Un changement de directeur irrigue les artères d’une institution forcément d’une autre façon. Olivier Mantei avait instauré la saison sur année calendaire à l’Opéra Comique ; Louis Langrée, arrivé en novembre 2021 à la tête de la Salle Favart, restaure la période septembre-juillet, d’où une présentation de moitié de saison, de janvier à juillet 2023. C’est l’occasion pour le chef d’orchestre de replacer les projets annulés ou « incomplets » dus à la COVID, de mettre l’accent sur la musique du XXIe siècle, et de ne pas perdre de vue le répertoire de cette maison d’histoire(s) et de patrimoine.
Les récitals commentés « Mécanopéra » seront à nouveau un espace de communication avec le jeune public, tandis que L’Instant Lyrique prendra ses marques à deux dates pour des concerts avec Marie-Andrée Bouchard Lesieur, Alexandra Marcellier, Cyrielle Ndjiki Nya et Antoine Palloc, sans oublier les moments musicaux « À l’heure du déjeuner ».
Interview. Le Voyage dans la Lune à l'Opéra Comique : discussion avec Laurent Pelly entre la Terre et la Lune
Nous avions consacré un papier aux répétitions du Voyage dans la Lune d'Offenbach au printemps 2021. Une captation télévisuelle de la production avait été diffusée, mais il ne manquait plus qu’à ce projet mis en scène par Laurent Pelly d’être donné face à un public. La Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique – menée par Arthur Roussel en prince Caprice, et Ludmilla Bouakkaz en princesse Fantasia – y apparaît dans sa totalité, et le truculent Franck Leguérinel y campe le roi V’lan. La cheffe Alexandra Cravero dirigera enfin Les Frivolités Parisiennes en fosse dans cette production avec l’Opéra national de Grèce (Greek National Opera).
Carmen trône fièrement dans l’entrée du bâtiment de place Boieldieu. Elle reprendra vie dans la maison qui l’a vu naître, comme prévu durant la saison 2020, en amitié avec la Chine : Long Yu à la baguette de l’Orchestre Symphonique de Shanghaï, Beijing Music Festival (et Opernhaus Zürich) en cofinancement. Andreas Homoki fera traverser la légende à travers les âges, soutenu par Gaëlle Arquez dans le rôle-titre – un retour qu’elle évoque dans une de nos interviews –, qui jettera la fleur à Frédéric Antoun (Don José). Nathalie Manfrino incarnera Micaëla, et Jean-Fernand Setti, Escamillo.
La comédie-ballet Le Bourgeois gentilhomme, annulée à la dernière minute à l’automne 2020, prolongera début 2023 l’année Molière. Le « pétulant » spectacle de Jérôme Deschamps (selon les mots de notre chroniqueur à l’Opéra National de Bordeaux, début 2022), bénéficiera de l’expérience de Lully des Musiciens du Louvre et de son Académie, dirigés par son directeur artistique Marc Minkowski (et du violoniste Théotime Langlois de Swarte pour la dernière représentation), aux côtés d’une distribution vocale prometteuse : Sandrine Buendia / Natalie Pérez / Constance Malta-Bey, Nile Senatore, Lisandro Nesis, Jérôme Varnier / Nabil Suliman.
La reprise de la magnifique Inondation (2019) de Francesco Filidei et Joël Pommerat est un signal fort quant à l’importance accordée au répertoire récent (sans compter sa tournée à Angers Nantes Opéra, l’Opéra de Rennes, l’Opéra de Limoges et aux Théâtres de la Ville de Luxembourg). Après Les Éclairs l’an dernier, Jean-Christophe Lanièce revient dans le 2e arrondissement dans une œuvre contemporaine, avec une grande partie des chanteurs « d’origine » (Chloé Briot, Norma Nahoun, Cypriane Gardin, Enguerrand de Hys, Guilhem Terrail), rejoints par Tomislav Lavoie et Victoire Bunel. Côté instrumental, la tâche échoit à Leonhard Garms et à l’Orchestre de chambre du Luxembourg.
La musique contemporaine retentira également dans Breaking the Waves, de Missy Mazzoli, d’après le puissant film de Lars von Trier, Grand Prix du Festival de Cannes 1996. Il s’agit là de la deuxième lecture (par Tom Morris) de cette œuvre lyrique née à l’Opera Philadelphia. Jan (Jarrett Ott) travaille sur une plateforme pétrolière en Écosse et revient un jour paralysé à vie. Il demande à sa femme, la très pieuse Bess (Sydney Mancasola) de coucher avec d’autres hommes et de lui raconter ses ébats. D’abord réticente, elle va ensuite entrer dans une spirale de destruction et de violence physique qu’elle associe à sa ferveur devant Dieu… Outre Wallis Giunta (voir notre interview), Susan Bullock, Elgan Llŷr Thomas, Freddie Tong et le Chœur Aedes entre terre et mer, le chef Mathieu Romano et l’Orchestre de chambre de Paris seront de la partie.
Pour clore le deuxième trimestre 2023, l’Opéra Comique mise sur la comédie-ballet Zémire et Azor de Grétry (1771), devenue grand succès à Favart. C’est le chef de l’institution Louis Langrée (et Théotime Langlois de Swarte le 1er juillet) qui sculptera les textures orchestrales des Ambassadeurs – La Grande Ecurie dans cette adaptation orientale de La Belle et la Bête en collaboration avec l’Atelier Lyrique de Tourcoing. Parmi les solistes figureront Julie Roset, Philippe Talbot, Margot Genet, Séraphine Cotrez, Sahy Ratia et Marc Mauillon. À la mise en scène, Michel Fau poursuit son travail avec la maison, suite à ses invitations des deux dernières directions. Nous attendons donc de voir à quoi ressembleront les « années Langrée », après ces six mois de transition pour mieux repartir sur les starting-blocks dès septembre.
18 septembre 2022 | Imprimer
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