Cette année 2025 suscite des inquiétudes dans le monde de la culture, que ce soit du fait de coupes budgétaires parfois très significatives ou d’un climat politique peu favorable au spectacle vivant. Pour autant, ce mois de janvier promet aussi à l’évidence de spectacles enthousiasmants, certains attendus de longue date, d’autres qui pourraient se révéler de belles surprises, ou mettre du baume au cœur en ces temps troublés. Tour d’horizon subjectif et non exhaustif des opéras à ne pas rater au cours de ce début d’année 2025.
Castor et Pollux à l’Opéra de Paris du 20 janvier au 23 février 2025
Opéra baroque. Ouvrage de Rameau doublement gémellaire, Castor et Pollux met en scène les célèbres jumeaux du mythe antique et l’opéra lui-même se dédouble puisqu’il en existe deux versions. On donne généralement la seconde qui connut un triomphe public en 1754 ; à l’Opéra de Paris, le metteur en scène Peter Sellars retient la première de 1737 avec son prologue célébrant la paix – Minerve, la protectrice des Arts, y demande à Vénus d’enchaîner Mars, de sorte que l’Amour tienne captif le Dieu de la Guerre, et Rameau célèbre ainsi la paix retrouvée entre l’Autriche et la France. Dans cette nouvelle production parisienne, le metteur en scène se saisit de ce prologue pour soulever une problématique essentielle aujourd’hui : « comment mettre fin à la guerre et ses corollaires, la haine et le ressentiment ? »
Au-delà de sa dimension théâtrale, cette nouvelle production parisienne suscite aussi la curiosité sur un plan musical : la direction est confiée au chef Teodor Currentzis (pour ses débuts dans la fosse du Palais Garnier) à la tête de son ensemble Utopia. Le chef est controversé du fait de ses liens supposés avec la Russie, il est aussi régulièrement salué pour l’intensité de sa lecture musicale. D’autant que sur scène, la production est portée par Reinoud Van Mechelen et Marc Mauillon dans les rôles-titres aux côtés notamment de Jeanine De Bique et Stéphanie d'Oustrac. Pour achever de piquer notre curiosité, les chorégraphies seront confiées à Cal Hunt, inspiré par la flex dance qui trouve ses origines dans les danses jamaïcaines et la culture hip hop. De quoi réitérer la sensation qu’avait suscitée par la rencontre des Indes Galantes de Clément Cogitore et du krump de Bintou Dembélé en 2019 ?
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Salomé au Grand Théâtre de Genève du 22 janvier au 2 février 2025
Opéra sensation. Le Grand Théâtre de Genève a placé sa saison 24/25 sous le signe du sacrifice, notamment identitaire. La nouvelle production de Salomé de l’institution genevoise s’inscrit dans cette thématique : l’opéra de Strauss trouve son origine dans l’œuvre d’Oscar Wild, mort de « n’avoir pas sacrifié sa liberté d’aimer un homme », et la production est confiée au cinéaste et metteur en scène hongrois Kornél Mundruczó qui a dû quitter son pays pour ne pas renoncer à sa liberté artistique et s’autocensurer. Pour autant, Kornél Mundruczó dit ne pas croire en l’art politique et préfère focaliser son travail sur « l’empathie avec les personnages (qu’il met) en scène », afin de « percer l’âme et le cœur du public ». Il dit ainsi qu’une « œuvre comme Salomé est remplie de réflexions sur le pouvoir (...), les contradictions entre richesse et pauvreté, justice et injustice, entre ce qui est dit est ce qui est tu » et pour matérialiser sa réflexion, il transpose l’ouvrage de Strauss dans un « penthouse dominant une Babylone de luxe » mâtiné de « surréalisme bunuélien » où la famille d’Hérode sera confrontée à un Jokanaan venu « d’en bas »...
Sur scène, le rôle-titre est confié à la soprano Olesya Golovneva, qui a étudié l’art dramatique parallèlement au chant : elle dit d’abord jouer ses rôles, puis seulement ensuite les chanter, car c’est « l’incarnation théâtrale qui prime sur la stricte performance vocale ». Elle dit aussi être passionnée par la complexité de l’humain et on imagine que le personnage de Salomé lui offrira toute la matière nécessaire pour nourrir son incarnation.
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Aida au cinéma depuis le Metropolitan Opera de New York (le 25 janvier)
Opéra au cinéma. En ce mois de janvier, le Metropolitan Opera de New York étrenne une nouvelle production d’Aida signée Michael Mayer – en remplacement de la mise en scène de Sonja Frisell donnée depuis 1988, qui elle-même succédait à la mise en scène très classique de Franco Zeffirelli. La production de Michael Mayer s’inscrit dans la continuité de la précédente (et en reprend même certains éléments de décors), mais y ajoute néanmoins une touche d’actualité : l’Egypte ancienne esquissée par l’opéra de Verdi est notamment appréhendée par des archéologues bien contemporains, permettant une certaine distance avec l’exotisme peut-être un peu surannée de l’ouvrage.
La production est surtout défendue par Yannick Nézet-Séguin dans la fosse du Met, avec une distribution très expérimentée sur scène : Angel Blue dans le rôle-titre, Judit Kutasi en Amneris ou encore Piotr Beczała en Radamès – souffrant lors de la première représentation mais qui doit reprendre son rôle à la mi-janvier. L’ouvrage fait l’objet d’une captation vidéo et sera retransmis en direct dans les cinémas à travers le monde (et notamment en France) ce 25 janvier 2025 à partir de 18h30. Une promesse de grand spectacle.
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Dialogues des carmélites à l’Opéra de Rouen du 28 janvier au 4 février
Opéra du XXe siècle. Du 28 janvier au 4 février, l’Opéra de Rouen célèbre la musique de Poulenc avec une nouvelle production des Dialogues des Carmélites. Référence de l’opéra français du XXe siècle sur la « résilience de l’esprit libre face à l’oppression », l’ouvrage est confié à la jeune metteuse en scène Tiphaine Raffier – qui signera là sa première production d’opéra. Au théâtre, on a néanmoins pu découvrir la sensibilité, la sincérité et l’inventivité de son travail, ou son goût pour le portrait subtil de ses personnages. On est curieux de découvrir sa façon d’appréhender l’opéra, d’autant que la production réunit une jeune distribution alléchante : Hélène Carpentier en Blanche de La Force entourée notamment de Lucile Richardot, Axelle Fanyo, Eugénie Joneau ou Emy Gazeilles parmi d’autres.
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L’Or du Rhin à l’Opéra Bastille du 29 janvier au 19 février 2025
Nouvelle Tétralogie. Dans une maison d’opéra, une nouvelle Tétralogie de Wagner est toujours un événement, et d’autant plus quand elle se fait attendre. Le nouveau Ring des Nibelungen de l’Opéra de Paris dans une mise en scène de Calixto Bieito était initialement programmé à partir de 2020, avant d’être annulé pour cause de pandémie. Il débute finalement en ce mois de janvier avec L'Or du Rhin et se poursuivra jusqu’en 2026. Comme souvent, la mise ne scène de Calixto Bieito entend interroger notre époque : le prologue de la tétralogie repose notamment sur l’opposition entre « ceux d’en haut », des dieux et des hommes qui se prennent pour des dieux, et « ceux d’en bas » (Alberich) qui aspirent à la richesse et à la puissance. Pour Calixto Bieito, les puissants d’aujourd’hui tirent leur pouvoir des nouvelles technologies et de leur capacité à s’approprier « toutes nos informations sur le Net pour créer un nouveau Dieu ». Dès lors, « comment vivons-nous aujourd’hui dans un monde régi par la haute technologie ? (...) Comment l’intelligence artificielle modifiera-t-elle notre société et jusqu'où cela nous mènera ? »
Musicalement aussi, cette nouvelle Tétralogie a de quoi susciter l’intérêt. La direction musicale est confiée à Pablo Heras-Casado, qui s’impose comme l’une des figures du répertoire wagnérien, notamment à Bayreuth. Sur scène, la production sera l’occasion de découvrir les prises de rôle de Ludovic Tézier en Wotan, d’Ève-Maud Hubeaux en Fricka ou encore de Marie-Nicole Lemieux en Erda.
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Et aussi...
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L’Opéra de Versailles reprend la version originale de Carmen, tel que l’opéra de Bizet a été donné à sa création (scandaleuse) à l’Opéra-Comique en 1875. Le Palazzetto Bru Zane a ressuscité cette production originelle d’après des documents d’époque et après l’Opéra de Rouen, l’Opéra Royal de Versailles la reprend du 14 au 22 janvier avec notamment Adèle Charvet et Julien Behr. Une curiosité historique ! Plus d'informations...
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Du 20 janvier au 9 février, l’Opéra national du Rhin propose une nouvelle production des Contes d'Hoffmann. L’opéra d’Offenbach y est donné dans sa version originale avec ses dialogues parlés, et dans une nouvelle mise en scène de Lotte de Beer – également intendante du Volksoper de Vienne où elle imagine une programmation récompensée et souvent enthousiasmante. Pierre Dumoussaud est à la direction musicale, Attilio Glaser interprète le rôle-titre face aux Olympia, Antonia, Giulietta et Stella de Lenneke Ruiten. Plus d'informations...
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- On retrouve Offenbach également au Capitole de Toulouse du 24 janvier au 2 février avec un satirique et désopilant Orphée aux enfers. Sur le papier, la production coche toutes les cases de la réussite : Olivier Py à la mise en scène, Chloé Dufresne à la direction musicale, et une distribution de (jeunes) interprètes emmenée par Cyrille Dubois en Orphée ou Marie Perbost en Eurydice. Plus d'informations...
publié le 08 janvier 2025 à 07h16 par La rédaction
08 janvier 2025 | Imprimer
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