Pour raconter une histoire, il faut une page blanche. La saison 2021-2022 de l’Opéra national du Rhin surgit comme un arc-en-ciel après la pluie, qui à ses pieds laisse entrevoir un trésor porteur. Et comme les intrigues d’opéra et les narrations chorégraphiques s’adressent à un public, la maison alsacienne étend son partage de la musique au-delà de ses points d’ancrage habituels pour mieux s’intégrer à notre époque.
Toutes les histoires ont un début. Commençons par les trois créations françaises du programme. La Reine des neiges de Hans Abrahamsen fera se lever le rideau dès septembre, pendant le Festival Musica (fort de Schnee, du même compositeur, et d’une « installation immersive » d’Alexander Schubert). Après une première mondiale à Copenhague en 2019, Strasbourg et Mulhouse reprennent la version en anglais interprétée à la Bayerische Staatsoper depuis lors. Cette musique livrée délibérément aux éléments de la nature, sera dirigée par Robert Houssart pour suivre le périple de la jeune Gerda (Lauren Snouffer), partie secourir son ami Kay (Rachael Wilson) de la Reine des neiges (David Leigh). Elle croisera la route de corneilles (Michael Smallwood et Owen Willetts), d’une vieille dame (Helena Raskerv), d’un prince (Moritz Kallenberg) et d’une princesse (Floriane Derthe). Ce conte d’Andersen sera revisité par James Bonas, dans un univers aux images animées. Remontons le temps jusqu’en 1920 : Les Oiseaux, de Walter Braunfels (dont nous avions vu une production de Frank Castorf en livestream en octobre), fera retentir une comédie d’Aristophane au chant des personnages humains de Tuomas Katajala et Cody Quattlebaum, qui s’installeront chez les populations aviaires de Christoph Pohl, Marie-Ève Munger, Julie Goussot et Antoin Herrera-López Kessel. Le spectacle sera défendu par Ted Huffman à la mise en scène, et Aziz Shokhakimov (nouveau directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg) dans la fosse. Autant dire qu’il sera aussi attendu que Stiffelio, un Verdi jamais joué dans l’Hexagone, censuré après ses premières représentations et composé juste avant Rigoletto. Il plongera un pasteur évangélique dans le doute, sur fond d’adultère et de fanatisme religieux, sur une lecture de Bruno Ravella. Jonathan Tetelman, Hrachuhí Bassénz (irradiante Violetta à la Royal Opera House la saison dernière), Dario Solari, Tristan Blanchet et Önay Köse chanteront sous la baguette d’Andrea Sanguineti.
Così fan tutte version David Hermann, en coproduction avec le Musiktheater im Revier Gelsenkirchen, devait être représenté en fin de saison 2019-2020 ; les échanges amoureux du quatuor Gemma Summerfield / Ambroisine Bré / Jack Swanson / Björn Bürger pourront porter leurs fruits et leurs peines en mai 2022, avec Duncan Ward à la tête du Philharmonique de Strasbourg. Lauryna Bendžiūnaitė (Susanna mémorable dans Les Noces de Figaro place Broglie en 2017) sera Despina, et Nicolas Cavallier, Don Alfonso.
La cinquième édition du festival Arsmondo célébrera la culture tsigane, avec notamment un diptyque constitué de L’Amour sorcier (Manuel de Falla) et du Journal d’un disparu (Janáček) dans une nouvelle orchestration d’Arthur Lavandier. Il s’agira des débuts européens du metteur en scène Daniel Fish. L’événement convoquera Rocío Márquez (également en récital flamenco) pour la partie espagnole, Magnus Vigilius et Josy Santos pour la partie tchèque, et le chef Łukasz Borowicz tout le long de la soirée.
Les vingt ans d’absence de Carmen seront résolus par la venue de la production de Jean-François Sivadier (Opéra de Lille et Théâtre de Caen), que l’Opéra National de Bordeaux avait initialement prévue à partir du 30 mai cette saison. Impossible de se tromper avec Stéphanie d’Oustrac (comme au Festival d’Aix-en-Provence en 2017) et Antoinette Dennefeld (dont nous avions vu la prise de rôle à Dijon) dans le rôle-titre, Edgaras Montvidas en Don José, Régis Mengus en Escamillo et Amina Edris en Micaëla. L’OnR invitera ainsi la directrice musicale de l’Opéra national de Lorraine, Marta Gardolińska.
La réussite d’Un Violon sur le toit en décembre 2019 augure du meilleur pour West Side Story, par le même tandem artistique : Barrie Kosky (mise en scène) et Otto Pichler (chorégraphies). Les Jets et les Sharks claqueront des doigts et se déchirent entre gangs tandis que Madison Nonoa (Maria) et Jeffrey Kringer (Tony) vivront leur amour impossible dans cette production de la Komische Oper Berlin. Le Ballet de l’Opéra national du Rhin se joindra à la tragique fête, et chantera avec les autres artistes du plateau, dirigés par David Charles Abell.
L’Opéra Studio, qui accueille cette année une cheffe assistante (Sora Elisabeth Lee), sera bien mis à contribution. Outre la participation vocale à Trouble in Tahiti de Bernstein, au ballet Danser Schubert au XXIe siècle, à la Passion de la petite fille aux allumettes (avec la Maîtrise de l’Opéra national du Rhin) et aux formats « L’Heure lyrique », la phalange de formation portera un projet itinérant sur une version de chambre de L’Enfant et les sortilèges de Ravel. L’ « Opéra nomade » est une collaboration avec la Comédie de Colmar, qui rayonnera au-delà du Grand Est.
D’autres réjouissances viendront d’une version de concert de L’Orfeo de Monteverdi, embarquée par Leonardo García Alarcón et sa Cappella Mediterranea, avec entre autres Valerio Contaldo, Mariana Flores et Giuseppina Bridelli. N’oublions pas Stéphane Degout, Sabine Devieilhe, Lawrence Brownlee et Jakub Józef Orliński en récital avec piano, ainsi que Karine Deshayes y adjoignant la clarinette, et Konstantin Krimmel aux côtés du comédien Lambert Wilson. Un ballet en création mondiale composé par Philip Glass (Alice), un opéra familial participatif (Les Rêveurs de la lune, de Howard Moody), les cafés lyriques, les midis musicaux de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg et de l’Orchestre Symphonique de Mulhouse, des contenus en ligne avec « L’OnR chez vous » … Toutes les occasions sont bonnes pour un récit !
18 mai 2021 | Imprimer
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