Mise à jour (16 juin 2020) : Selon Pierre Audi, « l’édition 2020 du Festival d’Aix-en-Provence n’est pas annulée, elle est simplement empêchée ». Cette édition 2020 se réinvente donc sur une « scène numérique », alternant entretiens avec les artistes, conférences, débats et diffusions de quelques-unes des productions emblématiques du festival. On en présente le programme à cette adresse.
Mise à jour (25 avril 2020) : le 15 avril, l’édition 2020 du Festival d’Aix-en-Provence est officiellement annulée dans sa forme traditionnelle, faute de pouvoir accueillir le public du fait de l’interdiction des rassemblements d’envergure en période de pandémie de Covid-19 – on l’évoquait en détail.
Pour autant, les organisateurs envisagent un festival qui pourrait adopter une forme alternative : les productions pourraient par exemple faire l’objet de représentations sans public, captées et diffusées en ligne.
L'édition 2019 du festival d'Aix-en-Provence marquait les débuts de Pierre Audi qui « ambitionnait d'en renouveler la programmation, sans pour autant dénaturer l'esprit du festival ». Cette année 2020 s'inscrit dans cette même dynamique et propose à nouveau quatre nouvelles productions, ainsi qu'une création et un opéra en version de concert, avec des titres cette fois-ci plus connus du grand public – à l'exception bien sûr de la production de commande de l'événement.
Le 30 juin 2020, le festival s'ouvrir avec Wozzeck , qui fait là son entrée au répertoire du festival (l'oeuvre était annoncée dans la programmation de l'édition 2003, avant de devoir être annulée suite à un mouvement de grève). Pierre Audi en confie la mise en scène à Simon McBurney qui connaît bien les lieux pour y avoir notamment créé une Flûte enchantée en 2014 (Alain Duault en parlait alors) qui a depuis été reprise in loco en 2018 (lire notre chronique), ainsi qu'à Londres en 2019. En 2017, le festival avait également fait appel à lui pour créer une nouvelle production de The Rake's Progress, dont la scénographie s'est elle aussi avérée « diablement efficace ». Un tel parcours ne peut qu'être prometteur et l'on s'interroge sur la vision que le metteur en scène saura apporter à cette oeuvre à la portée universelle, surtout dans le contexte actuel. D'autant plus que la direction est confiée à Sir Simon Rattle et qu'on retrouve sur scène Christian Gerhaher dans le rôle-titre, appuyé par Anja Kampe, Daniel Brenna et Peter Hoare.
Difficile d'imaginer un festival d'Aix-en-Provence sans Mozart, et c'est sur son Cosi fan tutte que s'est porté le choix de la programmation. Si le titre laisse présager une oeuvre accessible (l'accessibilité est l'une des ambitions de Pierre Audi), le metteur en scène en charge de la production est néanmoins annonciateur d'une certaine exigence puisqu'il s'agit de Dmitri Tcherniakov qui avait complètement réécrit Carmen en 2017 et qui nous avait laissé perplexes avec des Troyens inégaux à Paris en 2019. On se souvient néanmoins de belles réussites, comme Lady Macbeth de Mzensk à Lyon en 2017, ou encore La Fille de Neige et Iolanta à Paris. Bien que le festival annonce que « Dmitri Tcherniakov pousse la logique de ce jeu de l’amour et du hasard jusqu’à ses extrémités », il reste difficile d'imaginer ce qui attend le public. Mais selon Pierre Audi, « il n'y aura ni hospice, ni docteurs », démentant là certaines supputations entourant la production. Thomas Hengelbrock, grand chef mozartien, fait à cette occasion ses débuts à Aix-en-Provence, tandis que nous retrouvons Véronique Gens en Fiordiligi, Claudia Mahnke en Dorabella, Georg Nigl en Don Alfonso ou encore Russel Braun en Guglielmo, Richard Croft en Ferrando et Nicole Chevalier en Despina aux côté du Chœur de l'Opéra de Lyon.
Ce dernier est également partie prenante dans Le Coq d'Or, nouvelle production en partenariat avec l'Opéra de Lyon (qui avait d'ailleurs dévoilé ce titre lors de l'annonce de sa saison 2019-2020). Ce n'est toutefois pas Daniele Rustioni, le chef attitré de la maison, qui se retrouve aux commandes de l'Orchestre, mais Aziz Shokhakimov, tandis que la mise en scène est confiée à Barrie Kosky. Selon le programme, il « trouve dans cette fascinante fable le souvenir de Shakespeare et le pressentiment du théâtre de l’absurde, pour un spectacle aux allures de parade fantasque, divertissant jusqu’au désespoir ». Dmitry Ulyanov, qui nous avait fortement marqué dans Attila à Lyon en 2018, reprendra ici le rôle du Tsar Dodon qu'il a notamment interprété à Madrid en 2017. Sabine Devieilhe devrait faire des merveilles en Reine de Chemakha, de même qu'Andrei Popov en Astrologue.
A partir du 3 juillet, Le Couronnement de Poppée prend place sur la scène du Théâtre du Jeu de Paume dans une mise en scène signée par Ted Huffman qui nous en avait d'ailleurs livré quelques mots lorsque nous l'avions rencontré en octobre. Leonardo García Alarcón est à la tête de l'ensemble Cappella Mediterranea et dirige également Jacquelyn Stucker dans le rôle-titre, elle qui fut une exceptionnelle Azema à Londres aux côtés de Joyce DiDontato, et Jake Arditti en Nerone, lui que nous avons entendu dans La divisione del mondo à l’Opéra national du Rhin ou encore en récital à Menton en 2019. Fleur Barron retrouve le metteur en scène avec qui elle a déjà collaboré à Montpellier en octobre 2019. Enfin, Julie Roset, que l'on espérait justement entendre dans des rôles plus importants lorsque nous l'avions vue à Ambronay en octobre, est Amore et Valetto.
Outre ces pièces du répertoire, le festival propose également une création mondiale commandée à Kaija Saariaho, Innocence, sur un livret de la romancière Sofi Oksanen. L'argument de l'oeuvre repose sur la réunion d'une dizaine de personnages de différentes origines (finlandaise, roumaine, française, tchèque, anglaise ou encore suédoise) s'exprimant tous dans leur propre langue, à l'occasion d'un mariage. Seulement voilà : tous ont été touchés dans leur passé par un drame et les souvenirs reviennent petit à petit dans le présent. Selon la compositrice finlandaise, « cette sorte de thriller, qui devrait se construire comme une fresque dans l’esprit du public, est nourrie par une relation profonde, émotionnelle, avec le langage », tout en définissant le travail de composition comme « un chantier assez cauchemardesque ! » (notamment parce que l'oeuvre réunit ici 13 personnages, là où ses ouvrages précédents s'articulent autour d'un nombre plus réduit de protagonistes). En réunissant la cheffe finlandaise Susanna Mälkki, le metteur en scène australien Simon Stone, les interprètes Jukka Rasilainen, Magdalena Kožená, Anna Prohaska, Markus Nykänen, Tuomas Pursio, ou encore Sandrine Piau, la notion de création mondiale prend ici tout son sens.
Enfin, dernier opéra programmé, L'Orfeo de Monteverdi est proposé en version de concert (mise en espace) le 15 juillet 2020 sous la direction que l'on devine déjà exceptionnelle du chef Leonardo García Alarcón. Il est rejoint par une équipe enthousiasmante, réunissant notamment Valerio Contaldo dans le rôle-titre, mais aussi Mariana Flores en Euridice et Musica, Giuseppina Bridelli en Messagiera et Speranza, ou encore Anna Reinhold en Proserpina.
L'édition 2020 s'annonce donc des plus prometteuses, faisant principalement appel à des classiques mais dans des mises en scène qui devraient surprendre, confiées à artistes souvent adeptes de relecture parfois étonnantes...
Plus d'informations sont disponibles sur le site officiel du festival, et l'ouverture des abonnements est annoncée pour le 24 janvier.
06 juillet 2020
Commentaires