À la tête de l’Opéra national du Rhin, Alain Perroux dévoile une saison 2024/2025 éclectique, qui met à l’honneur les bannis, les marginaux et les excentriques de l’opéra, pour mieux s’adresser à tous les publics. Entre création et opéras contemporains, classiques du répertoire et comédies musicales, la saison promet notamment plusieurs prises de rôles, d’Adèle Charvet, Pene Pati ou Martina Russomanno.
Encore à la tête de l’Opéra national du Rhin (avant de prendre la direction du Grand Théâtre de Genève à partir de la saison 2026/27), Alain Perroux est manifestement un directeur optimiste qui refuse la morosité ambiante touchant actuellement le secteur du spectacle vivant. Et pour s’en convaincre, il fait parler les chiffres de son établissement : pour la saison 2023/24 encore inachevée, il revendique un taux de remplissage des opéras de 97% (chiffres arrêtés au 17 avril dernier), dont 30% de spectateurs moins de 26 ans (contre 85% en 2022/23 et 82% en 2021/22). Certes les coûts ont augmenté du fait de l’inflation et les subventions publiques sont restées stables, mais la croissance des recettes et une politique de mutualisation grâce aux coproductions ont permis de limiter le déficit de l’OnR à 241 000 euros.
« Célébrer les bannis » de l’opéra
Il faut dire que l’engouement du public alsacien n’est pas tout à fait le fruit du hasard : selon Alain Perroux, son établissement « s'efforce de proposer une programmation extrêmement diversifiée pour qu'il y en ait pour tous les goûts » et la saison 2024/25 qu'il vient d’annoncer en est de nouveau la démonstration – tout en faisant une large place notamment aux metteuse en scène, à l’heure où les tribunes dénoncent l’absence de femmes dans les programmations lyriques.
Et dans le cadre de sa saison 2024/25, Alain Perroux entend « célébrer les bannis ». L’opéra a longtemps glorifié « les héros mythologiques et les puissants historiques », avant de s’intéresser à des personnages plus marginaux, excentriques ou davantage en décalage avec la société. Ce sont ces héros et héroïnes là que l’Opéra alsacien entend mettre à l’honneur la saison prochaine, d’abord parce qu’ils permettent de nourrir une « programmation foisonnante » et aussi parce qu’ainsi, « l’opéra met en avant son universalité : il s’intéresse à tout le monde, donc il s’adresse à tout le monde ».
Opéras contemporains
Comme le veut la tradition, l’Opéra national du Rhin ouvrira ainsi sa saison avec une œuvre contemporaine, Picture a day like this de George Benjamin, qui en met en scène la vie d’une femme ayant perdu son enfant et qui le retrouvera si elle a parvient à trouver quelqu’un qui puisse témoigner d’un véritable bonheur. L’ouvrage a fait l’objet d’une création au Festival d’Aix-en-Provence l’année dernière avant d’être donnée à Londres, et c’est cette production de la création mise en scène par Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma qui sera donnée à l’OnR – la distribution n’est pas encore précisée.
En novembre 2024, l’OnR enchainera avec la création mondiale de l’opéra de chambre Les Trois Brigands, une commande au compositeur Didier Puntos inspirée de l’œuvre du dessinateur alsacien Tomi Ungerer – à qui l’on doit le livre pour enfant Les Trois Brigands, mais pas seulement. Le projet repose sur un « dispositif scénique léger et plein de fantaisie » imaginé par Jean-Philippe Guilois qui se dévoilera en tournée dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Haute-Marne.
Ajoutons-y aussi Brundibár (en coproduction avec l'Opéra de Lyon), « opéra participatif par et pour des enfants » donné ici en français et plongeant les jeunes spectateurs dans un « univers théâtral poétique et malicieux » signé par Jeanne Candel malgré un contexte de création lourd : l’opéra a fait l’objet d’une création clandestine à Prague en 1942, par le compositeur tchèque Hans Krása alors considéré comme un musicien dégénéré par le régime nazi et qui sera interné au camp de Theresienstadt. La production mobilisera notamment les enfants de la Maîtrise de l’Opéra national du Rhin.
Les marginaux du grand répertoire
Les bannis et les excentriques qui servent de fil rouge à la saison 2024/25 de l’Opéra national du Rhin trouvent aussi à s’exprimer dans le grand répertoire lyrique. Ainsi, l’incontournable Traviata sera proposée en mars et avril 2025 dans la maison alsacienne, dans une nouvelle production d’Amélie Niermeyer (en coproduction avec l’Opéra de Dijon). Dans le rôle-titre, la jeune soprano Martina Russomanno fera ses débuts dans le rôle de la « dévoyée » Violetta en alternance avec Julia Muzychenko qui a déjà interprété le rôle au Teatro Comunale de Bologne ou le Festival de Marmande.
Les Contes d'Hoffmann et son intrigue insolite seront confiés à la metteuse en scène Lotte de Beer (dans une coproduction avec l’Opéra-Comique), et au chef Pierre Dumoussaud. Sur scène, Attilio Glaser interprète le rôle-titre face à Lenneke Ruiten dans les quatre rôles d’Olympia, Antonia, Giulietta et Stella.
Pour les amateurs de baroque, Ariodante sera dirigé par Christopher Moulds et proposé dans une nouvelle mise en scène de Jetske Mijnssen (en coproduction avec le Royal Ballet en Opera de Londres), qui sera notamment marquée par la prise de rôle d’Adèle Charvet dans le rôle-titre, aux côtés d’Emöke Baráth, Christophe Dumaux ou Alex Rosen.
La rare Giuditta de Lehár et Sweeney Todd de Sondheim
En guise de conclusion de saison, l’Opéra national du Rhin donnera en juin 2025 une nouvelle production de Giuditta, rare opérette douce-amère de Franz Lehár, qualifiée de comédie musicale par son compositeur. Elle sera proposée ici en version française, avec Melody Louledjian dans le rôle-titre, dans « un spectacle flamboyant » de Pierre-André Weitz, « inspiré par les univers du cirque et du cabaret ».
Puis en juillet, Sweeney Todd, la comédie musicale de Stephen Sondheim (mais aussi « opéra gothique et opérette noire, sanglante et pathétique, drôle et satirique »), défendue par Scott Hendricks, Natalie Dessay et Marie Oppert, dans une nouvelle production du savoureux Barrie Kosky et dirigée par le chef Bassem Akiki. Gageons qu’il ne faudra pas rater l’événement.
Werther en concert et des récitals
Pour faire bonne mesure, l’Opéra national d Rhin ajoute à sa saison une version de concert de Werther avec une distribution plus qu’attractive emmenée par Pene Pati pour sa prise de rôle dans le rôle-titre, aux côtés d’Adèle Charvet, Florian Sempey et Sandra Hamaoui.
L’Opéra promet en outre plusieurs récitals : l'établissement accueillera le contre-ténor breakdancer Jakub Józef Orliński à l’enthousiasme communicatif ou Stéphane Degout dans les Mélodies et Lieder de Fauré, Chausson, Duparc, Brahms et Schumann qui siéent si bien, ou encore Marlis Petersen, Nina Stemme, Kate Lindsey ou le jeune ténor Julian Prégardien.
Une saison riche et éclectique, donc, pour un total de près de 200 levers de rideau ponctués de plusieurs événements à ne pas rater, dont le détail est disponible sur le site de l’Opéra.
publié le 7 mai 2024 à 7h08 par Aurelien Pfeffer
07 mai 2024 | Imprimer
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