Un sursis pour Dominique Meyer à la Scala ?

Xl_meyer_chailly © Brescia e Amisano Teatro alla Scala

On se souvient que depuis l’annonce du décret fixant l’âge de la retraite des directeurs d’opéra à 70 ans en Italie, les rebondissements se multiplient concernant les deux principaux intéressées – visés – qui s’avèrent être français : Stéphane Lissner, dont les péripéties semblent avoir touché à leur fin, et Dominique Meyer, pour qui elles ne faisaient dernièrement que commencer, son anniversaire approchant.

Fin mars, nous évoquions un nouveau rebondissement dans cette saga italienne des directions d’opéra, avec notamment le soutien des musiciens de la Scala envers leur directeur. Aujourd’hui, un nouvel épisode se dessine donc avec un possible sursis pour Dominique Meyer à la tête de l’institution milanaise.

Un report de vote

Le conseil d’administration de La Scala de Milan s’est réuni ce lundi mais a finalement décidé de reporter son vote concernant la direction de l’établissement. Une décision prise afin de lui permettre d’étudier sérieusement une proposition de dernière minute qui auraient été suggérée par le maire de la ville ainsi que certains administrateurs.

Celle-ci consisterait à accorder à Dominique Meyer un report d’un an – et non de deux ans – pour son départ de la direction de la Scala, le fixant à 2026 et non plus 2025. Une décision « acceptée mais pas votée » par le conseil d’administration, ce qui rend l’information et les conséquences de cette décision encore floues. Toutefois, il serait question de nommer Fortunato Ortombina – actuellement à la tête de la Fenice de Venise et fortement pressenti comme successeur de Meyer – surintendant en soutien dès 2025, puis successeur de l’actuel directeur en 2026.

Ce compromis serait parfaitement réalisable, à condition que les instances opèrent toutes dans ce sens. En effet, la Scala étant une fondation autonome de droit privé, la nomination appartient au Conseil d'administration. Toutefois, ce statut n'a pas encore été renouvelé après l'entrée en vigueur des nouvelles lois… Par ailleurs, Dominique Meyer aura alors atteint les 70 ans, ce qui devraient lui interdire de rester en poste, mais le cas de Stéphane Lissner à Naples peut servir de précédent pour parer cet argument. Enfin, l’institution respecterait les indications légales en nommant déjà le futur surintendant adjoint, même si c’est pour 2026 et non 2025, comme le rappelle le Corriere della sera.

Une décision qui implique également Riccardo Chailly

Si le directeur français de la maison est au cœur de la polémique, le directeur musical Riccardo Chailly est également touché par cette décision. En effet, prolonger le mandat du premier amènerait le conseil d’administration à prolonger également celui du second pour la même durée. Une décision en accord avec les souhaits des syndicats et des musiciens.

Du côté de la fosse, justement, le nom du successeur de Riccardo Chailly se répand avec insistance : c’est Daniele Gatti qui pourrait être l’heureux élu, alors qu’il doit prendre la tête de la Staatskapelle de Dresde en juillet. Aucune annonce officielle n’a toutefois encore été formulée.

Quant à la prochaine réunion du conseil d’administration de la Scala, elle est actuellement prévue le 29 avril prochain, mais il n’est pas totalement exclu qu’elle soit avancée compte-tenu de la situation.

Une instrumentalisation politique

Comme on peut s’en douter, le pouvoir politique n’est manifestement pas favorable à cette annonce. Ainsi que le rapporte le Corriere della sera, le sous-secrétaire Mazzi a déclaré :

« Nous sommes très respectueux des prérogatives du conseil d'administration de la Scala. Ce sont les certitudes que nous donnons aux travailleurs de La Scala et elles ne dépendent pas de contrats sujets à expiration. Un mandat a une date limite, justement pour favoriser le turnover et le renouvellement, et est indépendant de l'évaluation du travail réalisé, mais des situations indéfinies et des prolongations risquent de freiner la relance du système des fondations opéra-symphonique. Nous évaluerons les points techniques à mener dans l'exercice des pouvoirs de contrôle ».

Pour le journaliste Marco Vizzardelli, qui s’était démarqué en criant « Vive l'Italie antifasciste » en direction de la loge royale de la Scala le 7 décembre dernier, « nous devons désormais faire preuve de gratitude pour ce que Chailly a fait et fait pour la qualité de l'orchestre, également récompensé dans le monde entier. Meyer garantit la sérénité et assure une bonne gestion. La Scala doit être gérée avec sérénité, sans coups de tête. Il n'y a pas de duel Meyer / Ortombina ou Chailly / Gatti : deux grands surintendants et deux grands directeurs, seul le bien de La Scala doit compter ». De plus, « le conflit politique ne peut pas se faire sur le dos du théâtre. C'est ce que les déclarations des musiciens de l'orchestre ont clairement montré ces derniers jours ».

Reste donc à savoir si le compromis que tente le conseil d’administration de la Scala finira par être accepté ou imposé au gouvernement actuel, ou s'il donnera lieu à un nouvel affrontement politico-culturel. Ce qui est certain, c'est que la question posée ici n'est plus d'ordre artistique – les qualifications des quatres protagonistes ne sont pas remises en question – mais bien politique.

« Suite au prochain épisode »...

| Imprimer

En savoir plus

Commentaires

Loading