L’Opéra de Paris face à un « mur d’investissements » selon la Cour des Comptes

Xl_cour-des-comptes-opera-de-paris-2024 © Opéra de Paris

Dans son dernier rapport en date sur les finances de l’Opéra de Paris, la Cour des Comptes salue le « dynamisme » de la maison parisienne, grâce à une augmentation des recettes de billetterie et de mécénat, tout en contenant les coûts de production des dernières saisons. L’établissement devra néanmoins faire face à un « mur d’investissement » de 200 millions d’euros dans les années à venir pour rénover son patrimoine immobilier. Des travaux lourds qui nécessiteront la fermeture temporaire de Garnier, puis de Bastille pendant de nombreux mois.

La Cour des comptes vient de publier son dernier rapport sur les activités économiques de l’Opéra de Paris – portant sur les exercices 2015 à 2024. Et si la juridiction financière de la rue de Cambon constate une activité « particulièrement dynamique » de l’OnP ces dernières années, elle souligne aussi « les défis majeurs » qui s’annoncent pour l’institution : les rénovations de ses scènes et bâtiments sont estimés à « 200 millions d’euros au minimum » et auront pour « conséquence directe des fermetures prolongées du Palais Garnier et de l’Opéra Bastille ces prochaines années ».

Une gestion qui se rationalise

Au cours des exercices passés au crible de la Cour des Comptes, l’Opéra de Paris a connu deux directeurs, Stéphane Lissner de 2014 à 2020, puis Alexander Neef depuis 2020, et la Cour constate des gestions différentes au cours des deux mandats. On le sait, Stéphane Lissner dispose d’un carnet d’adresses très fourni, il l’a abondamment utilisé pour attirer les plus grands interprètes à Paris et multiplier le nombre de créations de nouvelles productions (notamment entre 2015 et 2017). Selon la Cour, son mandat a ainsi été marqué par des « ambitions artistiques brillantes mais parfois coûteuses ». Depuis, Alexander Neef mène manifestement une gestion plus raisonnée visant à rationaliser les comptes de l’institution – et y parvient.

En d’autres termes, sous l’impulsion de Stéphane Lissner, les recettes de billetterie ont significativement augmenté (pour atteindre jusqu’à 77 millions d’euros pour la saison 2018/19), tout comme le mécénat est en hausse constante ces dernières années (passant de 12,1 millions en 2015 à 23,6 millions en 2023). Pour autant, cette politique de créations dispendieuse a aussi creusé le déficit de l’OnP, passant d’un résultat net de 3,7 millions en 2014 à une perte de 6,83 millions d’euros en 2018, ensuite aggravée du fait de la crise sanitaire – de 2014 à 2022, l’établissement n’a connu que deux exercices excédentaires, avant de renouer avec un résultat positif en 2023.

Pour pérenniser ce retour aux bénéfices, Alexander Neef propose des saisons plus rationalisées, articulée autour de « la recherche d’un équilibre artistique et économique ». En vrac, l’OnP compose dorénavant des saisons comptant moins de nouvelles productions et davantage de reprises (la Cour a compté jusqu’à neuf nouvelles productions lyriques lors des saisons 2017/18 et 2018/19, contre respectivement seulement six et sept pour les saisons 2022/23 et 2023/24, pour 13 puis 12 reprises lors des mêmes saisons), mais aussi un allongement des séries, notamment des productions de ballet moins onéreuses à monter. À titre indicatif, entre 2014 et aujourd'hui, le nombre de représentations chorégraphiques par saison est passé de 170 à 190, quand le nombre de représentations lyriques sur la même période est passé de 190 à 180. 

Au moins 200 millions d’euros de travaux à financer pour l’avenir

Pour autant, la Cour des Comptes s’inquiète aussi des investissements que l’Opéra de Paris devra réaliser dans les années à venir, notamment pour entretenir ses bâtiments. Selon la Cour, l’établissement devra faire face à « des besoins exceptionnels d’investissements pour la période 2024-2030, estimés à ce jour au minimum à 196 M€ » pour assurer les rénovations des façades et de la scène de Garnier ou encore réaliser des mises en sécurité de l’établissement. À Bastille, ce sont les toitures et la façade vitrée qui doivent faire l’objet de travaux, tout comme les vestiaires qui nécessitent une mise aux normes. Idem pour les ateliers Berthier dont il faut refaire la toiture et qui nécessiteront des aménagements provisoires pour coordonner les travaux de Garnier ou encore pour l’Ecole de danse de l’OnP qui impose des rénovations des toitures et des réseaux d’électricité.

Des travaux couteux que l’OnP ne pourra assumer que partiellement. La Cour estime que l’établissement peut compter à ce jour sur 50 millions d'euros de son fonds de roulement, 28 millions supplémentaires de recettes générées par les bâches publicitaires sur la période 2024/2030, la capacité d’autofinancement de l’Opéra (40 millions) et les subventions d’investissements de l'Etat fixées à ce stade à cinq millions par an, soit près de 35 millions sur la période. Soit un total d’environ 153 millions sur les quelque 200 millions qu’il faudra trouver.

L’Opéra estime surtout qu’une « grande partie des travaux nécessitera des fermetures prolongées des sites ». Plusieurs scénarios sont étudiés par l’établissement qui « privilégie l’hypothèse d’une fermeture alternée, afin de maintenir en permanence l’ouverture de l’un des deux sites : 24 mois pour Garnier à compter de juillet 2027 et 24 mois pour Bastille, à compter de juillet 2030 ». Sans surprise, les « pertes d’exploitation devraient être substantielles ». Selon la Cour, elles nécessiteront « des décisions et des adaptations importantes en termes de gestion des ressources humaines ». La Cour des Comptes estime donc que « l’OnP fait face à un mur d’investissements » et si un plan pluriannuel de travaux a été élaboré par la direction de l’Opéra de Paris, il doit encore être validé par les tutelles de l’établissement qui devront manifestement mettre la main à la poche.

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