâmî de Gandjeh, qui a déjà inspiré un film à Abbas Kiarostami. Shirine « raconte l’histoire de l’amour impossible qui unit Khosrow, roi de Perse, et Shirine, princesse chrétienne d’Arménie : une épopée s’étendant sur trois générations, riche de mille péripéties et rebondissements, rythmée par des images très fortes, marquée du signe de la malédiction et de la mort ». Le plateau vocal réunira Julien Behr, Hélène Guilmette, Jean-Sébastien Bou, Elodie Méchain et Laurent Alvaro sous la direction de Martyn Brabbins tandis que Richard Brunel sera en charge de la mise en scène.
Nous retrouverons Jean Lacornerie, cette fois en compagnie de Raphaël Cottin, pour mettre en scène The Pajama Game, musical ayant fait sa première le 13 mai 1954 et s’inspirant de 7 ½ Cents. Dans une usine de pyjama, des ouvrières réclament une augmentation de salaire de 7 centimes et demi tandis que le patron tient une double comptabilité. Une lutte sociale de fond qui rappelle l’opéra syndical 7 Minuti créé cette année à Nancy… Autre titre anglais, I was looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky de John Adams, une « histoire en chansons » créée en 1995 en Californie dans une mise en scène de Peter Sellars, mais ici, c’est une nouvelle production de Macha Makeïeff que proposera la maison lyonnaise. Enfin, Samuel Achache mettra en scène Gretel et Hänsel en avril ; « en inversant les préséances, le compositeur Sergio Menozzi et l’écrivain Henri-Alexis Baatsch portent l’attention sur Gretel dont la ruse saura vaincre la vilaine fée », et le choix est fait de laisser l’interprétation des deux héros, de Marchand de sable et de Bonhomme Rosé, à des enfants afin d’être au plus près du conte.
Enfin, l’une des très rares reprises de cette saison principalement composée de nouvelles productions (au nombre de dix pour trois reprises seulement) est particulièrement attendue depuis sa création en 2015 puisqu’il s’agit du Roi Carotte hilarant mis en scène par Laurent Pelly. Sous la direction d’Adrien Perruchon, le plateau d’origine est presque entièrement réuni : Christophe Mortagne, Julie Boulianne, ou encore Yann Beuron retrouveront leurs personnages haut en couleur, tandis que Boris Grappe troquera Truck pour Piepertrunk (initialement tenu par Jean-Sébastien Bou) tandis que Christophe Gay le remplacera en Truck. Autre changement, celui de Cunégonde à l’origine sous les traits d’Antoinette Dennefeld sera interprété par Catherine Trottmann pour cette production festive de fin d’année.
Côté concerts, il faudra compter sur divers rendez-vous musicaux mais aussi sur un récital Vivaldi de Marie-Nicole Lemieux accompagnée par l’Orchestre de l’Opéra de Lyon sous la direction de Stefano Montanari le 24 novembre, un récital Ian Bostridge le 1er décembre, ou encore un Concert Mahler/Mendelssohn en compagnie de la soprano Erika Baikoff.
Une saison des plus enthousiasmantes qui marque la volonté de création, de renouveau et de découvertes de l’Opéra national de Lyon qui ose, par le biais de Serge Dorny, mettre sur le devant de la scène des œuvres et des talents encore méconnues en France.
18 mars 2019 | Imprimer
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