Jonas Kaufmann à Erl : « Je souhaite accompagner les étapes de production »

Xl_jonas-kaufmann-festival-tyrol-erl © Festival d'Erl

Jonas Kaufmann prend officiellement la direction artistique du Festival Tyrolien d’Erl. En tant que directeur artistique, il entend être présent, dès le début du processus artistique des productions qui seront données lors du festival afin d’y imprimer sa marque.

On connait évidemment le ténor Jonas Kaufmann ; on va dorénavant aussi découvrir le directeur artistique : parallèlement à sa carrière de chanteur, le ténor allemand a officiellement pris la tête du Festival Tyrolien d’Erl ce 1er septembre après avoir été nommé en juin de l’année dernière. Et comme bon nombre de ses homologues, Jonas Kaufmann va être confronté à l’une des grandes questions qui occupent les institutions lyriques : comment moderniser le genre opératique pour renouveler le public de l’opéra, sans pour autant dénaturer les œuvres ?

Un directeur artistique présent « dès le début »

On le sait, Jonas Kaufmann n’est pas partisan d’un modernisme radical. Il le rappelle dans un entretien que publie le Festival d’Erl. Selon le ténor, « attirer un nouveau public plus jeune en faisant fuir les habitués plus âgés (...) est à (s)on avis une erreur : sans ce public d'habitués, nous n'existerions pas ». Pour autant, renouveler le public de l’opéra est aussi une nécessité et Jonas Kaufmann entend donc faire en sorte que « tous ceux qui viendront (au Festival d’Erl) pour la première fois y reviennent ». Selon le ténor, un spectateur qui découvre l’opéra pour la première fois ne peut pas appréhender les ruptures et tabous qu’on lui propose s’il ne connait pas l’œuvre originale ; dès lors, « il ne peut que rentrer chez lui frustré et avec le sentiment de ne pas avoir sa place à l’opéra, au sein d’une communauté hermétique ».

Comment faire en sorte d’éviter l’écueil ? Jonas Kaufmann se perçoit comme un directeur artistique présent « dès le début » des projets artistiques qui seront donnés à Erl, « pour étudier où vont les idées de mises en scène avant qu’il ne soit trop tard pour les modifier » : « tout en préservant une certaine liberté artistique, je souhaite accompagner les étapes de production de manière constructive et soumettre au débat ma perception des limites à ne pas franchir ». Au-delà de son opinion sur les mises en scène, le ténor estime aussi que son expérience d’interprètes peut être utile aux metteurs en scène : « je pense qu’il serait très souhaitable que les directeurs artistiques expérimentent le sentiment d’être sur scène. Ceux ayant cette expérience concrète savent ce qu’est le fait de ne pas être à l’aise sur scène et c’est précieux dans le métier de directeur artistique ».

« Nous transporter dans un autre monde »

Comment définir ces mises en scène qui ne mettent pas les artistes mal à l’aise et qui seraient susceptibles de réconcilier néophytes et amateurs éclairés d’opéra ? Selon Jonas Kaufmann, une mise en scène d’opéra doit « nous transporter dans un autre monde, nous faire ressentir quelque chose que nous ne ressentons pas au quotidien : c’est précisément pour cette raison que l’opéra a longtemps eu autant de succès et de popularité que le cinéma aujourd’hui ».

Faut-il alors s’inspirer du cinéma dans les mises en scène d’opéra ? Dans une certaine mesure, le ténor répond par l’affirmative. « Je trouve fascinant de voir comment le cinéma et les séries surfent avec un tel succès sur une vague rétro – toutes ces séries sur les maisons royales, du Moyen-Âge au XXe siècle, ou ces nombreuses séries fantasy sur Netflix, Amazon et autres. Elles nous plongent dans un tout autre monde, les décors et les costumes sont magnifiques. Bien des spectateurs trouvent tout ceci bien plus passionnant que des personnages qui se présentent sur scène en costume noir – c’est ce que vous voyez déjà tous les jours ». Si d’aucuns considèrent que l’art peut aussi bousculer, voire pousser artistes et spectateurs dans leurs retranchements, Jonas Kaufmann aborde manifestement l’opéra plus volontiers comme un divertissement. 

En avril dernier, il dévoilait le programme de la prochaine édition du Festival d’Erl. À Pâques, le festival donnera une nouvelle production de Parsifal : le directeur artistique promet une « lecture moderne et intemporelle » de l’opéra de Wagner, mais dans laquelle la lance et le Saint Graal sont effectivement une lance et un graal. « Aujourd’hui, le fait de ne pas transposer ces éléments est presque une petite révolution ».

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