Mitridate à l'Opéra de Lausanne : la production des premières fois

Xl_8.tableau_appartement_hd___tim_northam_ © Tim Northam / Opéra de Lausanne

L’Opéra de Lausanne s’apprête à donner sa deuxième nouvelle production de la saison : Mitridate, dans une mise en scène d'Emmanuelle Bastet. Un production qui suscite une certaine curiosité, et nous vous disons pourquoi.

Du 23 février au 2 mars, l'Opéra de Lausanne proposera Mitridate, opéra de Mozart créé à Milan en 1770, alors que le jeune compositeur n’avait que 14 ans ! De son titre entier Mitridate, re di ponto, l'ouvrage est son premier opera seria, dont le livret de Vittorio Cigna-Santi s’inspire de la tragédie éponyme de Racine. L’histoire relate le quatuor amoureux et familial de trois hommes – le roi Mitridate et ses deux fils Farnace et Sifare  – aimant la même femme, Aspasia. Une œuvre de jeunesse qui a connu un grand succès lors de sa création et qui fera donc son grand retour à Lausanne à la fin du mois.

Une production aux multiples « premières »

Pour cette nouvelle production cent pour cent lausannoise – puisque la construction des décors et costumes est locale – et qui sera « l’œuvre de Mozart de la saison 2024-2025 », l’Opéra a vu les choses en grand.

Il faut dire que l’œuvre, qui n’est pourtant pas rare, n’a été donnée à Lausanne qu’une seule fois, en 1984, année de création du Théâtre Municipal – ancêtre de l’Opéra d’aujourd’hui. Pour de telles retrouvailles aux allures presque d’entrée au répertoire, la maison a mis à l’honneur la notion de « première fois » puisque le chef Andreas Spering fera ses débuts à la tête de l’OCL et dans cet ouvrage mozartien. Il ne sera toutefois pas le seul, puisque Emmanuelle Bastet fera elle aussi ses débuts à l’Opéra de Lausanne. Nous avons déjà salué le travail de la metteuse en scène à Nancy, pour la pertinence de son Hansel et Gretel, la simplicité intelligemment pensée et la poésie de sa Madame Butterfly, ou encore son euphorisante Turandot richement pensée, « portée par une direction d’acteurs d’une grande précision ». On attend donc avec hâte de découvrir la vision qu’elle aura apportée à Mitridate.

L’on sait déjà que sa production mettra la sphère privée au premier plan, puisque « comme souvent chez Mozart, la sphère intime prévaut sur les préoccupations politiques et sociales, et les motivations des personnages sont toujours à chercher dans le registre émotionne » (selon la note d’intention). La mise en scène évoquera davantage qu’elle n’illustrera en se plaçant « dans un espace-temps évasif, quelque part entre les années 30 et le classicisme du XVIIIème siècle et seul le choix de la couleur, un bleu intense saturé à l’extrême, et l’utilisation de quelques étoffes nous renvoient de manière allusive à un certain exotisme oriental », le tout à l’aide d’un « espace unique à transformation multiples ».

Ainsi que l’indique Emmanuele Bastet : « Lorsque l’on se plonge dans une œuvre du passé, pour découvrir en elles des résonances avec des problématiques actuelles ou pour interroger l’universalité des passions humaines, se pose toujours la question de l’actualisation ou de la reconstitution historique, du choix de la temporalité et de l’esthétique. Le fait de placer les conflits politiques au second plan et de concentrer le regard sur le registre émotionnel et intime nous a conduit à imaginer un univers essentiellement mental et symbolique. Avec Tim Northam, mon scénographe, nous avons opté pour un dispositif scénique qui puisse traduire visuellement l’idée de l’oppression et de l’angoisse en refusant le réalisme contemporain et les références à l’actualité. Nous voulions avant tout éviter de plonger le spectateur dans un monde trop concret et trop directement identifiable, en essayant de gommer l’anecdotique pour ne conserver que l’universalité des situations et des personnages ».

Mitridate, Opéra de Lausanne 2025 (c) Tim Northam

Les premiers pas des artistes

Mais la série des « premières fois » ne s’arrête pas là. En effet, les sept interprètes solistes effectueront tous ici leurs prises de rôles ! Une distribution dans laquelle chaque artiste interprètera son rôle pour la première fois n’est pas rien ! D’autant qu’ils effectueront tous aussi leurs débuts à l’Opéra de Lausanne, à l’exception de Paolo Fanale (Mitridate) que le public lausannois a déjà entendu dans La Clémence de Titus et Norma en 2021. Il retrouvera donc sur scène Athanasia Zöhrer (Sifare), Sonja Runje (Farnace), Aitana Sanz (Ismene), Remy Burnens (Marzio), Nicolò Balducci (Arbate) et Lauranne Oliva (Aspasia).

La jeune soprano franco-catalane est peut-être plus particulièrement attendue encore. Elle a remporté, lors de l’édition 2020 du Concours « Nuits Lyriques » de Marmande, le Premier Prix Femme dans la catégorie Opéra, le Premier Prix du meilleur espoir ainsi que le Deuxième Prix en mélodie française. Lauréate du Concours Voix Nouvelles 2023, année durant laquelle elle a également remporté la Paris Opera Competition (Premier Prix du Jury et Prix du Public), elle a été nommée aux Victoires de la Musique Classique 2024 dans la catégorie « Révélation Lyrique ». Nous avons pris plaisir à la suivre depuis plusieurs années et notre confrère Thibault Vicq écrivait en 2022 qu’elle était « déjà une immense artiste ». L’évolution de sa carrière semble bien lui donner raison !

A noter que ce Mitridate est une coproduction avec l’Opéra de Montpellier, où le public pourra se rendre en avril. Il y découvrira néanmoins une toute autre distribution : si Nicolò Balducci et Remy Burnens conservent les rôles d’Arbate et de Marzio, ce sera sous la baguette de Philippe Jaroussky et aux côtés de Lévy Sekgapane, Hongni Wu, Key’mon W. Murrah ainsi que de Marie Lys. Quant à Lauranne Oliva, elle sera bien présente, mais dans le rôle d’Ismene.

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Mitridate, à découvrir à l’Opéra de Lausanne du 23 février au 2 mars, puis à l’Opéra de Montpellier du 8 au 12 avril.

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