
« Jour de joie » pour Alain Perroux. De longue date, l’Opéra national du Rhin à Strasbourg doit faire l’objet d’importants travaux de rénovation : le Comité en charge du projet retient des plans « ambitieux » visant à inscrire l’institution dans le XXIe siècle, marqués par une réinvention de la salle et l’ajout de deux extensions.
Le bâtiment qui abrite l’Opéra national du Rhin à Strasbourg, l’ancien Théâtre municipal situé place Broglie, a été érigé en 1804. Il n’est plus aux normes depuis longtemps (la commission départementale de sécurité l’a placé sous « avis défavorable » quant à l’accueil du public en 1997) et d’importants travaux y sont donc nécessaires : des rénovations ont été actées il y a déjà trois ans par le conseil municipal de la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian. Des études patrimoniale, stratégique et de faisabilité ont été initiées dans la foulée et hier soir jeudi 10 avril, le Comité de pilotage politique en charge du projet dévoilait ses plans définitifs de rénovation et de réhabilitation du bâtiment : si les travaux s’avèrent « nécessaires », le Comité a aussi opté pour le projet « le plus ambitieux », pour un budget évalué à 120 millions d’euros et des travaux prévus de l’automne 2028 à l’hiver 2033.
Des travaux de rénovation « nécessaires »
Le projet part d’un constat. Le bâtiment de l’Opéra national du Rhin n’est plus aux normes de sécurité et d’accessibilité – qu’il s’agisse des issues de secours, du désenfumage de la salle ou encore des protections incendie. La salle n’affiche pas non plus le confort que peut attendre le public : 45% des places offrent une vue au mieux limitée sur la scène (et une vue nulle pour 5% d’entre elles) et l’acoustique est aussi jugée « sèche ». Le bâtiment n’est pas en mesure d’accueillir les spectateurs à mobilité réduite dans de bonnes conditions, n’est pas adapté aux évolutions climatiques qui s’annoncent et souffre de nombreuses contraintes techniques sur un plan artistique.
La configuration du bâtiment impose par exemple de faire transiter les décors par un ascenseur pour atteindre la scène. Certains décors sont donc inutilisables à l’Opéra national du Rhin, empêchant des coproductions avec d’autres maisons d’opéra. La cage de scène n’est pas aux normes non plus. L’établissement s’avère peu confortable également pour ses salariés et des évolutions sont nécessaires pour se conformer aux exigences du code du travail des personnels techniques.
L’institution manque d’espaces (techniques, de stockage ou même de bureaux) et ne dispose pas non plus des équipements qui permettraient de valoriser ses activités : peu de capacité d'accueil pour les scolaires, pas d’espaces de convivialité, pas de bar ou de restaurant qui pourraient alimenter le modèle économique de la maison. Et à l’heure où le mécénat devient déterminant dans le financement des salles de spectacles, l’Opéra national du Rhin ne dispose pas d’espaces susceptibles d’être privatisés.
En un mot comme en cent, l’Opéra national du Rhin ne dispose pas des infrastructures que l’institution « mérite au regard de son envergure nationale et internationale » et les travaux sont donc nécessaires.
Le projet « le plus ambitieux »
Le Comité entend manifestement profiter de ces nombreuses contraintes pour repenser le bâtiment profondément et l’inscrire résolument dans le XXIe siècle. Les travaux seront donc ambitieux – on se souvient qu’une première ébauche évoquait trois ans de travaux et 70 millions de budgets, les plans définitifs prévoient maintenant plus de cinq ans de travaux et un financement de 120 millions d’euros (40 millions à la charge de la Ville de Strasbourg et 20 millions pour l’Eurométropole, et pour la moitié restante, l’Etat, la Collectivité d’Alsace et la Région Grand Est ont assuré leur soutien au projet).
Il faut dire que les plans envisagés prévoient notamment la construction de deux extensions : l’une sur la place du Petit-Broglie susceptible d’accueillir un lieu de restauration en lien avec la rénovation de la salle Bastide et de la terrasse des muses ; l’autre en face du bâtiment principal, de l’autre côté du tramway, pour assurer la logistique scénique et intégrant des salles de médiations, reliée au bâtiment principal notamment par des connexions souterraines.
Le bâtiment tel qu’on le connait actuellement doit aussi être profondément modifié : une partie sera surélevée dans le cadre d’une reconfiguration des espaces d’accueil du public ; la scène sera au contraire abaissée pour être de plain-pied et faciliter les déplacements de décors de sorte qu’elle puisse accueillir des productions de grande envergure. Son plafond sera aussi rehaussé de plusieurs mètres pour permettre un échappement des décors en hauteur. Le volume de scène augmenté doit aussi permettre une meilleure acoustique.
La salle sera par ailleurs « réinterprétée » : terme pudique désignant une refonte complète de la salle à l’italienne – qui n’est pas d’époque et donc non classée aux monuments historiques. La salle de 1140 places sera transformée et, après travaux, affichera une capacité d’environ 940 sièges mais de « très bonne visibilité ». Selon les projets architecturaux qui seront retenus, la nouvelle salle pourrait « rester dans l’esprit » de l’esthétique de la précédente. Et malgré une jauge réduite, les travaux devraient permettre une meilleure optimisation des finances de l’Opéra et donc un « gain annuel » sur son budget.
Une programmation hors les murs au Palais des fêtes de Strasbourg
Au regard du planning et de l’envergure des travaux, l’Opéra national du Rhin ne sera pas en mesure d’accueillir le public pendant les rénovations. Si les grands principes gouvernant les rénovations sont donc actés, la concrétisation des travaux incombera aux architectes qui seront sélectionnés au terme d’un concours, dans le cadre d’un « dialogue compétitif » (visant à élargir les perspectives des différents candidats). Le processus doit débuter dès juin prochain, le Comité espère ensuite obtenir quatre ou cinq dossiers, afin de retenir le plus pertinent.
Les travaux ne débuteront néanmoins qu'à compter de l’automne 2028 et dureront jusqu’en 2033, et pendant cette période, une programmation « hors les murs » est donc prévue. Les productions de l’OnR seront notamment délocalisée au Palais des fêtes de Strasbourg – un projet qui ne va pas sans soulever quelques interrogations : la salle a fait l’objet de rénovations récemment, mais affiche une capacité réduite et n’est pas tout à fait adaptée pour des productions d’opéra. Elle imposera de « repenser le modèle de l’opéra jusqu'en 2033 ». Des travaux d’adaptation sont néanmoins prévus par la Ville de Strasbourg d’ici à 2028.
Au-delà des enjeux techniques et financiers, on retiendra surtout l’enthousiasme d’Alain Perroux (directeur de l’établissement en partance) qui voit là « un jour de joie, de soulagement et de reconnaissance » : un jour de joie pour le public et ses équipes à l’idée de profiter finalement de locaux adaptés aux ambitions de l’institution ; un jour de soulagement de constater que malgré le contexte actuel, dans certaines villes et régions, « on croit encore à l’importance de la culture » qui justifie des investissements importants au regard de son rôle social ; et enfin de reconnaissance car selon le directeur, le projet a été mené en parfaite intelligence et dans le consensus malgré la multitude d’acteurs impliqués. De son côté, Chrysoline Dupont qui doit lui succéder et qui profitera donc des nouvelles infrastructures, entend s’inscrire dans les pas de son prédécesseur. L’OnR va « enfin » pouvoir écrire ce nouveau chapitre dans un esprit « d’exigence et d’ouverture : ouverture à tous les publics, à tous les artistes, et à la rencontre entre les arts ».
publié le 11 avril 2025 à 06h34 par Aurelien Pfeffer
11 avril 2025 | Imprimer
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