
Dans la Norma de Bellini, le rôle-titre mais aussi celui de Pollione sont particulièrement exigeants, que ce soit vocalement ou théâtralement. L’Opéra de Vienne propose une nouvelle production de Norma, mise en scène par Cyril Teste : Federica Lombardi et Juan Diego Flórez y chantent les rôles principaux pour la première fois. Les deux artistes évoquent les enjeux de cette double prise de rôles.
À partir de ce samedi 22 février, l’Opéra d'Etat de Vienne donnera une nouvelle production de Norma, confiée au metteur en scène Cyril Teste. À cette heure, il cultive encore le mystère sur la lecture qu’il entend faire de l’opéra de Bellini, mais d’ores et déjà, la production pique la curiosité des amateurs d’art lyrique du fait de sa distribution : la soprano italienne Federica Lombardi interprètera le rôle-titre face au Pollione de Juan Diego Flórez, et pour les deux artistes, il s’agira d’une prise de rôle. Pour l'occasion, l'Opéra de Vienne partage leur ressenti respectif.
Federica Lombardi : je suis « prête pour Norma, prête à relever le défi »
Evidemment, Norma est loin d’être un personnage anodin dans la carrière d’une chanteuse. Quand le rôle lui a été proposé par l’Opéra de Vienne, Federica Lombardi indique avoir été « très honorée », mais avoir « aussi quand même hésité avant de l’accepter ». Elle s’en explique : « nous savons tous que Norma n’est pas un rôle facile, c’est un rôle incroyablement exigeant musicalement et dramatiquement ». « Norma nécessite de la technique, de la puissance dramatique, une conscience très précise de votre instrument – et de tout votre corps. Il faut se concentrer sur les coloratures, mais aussi sur le legato et tous ces moments très dramatiques (...) sans compter que l’interprète de Norma chante à elle-seule quasiment la moitié de l’opéra – mais aussi impressionnant que puisse être le rôle, il vous donne beaucoup en retour ».
Ainsi, « après avoir déjà chanté Anna Bolena », un autre grand rôle du répertoire du bel canto italien, Federica Lombardi se dit maintenant « prête pour Norma, prête à interpréter le rôle avec (s)a voix et (s)a personnalité, prête à relever le défi ».
Norma, un être humain, pas un mythe
Dans sa façon d’aborder le rôle, peut-être est-elle aussi aidée par la mise en scène de Cyril Teste. On considère souvent Norma comme un mythe, un personnage mystérieux et intouchable. Ce n’est manifestement pas ainsi que la production viennoise entend l’aborder : « avec Cyril Teste, nous voulons esquisser une Norma "différente". (...) Elle est humaine et non un mythe, et nous voulons montrer son côté humain (...). Norma est aussi une mère, une amante. Et elle passe par toutes ces émotions dans l'opéra. (...) Même si Norma est souvent considérée comme inaccessible, elle ne l'est pas. C'est un être humain ».
Federica Lombardi peut ainsi insuffler beaucoup d’elle-même dans le personnage de Norma : « nous essayons de créer quelque-chose de réel, une personne réelle avec de vrais sentiments, avec mes sentiments – ce qui n’est finalement pas très difficile dans la mesure où tout le monde peut ressentir les sentiments de Norma : qui ne pourrait être en empathie avec sa douleur, qui ne souffre pas avec elle ? Et toutes ces émotions comme l’amour, la jalousie, la colère ou la vengeance... tout le monde connait ça ».
« Pollione est aussi un solide défi »
Parallèlement à Norma, quid du Pollione chanté pour la première fois par Juan Diego Florez ? Selon le ténor péruvien, « Norma est considéré à juste titre comme l'un des rôles d'opéra les plus exigeants, mais Pollione est aussi un solide défi. Sa partition est pleine d’urgence, mais aussi pleine de belles lignes et de longues phrases très expressives. Le premier air et le duo avec Adalgisa sont des moments très singuliers, également exigeants sur le plan technique. Pollione n'a pas les coloratures ou le feu d'artifice vocal d’une Norma, mais il a lui aussi des moments fascinants, expressifs et exigeants sur le plan technique, comme la plupart des rôles principaux de Bellini ».
Le rôle est ainsi servi par de très belles pages, mais reste un défi pour son interprète. Selon Juan Diego Florez, « la musique de Bellini est techniquement exigeante, elle requiert un legato soutenu et un contrôle précis ; sans cette base, il est difficile de transmettre pleinement le voyage émotionnel de Pollione ». Il en va de même sur un plan théâtral, « le personnage est consumé par un profond conflit intérieur ». Le chanteur doit concilier l’exigence technique et la richesse émotionnelle du rôle, et « c’est là qu’est le réel test » du rôle. Selon le ténor, c’est aussi ce qui le rend très gratifiant.
La nouvelle Norma de l’Opéra de Vienne mise en scène par Cyril Teste est dirigée par le chef Michele Mariotti. Federica Lombardi et Juan Diego Flórez partagent la scène avec notamment Ildebrando D'Arcangelo dans le rôle d’Oroveso et Vasilisa Berzhanskaya en Adalgisa. La production est donnée du 22 février au 15 mars, et sera reprise du 16 au 26 mai prochains avec Lidia Fridman et Freddie De Tommaso dans les deux rôles principaux.
publié le 19 février 2025 à 16h27 par Aurelien Pfeffer
19 février 2025 | Imprimer
Commentaires