Sonya Yoncheva : « Nous n'avons pas le droit d'être humaines »

Xl_sonya-yoncheva © Sonya Yoncheva

Sonya Yoncheva interprète actuellement Tosca à Londres, l’un des rôles qu’elle a chanté le plus fréquemment depuis sa prise de rôle en 2017, et auquel elle peut s’identifier du fait son caractère passionné – en attendant d’ajouter des rôles wagnériens à son répertoire.

Sonya Yoncheva est actuellement de retour au Royal Ballet and Opera de Londres pour interpréter l’un de ses rôles emblématiques, Tosca, dans la reprise de la production de Jonathan Kent – dont on rendait compte récemment dans la première distribution réunissant notamment Angel Blue et Ludovic Tézier.  Depuis sa prise de rôle au Metropolitan Opera de New York en 2017, Tosca est aujourd’hui le rôle que Sonya Yoncheva a chanté le plus fréquemment sur toutes les plus grandes scènes internationales – que ce soit au Wiener Staatsoper ou au Bayerische Staatsoper de Munich et au Staatsoper de Berlin, aux Arènes de Vérone et au Teatro dell'Opera di Roma, à Baden-Baden, à l'Opéra de Zurich ou au Festival de Gstaad, et même en tournée au Japon.

Et si le répertoire de la soprano bulgare est particulièrement riche, les rôles wagnériens lui échappent encore. On se souvient qu’elle avait envisagé d’interpréter le rôle d’Elsa von Brabant dans Lohengrin au Staatsoper Unter den Linden de Berlin fin 2020. Projet finalement annulé à cause d’une bronchite, l’ayant empêchée de participer suffisamment précocement aux répétitions.

Chanter Wagner exige une certaine maturité

Si les rôles wagnériens restent dans les projets de la soprano bulgare, c’est évidemment un répertoire qui ne s’improvise pas. Sonya Yoncheva le souligne dans les colonnes du Times, dans lesquelles elle se confie : « Il faut avoir une certaine maturité pour chanter Richard Wagner ». Et de préciser : « c’est comme le Roquefort ». Le Roquefort ? « Oui, poursuit-elle, vous ne mangez pas de Roquefort avant un certain âge, c’est pareil pour chanter Wagner ». Si la référence fromagère peut interloquer chez la diva, elle estime qu’il en va de même pour le champagne : « avant 20 ans, vous n’êtes pas en capacité de réellement apprécier un bon champagne ».

Il faut dire que Sonya Yoncheva investit manifestement beaucoup d’elle-même dans ses rôles – à commencer par Tosca. « D'une certaine manière, je m'identifie à Tosca parce qu'elle ne peut pas envisager d’être l'amante de Scarpia. Elle croit au grand amour et préfère la mort au fait d’imaginer vivre sans l'homme qu'elle aime. Tout est dit. Elle est intègre. Peut-être que dans le monde d'aujourd'hui, sa vie se déroulerait différemment. Elle tomberait dans les bras de Scarpia, le problème serait résolu ».

« Nous devons toujours incarner un stéréotype bien précis »

Une lecture qui fait écho à son dernier album, The Courtesan, en référence aux grandes héroïnes d’opéra – souvent dépeintes par les compositeurs comme des tentatrices et qui en meurent. « Je suis choquée par le nombre de fois où, à l'opéra, une courtisane qui décide d'aimer comme une personne normale est condamnée à mort. Je ne peux m'empêcher de penser que la vie d'une diva est très similaire ». Similaire à une vie de courtisane ? Elle s’explique : « Il est évident que nos prestations sont différentes, mais nous sommes souvent perçues de la même manière. Nous sommes toujours "en service". Nous n'avons pas le droit d'être humaines. Nous ne pouvons pas avoir de famille. Nous ne pouvons pas tomber malades. Nous ne pouvons pas être ceci ou cela. Nous devons toujours incarner un stéréotype bien précis, sous peine de lire la déception dans le regard des autres ».

Sonya Yoncheva interprète Tosca actuellement à Londres et reprendra le rôle de nouveau au Festival de Caracalla à Rome dans quelques jours, avant d’endosser la personnalité d’autres grandes figures tragiques de l’opéra dans le cadre du Varna Summer en Bulgarie, notamment Mimi de la Bohème puis le rôle-titre de Madame Bautterfly – un autre rôle particulièrement exigeant, qu’elle dit ne quitter « qu’essorée », comme si on lui avait « arrachée toutes les émotions du cœur ».

publié le 18 juillet 2024 à 09h08 par Aurelien Pfeffer

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